Homélie du 21 décembre 2025, par le P. Maxime Petit

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 21 décembre 2025

          Chers frères et sœurs,

          Le texte d’évangile que nous venons d’entendre, nous le connaissons bien. Trop bien, peut-être ! Et quand on entend pour la 120ème fois un texte, le risque est grand de mettre le pilote automatique, c’est-à-dire de nous laisser bercer par ces mots et de rejouer dans notre esprit la scène évangélique sans plus vraiment être attentif à ce que Dieu veut révéler. Oh, chers frères et sœurs, je ne me permettrais pas de vous blâmer car je suis moi aussi bien souvent victime de cette pratique spirituelle. Comme le disait très justement Bernanos dans La joie : « le danger n’est pas de perdre la foi, mais de s’y habituer ».

          Pourquoi est-ce que je vous dis cela ? Eh bien, parce qu’habituellement, lorsqu’on lit le songe de Joseph, on a bien vite tendance à se concentrer sur sa décision dramatique de renvoyer Marie en secret. Peut-être parce que c’est ce qu’il y a de plus marquant, voire de plus violent. Peut-être aussi parce que cette décision initale est totalement en opposition avec celle que Joseph prendra finalement. En effet, on vient de le lire, « quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse ».

          Ainsi, chers frères et sœurs, on a tendance à faire de ce texte une leçon de morale. Le vilain Joseph, ou plutôt le Joseph désorienté, finit par se convertir grâce à la parole de l’ange. Bien que sa gêne initiale soit légitime, l’époux finit par ravaler son amour propre et obéit à l’ange en acceptant de renoncer à une paternité physique.

          Pour tout vous avouer, chers frères et sœurs, cette lecture manichéenne, pour ne pas dire caricaturale, me sort par les yeux. Car Dieu et Joseph apparaissent comme deux personnages opposés, l’un et l’autre ayant des intérêts différents. Et, par une sorte de bras de fer spirituel, Dieu finit par avoir gain de cause et Joseph par plier, malgré lui.

          J’ai bien conscience que je grossis un peu le trait dans cette présentation. Mais, c’est à dessein. Car, au fond, c’est souvent notre tendance naturelle : considérer les intérêts de Dieu comme opposés aux intérêts de l’homme. Et finalement, de comprendre la sainteté comme une abdication, comme un abandon de la liberté humaine face à la grandeur de Dieu.

          Eh bien, chers frères et sœurs, je veux aujourd’hui m’inscrire en faux face à cette interprétation théologico-spirituelle. Non parce qu’elle m’est étrangère, mais parce qu’il me semble qu’elle colle mal avec le message de l’évangile. De l’évangile dans son ensemble, où Dieu cherche à faire éclore la liberté de l’homme pour qu’il s’accomplisse lui-même, mais plus encore de cet évangile en particulier. Et c’est précisément ce que je voudrais montrer maintenant.

          Pour cela, je vous propose, non pas de partir de la figure de Joseph mais de la parole que l’ange prononce : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ».

          Dans cette longue phrase, il y a deux parties. D’abord, l’ange s’adresse directement à Joseph : « Joseph, fils de David, l’interpelle-t-il, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse ». Je remarque que l’ange Gabriel ne s’adresse pas à une personne générique. Il s’adresse à UN homme : Joseph, fils de David. Il prend en considération celui qu’il a en face de lui ; celui qui est issu de la lignée du roi David. Et que lui dit-il ? « NE CRAINS PAS ». Ces trois petits mots sont essentiels ! L’ange ne dit pas à Joseph : « maintenant, tu la fermes, et tu prends chez toi ton épouse parce que c’est la volonté de Dieu ». Gabriel dit à Joseph : « NE CRAINS PAS de prendre chez toi ton épouse ». N’aie pas peur ! Ne te laisse pas déstabiliser par le dessein de Dieu ! Car oui, l’Annonciation que t’as raconté Marie a quelque chose d’extraordinaire. Oui, cela t’empêche d’envisager l’avenir tel que tu l’avais certainement imaginé. Mais Dieu est à l’œuvre dans cet événement. C’est l’Esprit qui a engendré cet enfant en Marie. Autrement dit, chers frères et sœurs, l’ange rassure Joseph. Il ouvre en lui un espace de liberté pour que ce dernier puisse entrer vraiment, librement, pleinement lui aussi dans le dessein de Dieu.

          D’ailleurs, l’ange ne s’arrête pas là. Il poursuit son propos en donnant à Joseph sa mission. Marie « enfantera un fils ». C’est sa mission à elle. Et toi Joseph, « TU lui donneras le nom de Jésus ». Comme Marie a reçu sa mission le jour de l’Annonciation, celle d’être la mère du Très-Haut, dans ce songe, Joseph, lui aussi, reçoit sa propre mission, celle de donner le nom à l’enfant – c’est-à-dire d’assumer la paternité de celui-ci tout en sachant qu’il n’en est pas le père biologique. Ainsi, l’ange donne à Joseph SA mission. Là encore, sans forcer sa liberté. Il lui propose d’entrer librement dans le dessein de Dieu. Un dessein qui l’engage et qui le dépasse puisque l’humanité tout entière dépend de sa réponse : « tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ».

          C’est alors que Joseph, remis en confiance face à la situation qui l’a fait chanceler, renouvelé dans sa liberté souveraine, accepte la mission qui lui est confiée : quand il se réveilla, « il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse ».

          On le voit bien, chers frères et sœurs, cette lecture a de quoi renouveler notre compréhension de cette page d’évangile. Elle a le mérite de nous empêcher de sombrer dans une opposition un peu stérile entre la volonté de Dieu et la volonté de l’homme. Elle a le mérite de nous faire réfléchir à nouveau frais sur la manière dont Dieu nous gouverne.

Je le reconnais, cela n’est pas confortable. Car, avouons-le, tout en nous révoltant, on est parfois tenté de désirer cette abdication de notre liberté. Parfois par paresse, souvent par peur, on aimerait bien que Dieu nous dise clairement ce qu’il attend de nous. On préfèrerait qu’il soit directif, contraignant, pour nous empêcher de prendre les mauvaises décisions. Et c’est là que l’évangile nous retourne. Car ce n’est jamais de cette manière que Dieu entre en relation avec nous ! S’il nous a créés libres, c’est parce qu’il a un infini respect pour notre liberté et donc qu’il veut nous voir l’exercer. Ainsi, comme à Joseph, il ne nous dit pas « fais ci », « fais ça », mais « ne crains pas », « assume cette situation qui te déstabilise », « travaille avec patience à l’avènement du Royaume », « exerce la liberté que je t’ai offerte par amour ».

          Telle est la volonté de Dieu pour chacun d’entre nous, chers frères et sœurs. Non pas nous contraindre à faire ce qu’il veut, d’une manière extérieure, mais nous faire entrer dans une relation libre, aimante, gratuite à laquelle il adjoint une promesse : qu’il sera toujours à nos côtés pour nous aider à exercer cette liberté si engageante ! Alors, chers frères et sœurs, réveillons-nous, comme Saint Joseph, patron de l’Eglise universelle. Et laissons Dieu ouvrir l’espace de notre liberté pour y entrer pleinement, avec tout ce que nous sommes. Amen.

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