Nous le savons, la mort fait partie de la vie. Elle est étalée à longueur de journée sur nos écrans, en termes de chiffres et de statistiques. Nous luttons contre elle au moment d’un accident, d’une maladie ou à l’heure du grand âge. Elle est source de débats de société, certains voulant la précipiter, ou choisir son moment, comme si la vie était en tout point maitrisable, jusqu’en sa fin. D’autres, à force « d’augmenter l’homme », voudraient la faire disparaitre ou la repousser le plus loin possible, devenir immortels. Sa présence fait partie de notre environnement, de notre paysage. Mais quand elle frappe à nos côtés, quand elle emporte ceux qui nous sont proches, l’émotion nous saisit, un monde s’écroule.
La « fête » de ce jour, la commémoration de tous les défunts, est l’occasion de faire mémoire de toutes celles et de tous ceux qui nous ont précédés. Certains depuis longtemps, et nous gardons encore leur souvenir en nos mémoires. Certains plus récemment : la douleur de la séparation peut encore être vive en nous, ainsi que l’expérience d’un silence trop lourd, d’une solitude pesante, peut-être même parfois avec le sentiment d’une injustice. Alors nous cherchons une parole de réconfort, un peu de paix, une présence. Mais l’absence reste, obstinément. Il y a bien eu une rupture, décisive. Un avant et un après. Un point de non-retour qui fait que rien ne sera plus pareil.
Nous entendons la Parole de Dieu, par la bouche du prophète Isaïe, annoncer que : « Le Seigneur Dieu fera disparaître la mort pour toujours, qu’il essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. » La proposition est intéressante, mais elle nous paraît totalement irréaliste. Elle a malgré tout le mérite de nous mener peut-être vers le vrai sens de cette fête (et pourquoi nous pouvons appeler ce jour « fête »). Car l’Eglise aujourd’hui ne fait pas que se souvenir de tous les défunts de nos familles et du monde. Elle célèbre une victoire et celui qui accomplit cette victoire : Jésus, le Christ, qui triomphe de la mort par sa résurrection. Nous ne sommes pas venus ce matin pour verser des larmes de chagrin, même si ces larmes sont légitimes et qu’elles disent l’amour que nous avons pour ceux qui nous ont quittés. Nous ne sommes venus pour verser des larmes, mais pour chanter un Alléluia festif qui veut résonner par-delà tout l’espace et le temps. Car « aucun de nous ne vit pour soi-même, et aucun de meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur… dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur, le Christ, qui a connu la mort, puis la vie », clame Saint Paul. Jésus Christ est le Seigneur de la vie et de la mort, il est celui dont la vie a été plus forte que la mort, celui sur lequel la mort n’a eu aucun pouvoir. Si, comme le dit Saint Paul, nous appartenons au Seigneur dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons donc à la Vie, que nous soyons vivants ou morts. Et la vie du Christ, en nous, est victorieuse de toute mort. Voilà l’annonce de la Bonne Nouvelle ce matin, voilà qui donne un sens nouveau à la mort, et aussi à notre vie. « Je suis la Vie », annonce Jésus lui-même dans l’évangile, dans la manière la plus directe qui soit. C’est ce cri que nous fêtons, nous ici-bas, dans notre vie terrestre, ce dimanche, et aussi ceux qui sont passés de l’autre côté de la mort, et qui peuvent célébrer avec nous Celui en qui ils sont toujours vivants. En Lui, Jésus Christ, en Lui qui est la Vie, nos cris de joie se rejoignent et se mêlent en une même action de grâce, en une même espérance, en une même louange. En Lui qui est la Vie, le Chemin et la Vérité, toute notre histoire trouve un sens et une vérité. Il n’est plus alors besoin de chercher à maîtriser la mort, ni même la vie : il n’y a plus qu’à vivre dans la confiance que tout est déjà réalisé. Vivre dans une fraternité qui dépasse tout ce que nous voyons puisque nous sommes en communion avec tous ceux qui nous ont précédés et qui vivent déjà en Dieu. Leur absence physique demeure, et ils peuvent nous manquer, assurément. Mais notre cœur comprend que leur présence est toute autre mais bien réelle, puisqu’ensemble, eux et nous, vivons dans la vie éternelle.
Que la fête de ce jour ne soit donc pas qu’une commémoration de ce que nous avons vécu, mais bien la célébration de la Vie plus fort que tout, de cette Vie qu’est Jésus Christ lui-même. Par sa résurrection il a brisé le mur de la mort et ce qui était définitif a été anéanti. En lui, Jésus, nous mettons notre espérance et notre joie. Que la communion à son Corps et à son Sang, que nous célébrons en cette eucharistie, nous fasse grandir dans la communion avec tous les vivants ici et là-bas et nourrisse notre foi, notre espérance et notre charité.
Amen.
P. Benoît Lecomte






2 réponses sur « Homélie du 2 novembre 2025, par le P. Benoît Lecomte »
deux belles citations:
“il y a quelque chose de plus fort que la mort: c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. ” Jean d’Ormesson
« Ceux que nous avons aimés et qui nous ont quittés ne sont plus où ils étaient, mais ils sont partout où nous sommes. »
Saint Augustin
Les défunts sont partis, nous laissant le vide, le manque et la douleur . Mais notre vie ici bas n’est qu’une étape . Celle que nous appelons “la mort” terrestre n’est qu’en fait le passage à la ” Vie éternelle auprès du Seigneur “. C’est le Seigneur qui nous fait vivre , quelque soit le côté où l’on se trouve . Pour moi, il n’y a pas besoin de commémorer pour se souvenir , ou pour les fleurir …. Mais un bel hommage, oui !!
Belle homélie .