(Passage de la Caravane de l’Espérance)
L’évangile nous partage un moment d’une intimité extrême de Jésus : sa prière. Et avec sa prière, nous l’entendons, son désir le plus profond, celui qu’il exprime au soir de sa vie terrestre. On pourrait dire, en utilisant ce mot offert à notre année jubilaire, que Jésus exprime dans sa prière son espérance. Il espère de tout son cœur et de tout son esprit, que nous soyons un comme le Père et Lui sont Un, et que par cette unité, le monde croie en Lui et en Celui qui l’a envoyé.
En lisant attentivement ces mots, on repère deux dimensions à cette unité désirée.
Il y a l’unité entre nous tous, femmes et hommes de toutes conditions, de tous continents, de tous horizons. Vivre une unité pourtant si difficile à atteindre et réaliser, à cause de nos calculs, de nos jalousies, de nos égos, de notre péché. Vivre une unité dans une solidarité humaine qui dépasse toutes nos divisions pour devenir témoignage d’autre chose de plus grand, plus fort, plus profond. Vivre l’unité, non pas l’uniformité. Il y faut les différences, les divergences, la richesse du pluriel pour dessiner l’unité. Regardez comment Jésus réalise l’unité des Douze, si différents ! Il n’a pas choisi les 12 mêmes, au risque des chamailleries et des incompréhensions. Ce qui est vrai pour les 12 l’est tellement dans nos familles, dans toutes nos relations, dans tous les cercles auxquels nous appartenons, et aussi en Eglise avec nos sensibilités, nos envies, nos théologies, nos références. C’est pourtant à cette unité désirée par Jésus que nous sommes invités. Pour que le monde croie : nos divisions, nos querelles, ne sont-elles pas les premiers moteurs qui décrédibilisent notre parole et notre témoignage de charité et de fraternité ? Il y a bien un enjeu majeur à tout mettre en œuvre pour vivre cette unité en accueillant la contribution de tous.
Mais cette unité a une autre dimension, pas uniquement entre nous : elle est aussi en Dieu. « Qu’ils soient un en nous », dit Jésus. Être un en Dieu. Voilà qui ouvre à quelque chose de nouveau. Ou d’encore plus grand et mystérieux. Jésus ne dit rien de moins que notre place est d’être en Dieu, de vivre en Dieu, d’habiter ou de demeurer en Dieu. Folie d’un Dieu qui ne retient décidément pas jalousement son rang divin, mais qui veut vivre avec l’humanité toute entière, rassemblée en son Nom, par le Fils et l’Esprit. Nous disons parfois facilement que Dieu vient vivre nous. C’est l’inverse que désire ici Jésus : que nous vivions en Dieu. Don d’une unité qui dépend de notre consentement, mais qui vient totalement de Dieu, car Lui seul peut nous inviter ainsi à vivre en Lui. Toujours « pour que le monde croie ». Car vivre en Dieu, c’est vivre en l’Amour tout-puissant, c’est vivre en actes et en intentions de la puissance de Salut, de relèvement et de libération que nous offre le Christ, c’est vivre des relations entre nous et avec Dieu à l’image des relations entre les personnes divines, le Père, le Fils et l’Esprit.
La barre est haute, l’exigence peut paraître inaccessible.
Pourtant, cette prière est un testament. Et un testament, on se doit de l’exécuter. Alors il nous revient de vivre dans l’unité, de devenir parfaitement un.
Notre « Caravane de l’Espérance », dont nous sommes déjà au 4ème jour, est certainement une initiative et une expérience qui nous donne de vivre quelque chose de l’unité tant désirée et priée par Jésus.
L’unité entre les personnes qui se retrouvent dans chacune des communes, pour ces temps de rencontre, de prière, de fraternité réelle, où la joie de la relation l’emporte sur toutes les querelles ou les jugements qui pourraient avoir lieu. Les personnes sont pourtant parfois si différentes les unes des autres ! Avec ceux qui vivent l’aventure depuis plusieurs jours, nous sommes témoins de ces instants comme suspendus, mais qui disent combien la prière de Jésus rejoint finalement le désir profond de nos cœurs. Combien l’expérience de cette unité est signe d’une espérance tant attendue, qui fait du bien, qui redonne vie, joie et dynamisme parce qu’elle n’exclue personne, pas même les plus fragiles dont la société voudrait se débarrasser en invoquant des raisons fallacieuses. Oui, si l’un d’entre nous n’est pas là, fût-il le plus pauvre, le plus petit, le plus éloigné, le moins rentable, l’unité est brisée.
Cette Caravane dessine aussi une unité plus grande : celle de nos paroisses et de notre doyenné, signe de l’unité de notre Eglise universelle. Dans les différences de chacun, avec les forces et les faiblesses de chacun, mais avec le même désir de tous, nous voilà entrainés dans cette aventure de communion qui dépasse nos petits cercles toujours trop étroits, pour découvrir la richesse d’une unité plus grande et être entrainés dans une dimension enthousiasmante et réjouissante.
La Caravane de l’Espérance passe à Lagarde ce matin, et elle va continuer sa route encore une semaine, jusqu’à l’Abbaye de Maumont où nous nous donnons tous rendez-vous pour rendre grâce de cette espérance ainsi déployée et témoignée, et de cette prière de Jésus que nous aurons fait nôtre, à notre manière.
Que l’Esprit Saint, que nous implorons avec les apôtres en ce temps de Cénacle, nous donne d’être des vivants et des témoins de cette unité entre nous et en Dieu. Pour que nos cœurs soient dans la joie, et que le monde croie.
Amen.
P. Benoît Lecomte
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