Chers frères et sœurs,
Je voudrais commencer cette prédication en vous posant une question. Une question à laquelle nous allons prendre le temps de répondre par quelques instants de silence : quel regard posez-vous sur notre époque et notre génération ? Ou, pour le dire dans des termes qui reprennent le thème de cette année jubilaire : quelle espérance portez-vous pour notre monde actuel ?
Silence
Les plus pessimistes répondront peut-être : « aucune ». Leur cœur pilonné par les multiples trahisons, leur regard désabusé par la manière dont les puissants gèrent le monde, n’arrivent peut-être plus à avoir confiance en celui-ci. Et leur prière se fait alors tranchante : Seigneur, écrase ce qui est mauvais, jette au feu ce mal qui envahit le monde. Et ils se sentiront peut-être justifiés par la vision de saint Jean dans l’Apocalypse : « Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus ». En voilà une bonne nouvelle : Le Royaume de Dieu sera gage de nouveauté ! Dieu fera disparaître ce premier ciel et cette première terre corrompus par la puissance du mal, il chassera ce qui ronge le monde de l’intérieur. Bref, il fera toute chose nouvelle !
Certains d’entre vous, chers frères et sœurs, trouveront certainement que cette vision manque cruellement d’espérance… parce qu’elle se concentre sur le mal en oubliant de voir le bien. Si vous pensez cela, c’est certainement que vous appartenez à la catégorie des optimistes. Vous faites partie de ceux qui ont la capacité de ne pas voir ce qui gangrène le monde. Non pas que vous soyez aveugles, mais vous estimez peut-être que le mal ne mérite pas votre attention. Vous préférez détourner votre regard de ce qui est mauvais pour vous concentrer sur ce qui est beau. Les plus radicaux dans l’optimisme en viennent même à refuser de se battre pour des grandes causes. Ils deviennent incapables de s’indigner… Ce qui a le don d’énerver au plus haut point les pessimistes ! Et voilà comment les deux camps en viennent à se mépriser. Les uns étant enfermés dans leur vision négative du monde n’arrivent plus à voir ce qu’il y a de bon. Les autres ne voulant détourner leur regard de la beauté refusent toute critique de ce qui est corrompu. Les bileux contre les insouciants ! Les naïfs contre les désenchantés !
Face à cette querelle stérile qui ronge parfois l’Eglise de l’intérieur, du fond de l’évangile de Jean, le Seigneur fait entendre sa voix : « Comme je vous ai aimé, aimez-vous les uns les autres ». Cela paraîtra peut-être hors de propos ou moralisateur ! De quel droit le Seigneur nous commande-t-il d’aimer ? D’ailleurs, est-il même possible de commander à quelqu’un d’aimer ?
Si Jésus se permet de le faire, c’est précisément parce qu’il ne se place dans aucun camp. Dans ce chapitre 13 de l’évangile de Jean, alors qu’il est au milieu de ses apôtres pour son dernier repas, Jésus n’est ni optimiste ni pessimiste. Il est lucide, réaliste. « Petits enfants, c’est pour peu de temps que je suis avec vous », introduit-il son propos, car il ne sait que trop bien ce qui va lui arriver dans les heures à venir. Il sait que les puissances du mal vont se déchaîner contre lui. Il connaît le malin plaisir que ce dernier va prendre à faire souffrir. Il sera giflé, fouetté, humilié, torturé, tué. Pourtant, cela ne le rend ni amer, ni aigre ni désabusé. Sans pour autant détourner son regard de l’horreur, il sait qu’au plus profond de ce monde, au plus profond du cœur de ses apôtres qui vont l’abandonner, il reste une flamme, faible et fragile, qui leur donnera la possibilité de continuer à aimer. C’est pourquoi il leur donne ce commandement : « aimez-vous les uns les autres ». Pas d’une manière mielleuse ou hypocrite mais en vérité. En cet instant d’une rare intensité, Jésus est ce Dieu-avec-eux qui établit sa demeure au milieu des hommes pour être leur Dieu et qu’ils soient son peuple.
Voilà certainement, chers frères et sœurs, ce qui pourra équilibrer le regard que nous portons sur notre monde. Que nous soyons optimistes ou pessimistes, que nous ayons une confiance excessive ou que nous soyons désabusés, nous sommes TOUS invités à contempler Jésus qui donne sa vie par amour et à l’imiter. Car, comme il le dit lui-même c’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres que tous reconnaitront que nous sommes ses disciples.
Drôle de programme en ce moment troublé où Judas est déjà parti le livrer ! Mais celui-ci a l’avantage de mettre tout le monde d’accord. Car il n’est question ici ni sensibilité, ni de tempérament. Parce que le Seigneur nous le commande, nous avons le devoir d’exercer cette charité dans la sienne, pour lui présenter le monde et le porter jusqu’à son cœur.
« Comment ? », demanderez-vous peut-être. Ma réponse se contentera de regarder attentivement notre communauté paroissiale qui, dans sa diversité, présente bien des manières de le vivre concrètement.
Je pense d’abord à vous, fiancés, qui vous préparez au mariage ! En vous engageant à la fidélité jusqu’à ce que la mort vous sépare, vous nous rappelez combien Dieu s’engage résolument, indissolublement envers l’homme qu’il est venu sauver ! Pour encourager votre démarche, je vous propose de prendre en exemple ces couples qui fêtent cette année un anniversaire de mariage. Malgré les épreuves, les difficultés de la vie qui n’ont certainement pas manqué, leur fidélité témoigne que le Seigneur bénit ceux qui s’engagent à le suivre jusqu’au bout.
Rassurez-vous, chers célibataires, je ne vous oublie pas. Certains vivent un célibat choisi pour certains en vue du Royaume de Dieu, d’autres un célibat subi, causé par les épreuves de la vie… Eh bien, pour nous aussi, Dieu a un projet particulier pour faire rayonner son amour dans le monde ! Celui d’élargir sans cesse notre cœur pour nous rendre présents auprès des plus pauvres, des plus petits, des déshérités, des écorchés de la vie que les puissants font mine d’ignorer. La fécondité de notre amour est autre, mais elle est bien réelle. Car le Seigneur nous appelle à témoigner de sa présence en nous aimant les uns les autres, d’une manière gratuite, désintéressée.
Enfin, je ne voudrais surtout pas oublier les enfants, les adolescents qui grandissent à l’exemple de Jésus durant sa vie cachée à Nazareth. Votre vocation n’est pas encore décidée ? Vous n’avez pas encore donné votre vie ? Alors demandez au Seigneur de vous guider pour apprendre à vous DONNER et à aimer COMME LUI aime. Comme nous le montre aujourd’hui Noélie qui se prépare à recevoir le baptême, c’est à la mesure avec laquelle nous choisirons de suivre le Christ que nous pourrons être témoins de son amour pour chaque homme. Alors chers frères et sœurs, quelle que soit votre âge, votre état de vie, votre vocation, entrez dans cet amour de ce Dieu qui vient à notre rencontre ! Annoncez la Bonne Nouvelle par vos paroles… mais aussi par vos actes de charité. Car ce matin, le Seigneur nous le rappelle ce matin : c’est à ceci que TOUS reconnaîtront que nous sommes ses disciples. Amen.
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