Le style du prophète Daniel ou de l’évangéliste Marc est apocalyptique. « Une grande détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa clarté, les étoiles tomberont du ciel… » « Ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent », disait Daniel. Mais ce temps annoncé au futur nous apparait comme un présent. Je ne sais pas si les nations n’ont jamais connu une telle détresse, mais les crises, les conflits, les violences, les mensonges sont tellement présents qu’ils en obscurcissent la vue et assombrissent la lumière. Et quand on pourrait encore réclamer la justice, la vérité, l’état de droit, l’honnêteté, l’on comprend que les mensonges, les fake news, la loi du plus fort ont déjà pris le pas. Qu’est-ce que l’homme, sinon une variable d’ajustement, un curseur utilisé par les puissants pour arriver à leurs fins ? Mais la fin semble parfois si proche, qu’elle soit nucléaire, climatique, démocratique, sociale… Et ce qui touche notre histoire collective peut s’abattre sur nos vies personnelles : une maladie grave voire incurable, un licenciement inattendu, un accident, la perte d’un être cher… L’apocalypse n’est peut-être pas pour demain, et les prophètes de malheur avaient peut-être raison. Y sommes-nous ? Que va-t-il donc se passer ?
Mais le Christ n’est pas là pour agiter des chiffons rouges, pour nous tétaniser ou nous dire que tout est fini. Il nous réveille à une espérance. Non pas une espérance naïve, ni un cache-sexe posé devant les yeux pour faire comme si tout allait bien. Mais une triple espérance.
D’abord, l’espérance que le monde ne part pas à sa perte, mais que l’Histoire a un sens, et que Dieu en est le guide, mystérieusement et laissant l’homme libre de ses choix. Le pape François tweetait le 9 mai dernier : « En vertu de l’espérance dans laquelle nous avons été sauvés, nous avons la certitude que l’histoire de l’humanité, et celle de chacun, ne se dirige pas vers une impasse ou un abîme obscur, mais qu’elle s’oriente vers la rencontre avec le Seigneur de gloire. » Certes, nous assistons comme à une atomisation du monde où l’individualisme – et nous y participons tous d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre – prend le pas sur le désir de communion. Nous voyons notre monde, nos repères, nos vies parfois, se disloquer. Mais le Christ l’affirme : la fin n’est pas marquée par l’émiettement, mais par la communion. « Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. » Et nous pouvons être sûrs de sa victoire finale, lui qui l’a définitivement scellée sur le bois de la croix et dans la lumière du tombeau vide au matin de Pâques. Même si nous voyons que ce monde court à sa perte, la fin n’est pas un chaos ou un cataclysme irrémédiable, mais un banquet éternel de joie et de fraternité dans la Lumière du Père.
Ensuite l’espérance de sa fidélité. Nous pouvons parfois avoir l’impression que le Seigneur nous a abandonné, qu’il a détourné le regard de nos vies. Mais Jésus l’assure : « le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. » C’est en cette fidélité de Dieu que peut s’ancrer solidement notre espérance. Le Seigneur ne retire jamais sa promesse. Plus encore, nous savons que nous pouvons mettre en lui toute notre confiance et qu’il vient porter nos fardeaux avec nous, ne nous laissant jamais seul avec un poids trop lourd à porter. Invitation à nous laisser accompagner par lui, à grandir dans sa fidélité et sa présence. A ne pas céder à la peur lorsqu’elle se présente à nous. « Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable », dit le psalmiste, « ma chair elle-même repose en confiance. »
Enfin, l’invitation à affuter notre regard pour ne pas se laisser emporter par les pessimismes si faciles à suivre, mais à voir « les champs déjà blancs pour la moisson » (Jn 4). C’est peut-être ce que nous avons vécu cette semaine au cours de nos assemblées de communautés locales, qui appellent à écouter encore davantage nos contemporains et à leur laisser la parole pour entendre quelles sont leurs espérances et leurs rêves pour l’Eglise et pour notre paroisse. Déjà de nombreux projets ont été évoqués, et quelques-uns travaillés. Je cite en vrac : mettre en place une adoration perpétuelle, continuer la logique d’ouverture dans la dynamique du Fraternel, ouvrir une antenne du Fraternel à Baignes, vivre des repas dans les communautés locales, imaginer des animations pour les jeunes de nos communes, grandir dans l’unité entre nos trois communautés locales, porter les sacrement du pardon et des malades aux personnes moins mobiles, aider les gens à renouer avec une image positive de l’Eglise, accueillir plus largement et plus facilement, développer les lieux de pèlerinages locaux… Tout cela demande encore à être travaillé, mis en perspective, détaillé… mais déjà, nous voyons que le Fils de l’homme est tout proche, qu’il est à notre porte et que nous n’avons qu’à lui ouvrir la porte de notre cœur, de notre regard, de notre volonté. Continuons de regarder les figuiers, le ciel et le vent, continuons d’être attentifs aux signes des temps qui ne sont pas des signes de désespoir mais des signes d’espérance et de l’action de Dieu dans notre monde. Et devenons sans cesse des collaborateurs de Dieu dans son projet d’Alliance avec toute l’humanité.
Que la Parole de Dieu et la célébration de l’eucharistie nous donnent de devenir ces espérants que le Seigneur appelle et que le monde attend. Des espérants prenant leur part active dans les réalités de ce monde qui passe, et vivant déjà comme en ce monde qui ne passe pas.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Homélie du 17 novembre 2024, par le P. Benoît Lecomte
Barbezieux - Baignes - BarretPublié le 17 novembre 2024
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