(5ème dimanche de carême, textes de l’année B)
5ème dimanche de carême. La course touche au but… mais non, presque… nous n’y sommes pas encore. L’heure n’est pas encore à la fête, à la Pâque. « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. » Heure terrible. « Que vais-je dire ? ‘Père, sauve-moi de cette heure’ ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! » « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul. Mais s’il meurt… » L’heure n’est pas à la fête, elle est à la mort. Jésus va à la mort. Et nous conduit à la mort.
En quoi est-ce une bonne nouvelle pour nous, me direz-vous ? Ne sommes-nous pas là pour célébrer la vie et Celui qui est toujours Vivant ? Certes. Mais il n’y a de vie pleinement vivante que par le passage par la mort. Et l’heure est venue. Pour Jésus. Pour nous. Pour le monde. De descendre. De descendre encore et encore. De se dépouiller. D’être dépouillé. De tout. De tout perdre. « Dépouillez-vous ! Quand vous mourrez, vous perdrez tout ! Suivez votre exode à l’avance ! Tombe la mort ! Tombe le soir ! N’attendez pas qu’il soit trop tard Pour que Dieu vous donne naissance », chante l’hymne d’un office de carême. Jésus nous entraine dans la mort. Jusqu’à ce psaume 50, si étrange et si mystérieux ! Bien sûr, il sonne de façon ordinaire pour nous. Nous nous reconnaissons pécheurs. Nous nous tournons vers Dieu pour qu’il ait pitié de nous, qu’il nous fasse miséricorde, qu’il crée en nous un cœur pur et raffermisse notre esprit. Mais comment comprendre que Jésus lui-même ait pu prier ce psaume ? Avec ces mots, ces versets ? Comment lui, le Fils de Dieu, le sans-péché, a-t-il pu demander à Dieu de le laver tout entier de sa faute et de purifier son offense ? N’y a-t-il pas là un scandale ? Une imposture ? Ou bien une descente, encore. Un dépouillement. Une mort. Jésus va jusqu’au bout. Pécheur avec les pécheurs. Mort avec les morts. Jusqu’au bout.
Jusqu’au bout de l’Alliance. Cette Alliance annoncée dans le livre de Jérémie. Cette Alliance voulue par Dieu, cette Alliance nouvelle. Une Alliance non plus à inscrire sur des tables de lois, mais à inscrire dans les cœurs, « au plus profond d’eux-mêmes. » Une Alliance d’Amour, de miséricorde, de pardon et d’abandon. Qui ne peut être scellée que dans l’abandon. « Qui aime sa vie la perd, qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » Abandon. Amour jusqu’au bout. Et invitation à le suivre. A faire de même. A placer notre propre vie, nos propres choix, notre existence dans la même dynamique, dans le même mouvement.
L’Evangile commence par la question des Grecs à Jérusalem : « Nous voudrions voir Jésus. » La suite du texte ne nous dit pas si finalement ils voient Jésus. Rien ne le laisse suggérer. La question semble même être oubliée… à moins que les paroles de Jésus disent ce qu’il faut voir, où le voir, comment le voir. Elles n’indiquent pas un homme, une star, un thaumaturge. Elles indiquent une façon de vivre. En perdant sa vie. En vivant le service, et l’abandon, et la confiance. Et l’Alliance par amour. C’est cette dynamique de vie qui donne à voir Jésus.
Alors le récit n’est plus un récit du passé. Il nous rejoint, ici et maintenant, dans nos vies personnelles et dans notre vie communautaire, dans notre vie d’Eglise. Nous avons relu en EAP, mercredi dernier, ce qui a été exprimé lors des assemblées locales de décembre et de l’assemblée paroissiale du 2 février. Nous avons cherché ce qui pouvait rendre cohérent toutes les idées exprimées. Dans ce sens : non pas celui d’être riche, nombreux, puissants, mais dans le sens d’être au service des femmes et des hommes de notre territoire, à l’écoute de leurs aspirations, en étant non pas en surplomb, mais comme des frères et des sœurs en humanité qui sont habités de cette dynamique de vie de Jésus Christ et qui se laissent conduire par leur confiance au Père. Qui se laissent conduire par le regard d’espérance et par le désir de l’Alliance par amour. N’est-ce pas dans cette dynamique que Jésus « attire à lui tous les hommes » ? N’est-ce pas dans cette dynamique que nous pourrons attirer, nous aussi, non pas à nous mais à Jésus ?
Expérience pascale. Il faut que le grain de blé meure, pour porter beaucoup de fruit. Ne cherchez pas d’autres solutions, d’autres chemins, d’autres voix, il n’y en a pas. La fin de notre carême est désormais sous ce signe, non pas de l’arrivée presque imminente, mais de l’accélération du dépouillement à vivre pour connaître la vraie vie du Christ, pour connaître l’Alliance dans laquelle l’événement de Pâques nous renouvelle.
Vendredi, nous serons invités à vivre le sacrement de la réconciliation. A prier ce psaume 50 et d’autres passages de l’Ecriture pour nous tourner vers le Seigneur et nous dépouiller de tout ce qui nous éloigne de lui, nous dépouiller de notre péché pour être renouvelés dans son pardon. L’expérience de la mort pour vivre avec Lui et porter de nouveaux fruits. Beau moment qui nous est proposé pour faire l’expérience du grain de blé… et l’expérience du Christ qui va jusqu’au bout, dans l’abandon et la confiance. Ne loupons pas ces rendez-vous, ne loupons pas ces « heures » : elles sont décisives, pour nous, pour l’Eglise, pour le monde.
Notre chemin de carême se fait plus pressent. Ne tergiversons plus, préparons-nous radicalement à la fête de Pâques, pour être prêts à l’événement du salut éternel.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Laisser un commentaire