Il y en a dont on dit qu’ils ont des « faces de carême ». On veut dire par là qu’ils se font des visages sérieux et tristes, comme si le temps de privation, d’effort, de partage, d’ouverture aux autres et à Dieu, de préparation à Pâques qu’est le carême devait nécessairement nous rendre maussades.
Par pitié, ne nous faisons pas des « faces de carême » ! Ce n’est pas cela que Dieu veut. Bien au contraire, regardez le visage de Jésus dans cette page d’évangile : « l’aspect de son visage devint tout autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. » Le visage de Jésus est rayonnant. Il irradie. Et par ce visage transfiguré, Jésus nous indique plus qu’un chemin : il nous dit le but. Le but de sa vie, et aussi le but de notre vie. Car tout ce qui concerne Jésus nous concerne. Et ce visage devenu « tout autre » dans une blancheur éclatante est déjà le visage du Ressuscité. Pierre, Jaques et Jean, les témoins de la scène, ne peuvent rien dire encore en descendant de la montagne. Il leur faudra attendre le soir de Pâques, quand ils verront Jésus ressuscité. Alors ils se souviendront et se rappelleront qu’ils avaient déjà vu ce visage. Là, entouré de Moïse et Elie, la voix du Ciel le désignant comme « le Fils bien-aimé. »
Ce visage, c’est celui que nous sommes invités à prendre. Ou plutôt, à devenir. Progressivement, pas à pas, tout au long de ce temps de carême. Le visage et tout notre corps, avance Saint Paul : « Nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ». Nous ne sommes pas invités à avoir des « faces de carême », mais à ce que notre visage s’ouvre de plus en plus et rayonne chaque jour un peu plus de la Lumière de la Vie de Dieu que nous désirons accueillir au plus profond de nous-mêmes. A trouver ou retrouver notre vrai visage de baptisés. Notre horizon, c’est la transfiguration ! C’est à avoir ce visage rayonnant que Dieu vous appelle, Léa, Léo et Léonie, qui vivez aujourd’hui des étapes vers votre baptême. Et quand on voit tout autour de nous les visages fermés, tristes, fatigués, préoccupés, inquiets, parfois même sans espérance, l’on se dit que nous avons du travail pour être témoins de cette résurrection tout autour de nous, et de sa joie, de sa réalité, de son espérance, de sa lumière !
Là est notre chemin de carême, là est notre véritable effort, la conversion que nous devons vivre : changer de visage en cherchant le visage de Dieu. « Mon cœur m’a redit ta parole, dit le psalmiste en se rappelant les paroles de Dieu : ‘cherchez ma face’. C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. »
Nous avons débuté hier midi notre pèlerinage paroissial de carême. A trois reprises, nous allons partager à partir de ces vidéos intitulées : « Ne détourne ton visage d’aucun pauvre, tu rencontreras… l’amour… le Christ… l’Eglise. » Voilà une bonne façon de changer de visage : regarder les visages de nos prochains, et particulièrement des plus pauvres autour de nous. Non pour les dévisager, ni pour envisager quoi que ce soit à leur place, surtout pas ! Mais pour apprendre de leurs visages, et découvrir Celui qui nous fait signe et nous appelle à travers eux : Jésus, lui-même. Il est si facile – et aussi si confortable – de regarder ailleurs, de chercher des yeux les lumières artificielles, d’éviter d’entrer en relation, et en amitié avec ceux qui nous entourent. Il est si tentant de rester « entre soi », de ne pas chercher plus loin, de se créer une petite bulle douillette et sans risque. Mais la suite de Jésus, et donc une vie de bonheur, est une vie en sortie, en plein vent, en confiance aussi. « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? » chante encore le psalmiste.
Cette confiance en Dieu, Abram en est un immense témoin. Il fait confiance à Dieu qui lui promet une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Mais ce que nous pouvons retenir du récit de la première lecture, en plus de la confiance d’Abram, est la fiabilité de la Parole de Dieu, qui ne revient jamais en arrière, qui ne se dédira pas. J’en veux pour signe ces moitiés d’animaux coupées en deux, et on l’imagine, sanguinolentes. Or le sang, c’est la vie. Perdre le sang, c’est perdre la vie. Par la torche de feu qu’il fait passer et en cuisant les morceaux d’animaux, non seulement Dieu fait en sorte que la vie ne se perde pas davantage, mais plus encore, il scelle à jamais sa promesse. Car on ne fait plus devenir crue une viande qui a cuit. Le geste de Dieu est irrévocable, comme sa Parole est irrévocable. Sa promesse est sûre, nous pouvons mettre notre confiance en elle.
Cela est vrai de la promesse faite à Abram. Cela est aussi vrai de la promesse faite à Pierre, Jacques et Jean sur la montagne, et à nous, à qui est arrivé ce récit : le Seigneur Jésus est le Fils bien-aimé, il ressuscitera et il nous ressuscitera avec lui, transformant nos visages de terre en visages de feu, nos faces de carême en visages lumineux. C’est la promesse et l’engagement que Dieu prend avec nous, et avec chacun de nous.
Que ce temps de carême nous donne d’accueillir, jour après jour, le mystère de la résurrection de Jésus, pour avancer nous aussi vers la vie de ressuscités. Que nos visages resplendissent de cette promesse de Dieu et de sa bénédiction.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Homélie du 16 mars 2025, par le P. Benoît Lecomte
Barbezieux - Baignes - BarretPublié le 16 mars 2025
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