J’ai eu la chance cette semaine d’être dans un lieu à l’écart de toute lumière et de pouvoir admirer tous les soirs le ciel étoilé. J’y ai vu bon nombre d’étoiles filantes, certaines magnifiques par leur intensité et leur taille ! Mais de « femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles » ou de « grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes » chassant les étoiles, je n’en ai pas vu. J’ai pu en revanche contempler la grandeur et la puissance du Créateur en admirant la beauté de la création.
L’évangile ne nous donne d’ailleurs pas de lever la tête vers les étoiles et ne fait pas preuve d’une transcendante verticalité. Au contraire, le récit a plutôt l’odeur de la chaleur des chemins poussiéreux des montagnes de Judée. Marie ne s’envole pas tel un ange vers les hauteurs, elle marche en regardant droit devant elle à hauteur de femme retrouvant sa cousine. C’est dans cette horizontalité – ou cet horizon – que s’exprime non pas la hauteur de ce qui anime ces deux femmes, mais la profondeur en leur intériorité. La puissance de Création et de Vie qu’elles portent en elles, tressaille. Dans le secret de leurs ventres, l’Ancien Testament et le Nouveau, la Première et la Deuxième Alliances se rencontrent, l’attente d’Israël et l’accomplissement de l’Histoire se rejoignent.
L’Assomption de la Vierge Marie, que nous célébrons avec toute l’Église aujourd’hui, nous amène à ce mystère non pas d’abord d’une élévation de la femme qui porta l’Enfant-Dieu, mais de la Puissance de Dieu, de la Puissance Créatrice de Dieu venu rencontrer l’Humanité pour la sauver et l’amener à Lui. Nos anciens parlaient de l’Assomption en appelant cette fête « la Petite Pâques », comme pour bien signifier qu’elle est un écho de la fête de Pâques, de la résurrection de Jésus, de la Puissance de la Vie sur toute forme de mort. « Christ est ressuscité d’entre les morts lui, le premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. » « De même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie », disait Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens. Avec l’Assomption de la Vierge, nous comprenons encore mieux que la fête célébrée à Pâques ne concerne pas uniquement Jésus-Christ, mais bien toute femme, tout homme, toute l’humanité. Marie, femme de son peuple, devient signe de chacune de nos vies et de notre vie de disciples. Ce qu’elle vit, nous sommes nous aussi invités à le vivre : porter en nous la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu pour l’offrir en chair et en os au monde, et jusqu’à participer à sa résurrection dans l’Assomption de toute notre existence. L’Assomption de la Vierge Marie célèbre la victoire déjà réalisée de son Fils qui récapitule tout et « remet le pouvoir royal à Dieu son Père. »
La fête de ce jour ne nous donne donc pas de célébrer une déesse, mais, comme toute fête mariale, de nous tourner vers le Christ. Marie, figure du disciple et figure de l’Église, nous apprend à devenir nous-mêmes disciples.
Disciples de Jésus-Christ, vivant de l’événement de Pâques en vos vies, c’est bien ce que vous devenez en plongeant dans l’eau du baptême, Blanche, Timaël et Nolann ce matin ! Vous voilà désormais ressuscités avec le Christ pour devenir, comme Marie et à sa suite, des disciples de Celui qui a vaincu la mort et porté l’humanité à son accomplissement !
C’est ce que nous méditons dans cette Visitation et dans la prière de Louange qui s’élève du cœur et des lèvres de Marie et d’Elisabeth. Beauté et simplicité de la rencontre entre les deux cousines, toutes deux porteuses d’une réalisation de la Parole de Dieu, toutes deux habitées de l’amour de Dieu et de leur peuple. Et toi, et nous, où en sommes-nous de ce que Dieu a semé en nous par sa Parole ? Où en sommes-nous de ces mots reçus du Père à chaque instant : « tu es mon fils, ma fille bien aimé(e) », tu es baptisé et dépositaire de la Parole de Dieu en toute ton existence ? Où en sommes-nous du partage des promesses qui se réalisent par nous et que nous n’avons pas à garder pour nous ? Où en sommes-nous du bonheur de croire à l’accomplissement des paroles qui nous sont dites de la part du Seigneur ? Voilà peut-être une façon particulière de vivre la fête de l’Assomption : faire remonter à la surface de notre mémoire et de notre conscience tout ce que le Seigneur fait de beau et de bon en nos vies, et le partager ensemble. Non pas pour en tirer orgueil devant les autres, puisque les autres aussi, et chacun de nous sur cette terre, est riche des richesses que Dieu lui offre, ni même pour oublier les problèmes et les difficultés que nous avons tous à traverser, ce serait une fuite que Dieu lui-même n’a pas prise, mais pour nous réjouir ensemble. Pour exprimer ensemble la gratitude et la joie de vivre. Pour nous détourner des jérémiades et des lamentations, et apprendre à voir, ne serait-ce qu’une fois, tout ce qui est bon. Et trouver les autres beaux, car eux aussi plein d’amour. Voilà votre nouvelle mission, Blanche, Timaël et Nolann ! Devenir des prophètes de la joie en ce monde qui est le votre et le notre ! Devenir des prophètes d’espérance qui ne voient pas seulement une humanité clouée au sol, mais une humanité capable de partager la vie divine des enfants de Dieu ! Montera alors de nos cœurs et de nos lèvres la louange qui construit le Corps, qui fait de nous tous l’Église. Et nous reconnaîtrons, comme Marie et Élisabeth, la Puissance de Dieu à l’œuvre par le Christ en nos vies, en nos familles, en notre monde.
Une Puissance de Vie qui nous emporte bien au-delà des étoiles du ciel des nuits d’été : elle nous emporte au cœur de l’Amour de Dieu, en notre quotidien le plus ordinaire et le plus humble, en notre intériorité la plus intime, là-même où Dieu nous donne rendez-vous pour nous ressusciter, nous élever, pour vivre de Lui et avec Lui.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du 15 août, par le P. Benoît Lecomte »
7
JOIE immense, joie énorme de relire cette homélie au souffle qui dilate, qui sublime, qui transcende, qui fait Vivre !
MERCI, Benoît…
Vive Dieu et son Esprit de Lumière !