Judas s’est donné la mort. Il a compris le geste qu’il avait fait en trahissant Jésus et ne l’a pas supporté. Mais il faisait parti des Douze, ces Douze choisis et appelés par Jésus pour être apôtres. Ces Douze qui, symboliquement, représentent les douze tribus d’Israël, et par là préfigurent l’humanité tout entière. Si l’un d’entre eux manque, le projet de Dieu boite. C’est pourquoi Pierre annonce qu’il faut remplacer Judas et trouver un nouveau « douzième », un nouvel apôtre.
Comment le choisir ? Qu’est-ce qu’un apôtre ? Pierre en donne les critères. C’est quelqu’un qui a vécu auprès du Maître, qui a partagé la route avec Jésus, et les repas, et les veillées, et les jours de fatigues et les jours de joie. C’est quelqu’un qui a une intimité avec le Christ. Quelqu’un qui n’est pas seulement « serviteur », mais « ami », disait Jésus dans l’évangile. Parmi les hommes qui répondent à ce critère, on en présente deux : Joseph appelé Barsabbas et surnommé Justus, et Matthias.
Un apôtre, c’est aussi quelqu’un qui, fort et riche de ce vécu avec le maître, va devenir témoin de la résurrection de Jésus. Il n’est pas seulement témoin de l’humanité et de la vie du Maître, il est aussi témoin, héraut, annonceur de sa puissance de vie et d’amour, en prenant sa part à la mission de l’Eglise tout entière. L’apôtre, en lien et en communion avec les autres apôtres et toute l’Eglise, est tout entier tourné vers le Mystère d’amour du Christ, et tout entier tourné par amour vers le monde et ceux à qui il est envoyé, pour annoncer cet amour incommensurable. Voilà le « ministère apostolique » auquel il est invité à prendre sa part. Nous ne savons pas grand-chose de Saint Matthias, sinon ceci : après la prière et l’invocation à l’Esprit Saint, le choix se pose sur lui, dont notre église de Barbezieux porte le nom, comme une invitation à vivre de cette spiritualité apostolique, comme un appel pour toute notre communauté paroissiale à vivre « du Christ pour ce monde », comme le dit la devise d’un des successeurs des apôtres, un évêque ancien curé de Barbezieux.
Quel rapport, quel lien avec vous, chers amis fiancés qui avancez vers le sacrement du mariage que vous célèbrerez dans les semaines et les mois qui viennent ? Peut-être le même appel, justement, à prendre votre part, vous aussi, dans le ministère apostolique de l’Eglise tout entière. Appel à rester branchés à la Source qu’est le Christ et l’amour qu’il déploie en vous et entre vous, pour témoigner au monde de la force de cet amour qui va jusqu’à la résurrection et au pardon. La formule est peut-être un peu pompeuse, mais je l’ose : vous tous, les couples en chemin vers le mariage : soyez comme Saint Matthias et les onze autres, des apôtres de l’amour, des apôtres de Jésus Christ. « Demeurez dans mon amour », vous demande – et nous demande – Jésus. « Demeurez dans mon amour pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » Et il ajoute plus loin, comme il le disait lors de l’appel des apôtres dans l’Evangile : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisi et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » Comment parler mieux de votre projet de mariage ? Quelle plus belle bénédiction recevoir ?
L’aventure est peut-être impossible si elle repose uniquement sur nos forces humaines, tout autant que l’aventure des apôtres. Tant et tant de couples autour de nous souffrent, ou se séparent, ou ne vivent pas joyeusement. Notre prière ce matin, en cette messe qu’on a appelé « de l’Alliance », n’oublie aucun de ceux-là. Pour que l’Esprit Saint donne à chacun la paix, la sérénité, la joie et l’amour dont nous avons tous besoin. Mais l’aventure, à l’image de celle des apôtres, devient plus facile si elle est enracinée dans cette amitié avec le Christ, s’il a la première place, s’il est la source. Si on se laisse chaque jour rechoisir par lui pour porter du fruit et rayonner de cet amour.
Que votre présence parmi nous ce matin, en ce jour de la Saint Matthias, nous donne à tous, communauté d’Eglise, de revenir à cette source apostolique, à cet envoi dans l’Esprit, à notre mission de témoins pour « rendre raison de l’espérance qui est en nous avec douceur et respect » (1P3). Que votre présence nous donne de grandir dans la fraternité mutuelle et de nous accompagner dans l’accomplissement de l’unique commandement : « nous aimer les uns les autres. »
Amen.
P. Benoît Lecomte
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