Homélie du 13 octobre 2024, par le P. Maxime Petit

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 13 octobre 2024

« Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima »

Aussi étonnant que cela puisse paraître, chers frères et sœurs, cette phrase pleine de tendresse est absente des récits que Matthieu et de Luc font du même épisode. Pour moi, cette spécificité est un fait marquant. D’autant plus quand on sait que saint Marc est habituellement l’évangéliste le plus avare de détails.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais à mon avis, cela veut dire que, POUR MARC, ce n’est pas un détail ! POUR LUI, ce regard et cet amour de Jésus sont comme le pivot de la rencontre avec ce jeune homme dont on ignore même le nom. Non pas parce que cela le ferait changer d’avis… Mais parce que ce regard et cet amour donnent du sens et de la profondeur à cette rencontre, ainsi qu’à l’enseignement qui la prolonge.

Je vous propose donc que l’on essaye de comprendre ce matin les raisons qui poussent saint Marc à focaliser son attention sur ce regard. Pourquoi, à cet instant précis, « Jésus posa son regard sur [ce jeune homme], et l’aima » ?

Une première réponse possible serait de dire que Jésus est admiratif de ce jeune homme qui est droit comme un « i ». Car vraisemblablement ce dernier n’est pas seulement plein aux as, en plus, c’est un homme vertueux. Il respecte à la lettre les commandements. Et face à Jésus qui égraine le Décalogue, il n’a pas peur de dire qu’il observe cela « depuis sa jeunesse ». Ce n’est d’ailleurs pas impossible ! Car si on en reste à des prescriptions légales, comprises en un sens restreint, il est fort probable qu’un homme de son âge et de son rang social n’ait jamais eu besoin de voler, ni de tuer personne. Il n’a peut-être pas d’épouse à tromper, ni de peine à causer à ses parents. Selon toute vraisemblance, cet homme qui vient se jeter aux pieds de Jésus est un homme bon. Il force l’admiration. Et ce serait pour cela que Jésus pose sur lui son regard.

Un regard qui porte en lui une forme de défit. Ce jeune homme étant exceptionnel, il est presque naturel que Jésus lui propose d’aller plus loin. Au fond, il ne fait que le pousser à donner le meilleur de lui-même : « on t’a dit de respecter les commandements, eh bien moi je t’appelle à TOUT donner, à TE donner et à me suivre. Va, vends et viens, suis-moi ! Ainsi, tu obtiendras la vie à laquelle tu aspires ». Une exigence qui s’avère mal calculée car ce jeune homme n’est pas prêt à l’assumer. Triste et désabusé, il retourne d’où il vient, au milieu de tout ce qu’il possède.

Personnellement, chers frères et sœurs – et peut-être l’avez-vous senti – je ne suis pas très convaincu par cette première interprétation du regard de Jésus. Ce qui me gêne c’est qu’elle semble décalée avec la pédagogie déployée dans l’évangile. C’est pourquoi, si vous me le permettez, je voudrais en prendre le contre-pied ! A mon avis, si Jésus pose son regard sur ce jeune homme, ce n’est pas parce que ce dernier serait admirable. Mais au contraire parce qu’il est complètement à côté de la plaque !

Je vois d’ailleurs un indice de cela dans la question qu’il pose à Jésus : « Que dois-je FAIRE pour AVOIR la vie en héritage ? » Il l’interroge comme si la vie éternelle était un bien que l’on pouvait acquérir en FAISANT quelque chose. Cela dévoile sa posture ! Toute son erreur réside là, dans le fait qu’il croit pouvoir se sauver par lui-même, « à la force du poignet » comme on le dit trivialement. Il croit que c’est en respectant scrupuleusement la Loi, en suivant à la lettre des règles, qu’il va pouvoir obtenir la vie éternelle.

En posant son regard sur lui et en l’aimant, Jésus donne déjà une première réponse à sa question : « Que dois-je faire pour avoir la vie en héritage ? » Surtout ne fait RIEN par toi-même, lui suggère Jésus. Au contraire, va, vends ce qui te donne l’illusion d’être autonome, et viens, suis-moi !

Contrairement à la première interprétation, ici, Jésus ne cherche pas à radicaliser les commandements du Décalogue. Il ne met pas une marche supplémentaire pour savoir si ce jeune homme est capable de la surmonter. En lui proposant de se mettre à sa suite, Jésus révèle plutôt à l’homme sa vulnérabilité. En lui retirant le voile d’or qui couvre ses yeux, Jésus se rend indispensable à son salut. Il lui montre que le chemin qui conduit à la vie éternelle n’est pas de l’ordre du FAIRE, de l’ACQUIS mais bien de l’ABANDON, de la SUITE d’un autre.

Et l’on comprend ainsi comment cela prépare l’enseignement qui suit. Car, dans les versets suivants, c’est bien de cela dont il est question. Suite à la lamentation de Jésus sur la difficulté d’être sauvé, les apôtres sont eux aussi désabusés. « Mais alors, qui peut être sauvé ? », interrogent-ils. La réponse de Jésus est lumineuse, quoique déconcertante : « pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu ». Tant que les hommes voudront se sauver par eux-mêmes, en accumulant de petites richesses, ils ne pourront pas entrer dans la vie. Mais s’il se mettent à ma suite, s’ils acceptent de se laisser sauver, alors tout devient possible ! Même ce qui paraissait insurmontable.

Je crois qu’il est là, chers frères et sœurs, l’enseignement fondamental de l’évangile de ce jour, plus que dans celui sur la richesse et de la pauvreté. La question qui nous est posée est très simple à formuler et terriblement difficile à mettre en œuvre : voulons-nous nous laisser sauver par le Christ ?

L’évangile de ce jour nous demande, pour y répondre, de commencer par regarder en face toutes les fausses sécurités, toutes les barricades faites d’or, d’argent, de relations sociales que nous avons mis autour de nous pour nous protéger. Car nous aussi, bien souvent, nous avons l’illusions que nous pourrons nous hisser jusqu’à Dieu par ces simples moyens… et avec tout notre attirail, nous demandons au Seigneur dans notre prière : « Seigneur, que dois-je encore faire pour avoir la vie éternelle ? »

Heureusement, face à ce petit stratagème, le Seigneur pose sur chacun d’entre nous son regard perçant, son regard d’amour qui nous interroge : sur quoi est-ce que tu comptes VRAIMENT pour être sauvé ? Sur tes biens matériels ? Sur tes relations sociales ? Ou bien sur moi, sur moi seul ?

Je vous propose, ce dimanche, et peut-être dans les jours qui viennent, chers frères et sœurs, que nous prenions le temps de prier pour répondre à ces questions. Car chacun d’entre nous est appelé à laisser derrière lui l’une ou l’autre fausse sécurité qui entrave sa marche à la suite du Christ. Personne ne peut répondre à notre place ! D’ailleurs, personne ne doit répondre à notre place ! Mais pour que cette introspection puisse être faite en vérité, il faut d’abord de laisser regarder par le Christ, se laisser saisir par son regard d’amour qui nous dit, comme aux apôtres : « viens, suis-moi » car « pour les hommes, c’est impossible [d’obtenir le salut], mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu » Amen.

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