Chers frères et sœurs,
Dimanche dernier, alors que nous célébrions l’Épiphanie dans cette église, après avoir prononcé son homélie, le Père Benoît nous a tous pris un peu de court en annonçant que cette année, chaque dimanche, nous proclamerions notre foi lors de la messe dominicale non pas avec le symbole des apôtres – comme nous en avons l’habitude – mais avec le symbole de Nicée-Constantinople, encore appelé par certains le « grand » Credo.
Bon, je reconnais que j’abuse un peu lorsque je dis que j’ai moi aussi été pris de court… Car en réalité, c’est une décision que nous avons prise ensemble il y a quelques semaines. Une décision dont le but est de fêter un anniversaire ! Comme il nous le rappelait, 2025 n’est pas seulement une année jubilaire, c’est aussi le 1700ème anniversaire du concile de Nicée qui a rassemblé de nombreux évêques en 325 pour rédiger cette formule qui a traversé les siècles et qui nous sert encore aujourd’hui pour mettre des mots sur Celui en qui nous croyons.
Vous vous demandez peut-être, chers frères et sœurs, ce que cela a à voir avec les textes de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre… Eh bien je crois que les liens sont profonds entre ce symbole et le baptême du Seigneur. Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire ce matin un cours de théologie pour le montrer ! Je vais me contenter d’attirer votre attention sur une chose, tellement évidente qu’on n’y prête pas forcément attention : le Credo essentiellement trinitaire. En proclamant notre foi, on prie successivement le Père tout-puissant et Créateur, le Fils, Verbe incarné et Sauveur et l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie. Or cette foi dans la divinité des trois Personnes ne vient pas de nulle part. Elle est le fruit de la méditation patiente, profonde de la Parole de Dieu par les pères de ce concile. Et figurez-vous qu’ils ne sont pas si nombreux les passages de l’Ecriture explicites sur les relations entre les Personnes divines. Ils sont même encore plus rares ceux qui donnent de contempler les Trois simultanément. Si bien que le Baptême de Jésus est peut-être LE récit biblique PAR EXCELLENCE pour contempler la Trinité. On y découvre le Fils qui se laisse plonger dans le Jourdain ; l’Esprit qui descend sur lui prenant l’apparence d’une colombe ; et cette voix mystérieuse dont on ne peut douter que c’est celle du Père puisqu’il proclame : « toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ».
Tout est trinitaire, chers frères et sœurs, dans cette théophanie ! Et cet épisode est essentiel pour comprendre ce qui se joue là, non seulement pour Jésus, mais pour chacun d’entre nous… car dans cet évangile, on est conduit à contempler la manière dont Dieu-Trinité S’ENGAGE pour notre salut.
En effet, au début de cet évangile, il y a Jésus, dont le lecteur sait qu’il est le Fils de Dieu mais qui n’a encore accompli aucun miracle. On est vraiment au seuil de sa vie publique. Saint Jean-Baptiste témoigne bien en sa faveur, mais visiblement il ne convainc pas tout le monde. Jésus semble humain, trop humain peut-être pour ceux qui l’entourent. Il mange comme tout le monde, il dort comme tout le monde, il se fait baptiser comme tout le monde… et même, comble de la banalité, après avoir été plongé dans l’eau du jourdain, il prie comme tout le monde. Cela pourrait laisser penser qu’il n’est pas l’égal de Dieu puisqu’il a besoin de lever les yeux pour l’invoquer. POURTANT, c’est précisément cette prière qui va révéler sa singularité. Cette prière, qui ressemble certainement à toutes celles qui sont formulées par les baptisés du Jourdain, est instantanément efficace. Elle « ouvre le ciel » selon la formule de Luc. Ciel d’où sortent les deux autres Personnes de la Trinité qui, mieux que Jean-Baptiste, témoignent par leur présence de leur unité avec Jésus, le Fils bien-aimé du Père.
Oui, chers frères et sœurs, le baptême du Seigneur, est plus que jamais l’occasion de contempler les Personnes divines dans leurs relations intimes. Ici, au seuil de son ministère public, Jésus reçoit une confirmation de son identité. Il est le Fils bien-aimé du Père. Et cela va fonder sa mission. On le découvrira dans la suite de l’évangile, il est envoyé avant tout pour faire de TOUS les hommes des fils et filles bien-aimés en qui le Père pourra trouver sa joie. Pour cela, Jésus reçoit ici l’Esprit Saint, le souffle créateur qui devient recréateur pour élever le monde jusqu’à Dieu. Oui, toute la Trinité est engagée dans cette mission de salut ! Le Père qui bénit et envoie. Le Fils qui vient dans le monde pour le sauver. Et l’Esprit Saint qui opère par ce dernier son œuvre de sanctification, tel que nous le lisions tout à l’heure dans l’épître à Tite : « Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, PAR Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance HÉRITIERS de la vie éternelle ».
Il est là, chers frères et sœurs, le mystère fondamental que nous donne de contempler ce récit biblique : la Trinité tout entière est engagée dans notre salut. Et cela pourra largement nourrir notre méditation tout au long de cette semaine. Je vous propose pour cela deux portes d’entrée qui peuvent y aider.
La première, c’est la considération du fait que le Credo est appelé à devenir pour chacun d’entre nous une véritable prière. Oh, je suis bien conscient que ce n’est pas évident ! Les mots sont compliqués, les formules alambiquées. Mais c’est précisément pour cela que nous allons persévérer tout au long de cette année pour nous familiariser avec ces énoncés. Car, on ne peut vraiment aimer que ce que l’on connait. Et ce symbole de Nicée nous aide à mieux connaître Celui que nous contemplons dans l’évangile. Ce Dieu qui est simultanément, unitairement, Père, Fils et Saint Esprit.
La deuxième porte, c’est que cette considération peut renouveler notre foi dans la présence de chacune des Personnes divines au cœur de notre vie. Car nous aussi, chers frères et sœurs, baptisés dans le Christ, nous avons une prière efficace. Jésus nous l’a promis : « tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils ». Prenons le temps, chaque soir, de relire notre journée pour y discerner la présence du Père qui nous envoie et nous bénit ; la présence de l’Esprit qui nous précède dans le cœur de ceux que nous rencontrons, qui nous donne sa force dans les situations complexes ; et la présence de Jésus, le Christ, dans les pauvres et les petits, dans les chrétiens qui composent son Corps, dans les sacrements qui nous unissent à lui.
Et si, chers frères et sœurs, cet exercice de relecture est difficile, redoublons notre prière du matin pour demander à chaque Personne de la Trinité de venir demeurer au cœur de nos journées. Prions le Père pour qu’il soit NOTRE Père. Prions le Fils pour qu’il soit NOTRE frère. Et prions l’Esprit Saint pour qu’il soit notre souffle, notre lumière ; pour qu’il nous donne la vie, la vie en abondance. Amen.
Laisser un commentaire