(Baptême de Damien)
« Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. » Point de morale ici. L’eau donne la vie, bien qu’elle puisse aussi noyer et faire mourir. Le feu brûle, mais il peut aussi purifier tout comme l’eau. Le Seigneur ne parle pas à notre conscience et à notre cœur en proposant une leçon de morale. Il offre la vie. A nous de l’accueillir et de la recevoir.
C’est en cette vie que Damien va être plongé dans un instant. Pas dans une suite de dogmes à croire – même si nous réciterons ensemble le credo avant. Pas dans un code de bonne conduite – même si nous allons prier pour que l’Esprit le délivre de la tentation du mensonge et du péché. Mais plongé, baptisé dans la vie même de Dieu pour qu’il en vive en toute son existence. Et que cette vie respire autour de lui. Qu’il en soit un témoin, un vivant, un transpirant de l’amour de Dieu, de l’Amour de Tout Amour. Comme nous sommes invités nous aussi à l’être, depuis le jour de notre baptême, individuellement et ensemble en Eglise.
Et vivre de l’Esprit de Dieu. Non de la loi, mais de l’Esprit de Dieu qui accomplit la loi, comme le redit Jésus.
L’accomplissement de la loi n’est pas dans la loi. Il est au-delà de la loi. Il est dans la compréhension de son intuition et de son sens. Il n’est pas dans le légalisme des observants du texte, il est dans l’accueil amoureux de l’esprit de la loi. Dans l’ouverture à Celui qui offre la Vie et qui nous a plongé en elle.
Cette plongée change tout, parce qu’elle est don. Don de Celui qui se donne à nous entièrement. Don de Celui qui n’est que tendresse et respect, amour et bonté, partage et pardon, sagesse et justice.
Dans l’Evangile, par ses mots, Jésus, le Christ nous fait découvrir une nouvelle autorité, un nouvel enseignement. Par sa parole, la Parole de Dieu proposée à notre méditation ce soir, il nous révèle qui est Dieu et comment il veut se rendre présent à chacun de nous : dans une radicalité qui vient toucher le cœur de l’homme. Il vient « à la racine » de ce que nous sommes. « Car l’Esprit scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu », disait Saint Paul. Non pour juger ou condamner, mais pour prendre au sérieux le tout, l’entièreté de notre vie humaine, dans toutes ses dimensions. Non pour que nous obéissions extérieurement à un commandement qui viendrait d’ailleurs, mais pour que nous nous retrouvions en cohérence intime et intérieure avec l’appel radical à aimer, à aimer, et à aimer encore. Là, dans cette intime cohérence retrouvée, se trouve la liberté véritable, la vérité resplendissante, la miséricorde infinie, la tendresse divine.
Cette tendresse que l’Eglise nous invite à vivre en ce dimanche de la santé, en priant pour les malades et pour toutes celles et tous ceux qui les accompagnent, qui les soignent, qui prennent soin. « La maladie fait partie de notre expérience humaine, dit le pape dans son message pour aujourd’hui. Mais elle peut devenir inhumaine si elle est vécue dans l’isolement et dans l’abandon, si elle n’est pas accompagnée de soins et de compassion. Quand on marche ensemble, il arrive que quelqu’un se sente mal, qu’il doive s’arrêter en raison de la fatigue ou d’un incident de parcours. C’est là, dans ces moments-là, que l’on se rend compte de la façon dont nous cheminons : si réellement nous cheminons ensemble ou bien si l’on est sur la même route, mais chacun pour son compte, ne s’occupant que de ses propres intérêts et laissant les autres “s’arranger” comme ils peuvent […] Nous ne sommes jamais prêts pour la maladie. Et souvent nous ne sommes pas prêts non plus à admettre que nous avançons en âge. Nous craignons la vulnérabilité, et la culture envahissante du marché nous pousse à la nier. Il n’y a pas de place pour la fragilité. Et ainsi le mal, quand il fait irruption et nous assaille, nous laisse à terre, assommés. Il peut alors arriver que les autres nous abandonnent ou qu’il nous semble devoir les abandonner, pour ne pas être un poids pour eux. Ainsi commence la solitude et le sentiment amer d’une injustice nous empoisonne car le Ciel aussi semble se fermer. De fait, nous peinons à demeurer en paix avec Dieu, quand la relation avec les autres et avec nous-mêmes se détériore. [1]»
Voilà qui nous ramène à notre façon de nous accueillir les uns et les autres dans nos faiblesses et nos fragilités. Plus largement, voilà qui nous invite à revisiter toutes nos relations, notre façon de voir, de comprendre, de critiquer parfois notre monde, nos engagements, nos réactions. Voilà qui nous invite à vivre de façon vraiment nouvelle, à partir du plus profond de notre cœur, à la racine de notre intime, là-même où souffle en nous l’Esprit de Dieu et de sa Loi. Là-même où Dieu nous rejoint et nous appelle, avec tendresse, à la vie. Choisi la vie !
Amen.
P. Benoît Lecomte
[1] Message du Pape François pour la XXXIe Journée Mondiale du Malade, 11 février 2023, https://www.vatican.va/content/francesco/fr/events/event.dir.html/content/vaticanevents/fr/2023/1/10/messaggio-giornata-delmalato.html
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