Homélie du 11 juin 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 11 juin 2023

Un petit bout de pain.

C’est pour un petit bout de pain que depuis 2000 ans, des générations et des générations d’hommes et de femmes, des milliards de chrétiens, partout dans le monde, se réunissent à quelques dizaines, quelques centaines, quelques milliers ou à 2 ou 3 dans une chambre d’hôpital. C’est pour un petit bout de pain que certains font des dizaines et des dizaines de kilomètres, comme attirés par lui. C’est pour un petit bout de pain que l’Eglise continue d’appeler et d’ordonner des prêtres, pour que, par la prière au nom de tous et avec tous, ce pain devienne nourriture de vie éternelle.

D’ordinaire, dit l’expression, on gagne son pain « à la sueur de son front ».

Ce petit bout de pain est, lui, donné. Il est un don, un don de Dieu. Un don comme celui de la manne, dans le désert de nos anciens. Dieu n’abandonne pas son Peuple en marche. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. Dieu se donne, éternellement.

Ce petit bout de pain est donné. Il est livré.

C’est d’ailleurs ce qui le caractérise. Il n’est pas un « en-soi », une chose (l’Eglise a toujours mis en garde contre le fait de faire de ce bout de pain « une chose »). Il est un mouvement. Il porte en lui la geste de Dieu, cette donation que Jésus fait de lui-même et qu’il veut faire à tous. C’est ce qui fait de ce bout de pain un sacrement. Il est le signe et la continuation permanente et éternelle de cette donation de Dieu à l’Homme, pour que nous soyons nourris non seulement de Dieu, du Christ, mais aussi de ce mouvement de se donner, de cette dynamique de vie qui fait vivre. Il ne nous installe pas pour faire table longue, il nous nourrit pour que nous nous donnions, à notre tour, dans le même mouvement. Envoyés dans le monde, comme suite du banquet.

« Heureux les invités au repas des noces », dirons-nous tout à l’heure. Le banquet promis (un banquet de noces !) aurait pu être plus copieux. On aurait pu imaginer de bonnes viandes, des légumes et des fruits frais, des mets travaillés. Tout est là, tout est donné en ce petit bout de pain. Ce qu’il offre est plus beau qu’un banquet de viande grasses, plus nourrissant que tout ce que proposent les traiteurs : ce petit bout de pain offre la communion, nous fait participer au même corps.

« Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain. » La nourriture n’est pas seulement spirituelle, la voilà politique, sociale, relationnelle. D’individus invités nous devenons frères et sœurs liés les uns aux autres. Partager le même pain nous fait devenir membre du même Corps, celui-là même qui nous est offert, que Dieu nous offre. Donation continue du même Corps : du Christ et de nous, devenus son Corps.

Et sang versé.

Encore et encore. Comme s’il n’en coulait déjà pas assez, depuis la nuit des temps. Il y a tant de sang versé autour de nous. De guerres, de conflits, d’attaques absurdes, barbares, insensées, inhumaines près de nous et partout dans le monde. Violences incompréhensibles, si loin de notre désir de paix. Jusqu’à la violence que nous portons tous en nous. Et dans cette coupe, encore du sang versé. Mais ce sang est versé librement. Il n’entretient pas le cycle de la violence, il l’arrête. Il y met un terme. Il n’est pas le sang de la vie volée, mais de la vie offerte. « Pour la multitude ». Pas uniquement pour les quelques-uns que nous sommes, ni pour tous ceux qui communient, qui croient, qui « pratiquent », comme on dit, mais « pour la multitude ». C’est-à-dire pour tous : les jeunes et les vieux, les gentils et les méchants, les artisans de paix et les fauteurs de troubles, les chrétiens et tous ceux des autres religions et tous ceux sans religions. Sang versé « pour la multitude », comme le Christ est mort « pour tous » afin de nous réconcilier tous en Lui. Sang versé pour la communion universelle. Pour que le Corps, précisément, vive, et se donne, jusqu’au bout. Sang versé qui annonce la paix – et qui la réalise.

Corps livré. Sang versé.  

En communiant à ce bout de pain, le Mystère continue. Non pas au loin, mais en nous. Mystère d’un Dieu qui se donne totalement à l’Homme. Mystère d’un Dieu qui se fait si proche de l’Homme, si nécessaire aussi, qu’il se fait nourriture. Petit bout de pain blotti au creux de tes mains, pour que tu l’assimiles par tout ton corps, pour que tu l’incorpores. Par le baptême (ce baptême que vous recevez, Louis et Manon) nous sommes incorporés au Christ, par la communion eucharistique le Christ s’incorpore en nous… Mystérieux échange. Pour que nous devenions son Corps, en vivant de la fraternité, de l’unité et du partage, de l’attention à chacun et de l’amour « pour la multitude ». Eucharistie. Action de grâce.

            « Souviens-toi », disait Moïse au Peuple d’Israël. Souviens-toi de ce don, de ce mouvement, de cette transformation. Souviens-toi que communier au Corps du Christ devient engagement à vivre par anticipation dans le quotidien de sa vie, le Royaume de Dieu promis. Souviens-toi que cette nourriture est nourriture du chemin, et qu’elle t’invite à partir, et à aimer. Souviens-toi de tes faims et de tes soifs, pour savoir toujours goûter à la nouveauté de ce petit bout de pain.

Et vivre, éternellement.

Amen.

P. Benoît Lecomte

Partagez cette page à vos amis !




Télécharger au format PDF

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Contact

Paroisse Barbezieux-Baignes-Barret
20 Rue Thomas Veillon, 16300 Barbezieux-Saint-Hilaire
05 45 78 01 27
paroisse.barbezieux@dio16.fr

Je recherche