Où il est question de préparer. Préparer les chemins du Seigneur, et se préparer. Préparer et se préparer à la venue du Seigneur. Préparer : voilà qui n’est peut-être pas dans l’air du temps. On court après le temps, on est pressé, on passe d’une chose à l’autre, d’un dossier à une réunion, d’une rencontre à un rendez-vous. On saute dans sa voiture pour enchainer les trajets et les activités. La vitesse de l’informatique et la portabilité des écrans ont accentué ce phénomène. On est impatient quand la réponse n’arrive pas suffisamment vite. On fait à la dernière minute, en catastrophe, comme on peut. Mais prendre le temps de préparer et de se préparer, voilà qui n’est pas commun. S’asseoir pour penser les choses avant de les faire, pour se mettre en disposition avant telle ou telle rencontre, voilà qui passe pour une perte de temps. Combien de couples disent ne pas avoir le temps de se poser ? Il faut aller vite, un événement en chassant un autre. Noël arrive, mais il y a tant et tant de choses à faire avant, l’agenda se bouscule, il y a 1000 sollicitations… On verra ça plus tard. Même le Seigneur, nous pouvons le presser d’agir et d’intervenir. C’est déjà ce que disait Saint Pierre : « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard » !
Sauf qu’à aller trop vite, on loupe des rendez-vous. Sommes-nous prêts à risquer de louper le rendez-vous avec le Seigneur ? Sommes-nous prêts à risquer de louper l’essentiel de la fête de Noël ? Non pas uniquement le jour de Noël, mais chaque jour qui passe, car « le jour du Seigneur viendra, comme un voleur. » Il nous faut être prêts. Et voilà le programme : « Voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu. » Il faut, nous dit-on, « tracer droit une route pour notre Dieu », « combler les ravins, abaisser les collines », « changer les escarpements en plaines et les sommets en larges vallées. » Il ne faut pas faire de Noël – et de notre cœur – une fête, un lieu, un moment trop étroit, trop étriqué, trop resserré. Il faut élargir l’espace, pour que Dieu puisse être à son aise – et avec Dieu, le prochain, le voisin, le pauvre. Il faut ouvrir notre cœur en grand, plutôt que l’engoncer dans une fête commerciale en l’enfermant dans un paquet cadeau trop bien scotché. Il faut que chacun se sente et se sache accueilli, attendu. Garder le chemin trop étroit, ce serait louper la dimension de l’Incarnation. Ce serait passer à côté du rendez-vous. Il faut commencer par nous préparer.
Commencement.
« Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. »
Commencement des commencements. Il y avait le commencement de la Genèse, au début de l’Histoire. Mais ce premier commencement anticipait l’autre commencement, celui auquel nous sommes, celui de l’annonce de la Bonne Nouvelle : Jésus Christ est Seigneur, et il vient. Et il est là. Ce commencement est le commencement de chaque jour, de chaque matin, de chaque vie, de chaque instant. Il faut se préparer à accueillir la Bonne Nouvelle, mais la Bonne Nouvelle n’attend pas – c’est pourquoi il nous faut être prêts. Ce commencement n’est pas uniquement celui d’un récit, il est aussi notre propre commencement, car dévoilement, révélation de notre humanité, de notre dignité – en Jésus, Christ, Fils de Dieu qui nous donne de devenir fils et filles avec lui. Révélation de la réalité de notre existence dans toute sa splendeur.
Une splendeur encore cachée, et qu’il nous faut désencombrer. Temps de l’Avent. Temps pour se convertir. Ils sont là les grands travaux, il est là le grand chantier de ce moment. L’élargissement du chemin ne se fait pas à coups de pelleteuses. Il se réalise dans l’apprentissage de la tendresse, de la consolation, de la patience, de l’attention du berger pour ses brebis qu’il rassemble, qu’il porte sur son cœur, qu’il allaite. Il se vit dans l’apprentissage du partage, de la justice et de la sobriété. Dans l’apprentissage du pardon aussi – ce pardon que nous sommes invités à vivre jusque dans le sacrement de la réconciliation à chaque moment où cela nous est proposé, et nous aurons bientôt des célébrations pénitentielles pour nous y encourager. La proclamation de Jean le baptiste, dans le désert, n’a pas pris une ride, elle est encore appel vibrant pour chacun de nous aujourd’hui : convertissez-vous ! Convertissons-nous !
Ce sera pour nous la meilleure façon de nous préparer à cette fête, à cet événement, à ce commencement, à cette venue. Convertissons nos vies et nos cœurs, c’est-à-dire changeons, un tant soit peu, notre façon de vivre. Ou, plutôt que de le faire à la seule force de nos bras et de notre volonté, demandons au Seigneur de transformer lui-même ce qui doit être converti en nous. « Voici votre Dieu ! Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. » Laissons-nous faire par le Seigneur lui-même qui nous guide sur le chemin de l’amour universel. Comme le disait la prière d’ouverture de cette célébration : « Dieu de puissance et de miséricorde, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver la marche de ceux qui se hâtent à la rencontre de ton Fils ; mais forme-nous à la sagesse d’en-haut, qui nous fait entrer en communion avec lui. »
Amen.
P. Benoît Lecomte
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