Homélie de l’Ascension, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 18 mai 2023

Jésus avait fait de nombreux miracles et guérisons. Des foules le suivaient et étaient suspendues à ses lèvres. Plus encore, il était ressuscité d’entre les morts, revenu à la vie après la croix et le tombeau. Il aurait été facile pour lui de devenir comme un gourou, mettant à ses pieds des adeptes par milliers, gagnant toujours plus d’aura jusqu’à faire trembler les systèmes militaires, politiques et religieux. Mais rien de tout cela, si loin du projet de Dieu. Jésus s’efface. Après quelques apparitions à ses plus proches, il disparait. En lui, aucune emprise : il laisse libre. Non pas seul, mais libre. De cette liberté qui a besoin d’espace, et de vide, et de doute et de questions et qui s’exprime alors dans un choix intime.

               Et nous voici. A suivre non pas un gourou ou un maître de sagesse à la puissante renommée, mais un ressuscité qui a disparu à nos regards. Il s’est effacé pour que nous puissions le choisir. Non pas à cause de son emprise, mais en étant touchés par sa Parole et son Esprit, dans le clair-obscur de nos vies, de nos combats et de nos joies.

               Jésus s’en va. Son corps disparait, un autre corps apparait. Peut-être plus divers, plus hétérogène et hétéroclite, plus inattendu : l’Eglise. C’est sa naissance que Jésus permet lors de son Ascension. Il offre, avec la grâce et le soutien de son Esprit, la possibilité à ces hommes et à ces femmes de vivre des relations de confiance et de respect mutuel, il offre de s’organiser pour que le Corps soit structuré, il offre de se rendre présent et visible autrement au monde de chaque jour et de tous les temps. Une Eglise en laquelle les membres ne sont pas seulement des disciples qui écoutent et suivent un maître, mais par laquelle ils deviennent participants à la vie du Christ ressuscité, comme le disait Paul dans la lecture : « Que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père dans sa gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le révèle et vous le fasse vraiment connaître. Qu’il ouvre à sa lumière les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle espérance vous ouvre son appel, la gloire sans prix de l’héritage que vous partagez avec les fidèles, et quelle puissance incomparable il déploie pour nous, les croyants : c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. » Nous sommes vivants de cette énergie et de cette puissance incomparable, celle donnée par l’Esprit qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, pour que nous connaissions nous aussi dès à présent cette expérience inouïe et que nous participions de l’intérieur de nous-mêmes au témoignage que le Christ donne au monde.

Voilà que prend sens l’invitation à « faire des disciples en baptisant et en apprenant à observer ce que Jésus a commandé. » Il ne s’agit pas de faire adhérer des femmes et des hommes à un corpus de lois, de règles et de préceptes, mais de proposer de vivre cette expérience événementielle qu’est la Pâques, le passage de la mort à la vie, dans sa propre existence, pour témoigner de cette Bonne Nouvelle réalisée.

               Pour vivre cette mission, l’Eglise a besoin de nourriture. Le livre à Théophile, que nous appelons « des Actes des Apôtres », esquisse les deux nourritures auxquelles nous voulons revenir sans cesse.

               « Dans mon premier livre, dit l’auteur, j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel. » La première nourriture est cette Parole de Dieu qui nous replonge sans cesse dans l’histoire d’Alliance que le Seigneur veut vivre avec nous. C’est par elle aussi que Jésus se rend présent à nous et à tous « tous les jours jusqu’à la fin du monde. » C’est elle que nous devons ruminer, méditer, accueillir et nous laisser transformer de l’intérieur, pour que le Corps que nous formons n’ait d’autres mots à la bouche que ceux de la Parole de Dieu, Parole qui révèle, réconforte, relève, pardonne.

               La deuxième nourriture est suggérée par le moment auquel l’auteur place les paroles de Jésus : « au cours d’un repas qu’il prenait avec eux. » Le repas, ou sacrement du pain partagé devenu Corps du Christ, présence éternelle du Christ non pas comme un « en-soi » mais nous renvoyant sans cesse au Corps que nous formons, pour peu que nous nous nourrissions de Lui et nous nous laissions, là encore, transformer par Lui. Pain du partage et de la communion, pain de l’unité et de la grâce.

               La Parole et le Pain, les deux nourritures nécessaires pour que l’Eglise, formée par la liberté offerte à l’Ascension, vive pleinement sa mission en prenant les routes des hommes « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre »… dans toutes les Galilées de notre monde, aux carrefours des nations et sur les lignes de fragilités et de fractures. Oui, tel est notre horizon : ne restons pas à regarder le ciel, mais regardons le monde. Nourrissons-nous de la Parole et du Pain eucharistié, entrons dans la confiance en Jésus avec nous chaque jour, sillonnons les méandres de notre humanité pour témoigner et la faire participer à l’événement de Pâques, de la Vie plus forte que tout.

               Par son Ascension, Jésus offre l’espace de la liberté et nous propose de prendre sa suite. Mettons nos pas dans les siens, conformons notre style de vie au sien, partageons sa Parole et son Pain, ouvrons les cœurs à sa confiance et à sa liberté. Dans l’infini respect du projet de Dieu, qui ne cesse jamais de renouer mystérieusement son Alliance avec tout homme.

               Amen.

P. Benoît Lecomte

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