Dans les assemblées de communautés que nous avons vécues en novembre et très fortement dans les réponses des enfants qui ont aussi fait l’exercice de proposer leur espérance pour la paroisse, revient de façon massive : faire des repas et des pique-niques. C’est bien connu, il est toujours bon de faire des repas paroissiaux. Et après tout ! L’évangile se termine par un repas (et même plusieurs, si on pense à la Cène, mais aussi aux apparitions du ressuscité qui se déroulent souvent à l’occasion d’un repas). La vie publique de Jésus dans l’évangile selon Saint Jean commence par un repas. Et même un banquet de noces, loin du petit pique-nique improvisé au dernier moment. Chaque dimanche, nous sommes invités à ce repas qu’est l’eucharistie, anticipation du banquet éternel auquel tous, nous sommes conviés. Notre religion n’est pas celle du ventre, mais le repas y tient une place bien particulière. Non seulement à cause de ce qu’on mange (la Parole et le Corps du Christ, à l’eucharistie), mais aussi par ce qu’on y vit : les liens d’amitié, de fraternité, la consolidation de ces liens entre tous, l’accueil de celui qui passe. Un repas réussi renforce l’unité de la famille, des amis, du groupe. Un repas raté, et il faudra faire un effort pour se retrouver une fois suivante.
Le repas à Cana risque de capoter : le vin fait partie de la fête, de la joie, des retrouvailles. Qu’il vienne à manquer et vont se lever les récriminations et les regrets, on risque de s’échauffer ou de partir. Je me rappelle d’un mariage d’amis qui avaient décidé, par conviction, qu’il n’y aurait pas de vin à leur soirée : ça avait créé un scandale ! Le repas de noce est le repas de célébration d’une Alliance, le repas qui célèbre une unité. Il y faut le vin de la fête. Et ce repas d’Alliance est le nôtre, celui que Dieu veut vivre avec nous, celui auquel il nous invite. Le regard attentif de Marie et son intervention insistante permettent que la fête ne soit pas gâchée, que le banquet continue, que l’Alliance soit célébrée jusqu’au bout.
A vrai dire, ce miracle de l’eau changée en vin fait rêver beaucoup d’entre nous… Crois-tu cela ?
« Crois-tu cela ? » n’est pas uniquement l’expression de notre étonnement devant ce récit, ce premier signe de la vie publique de Jésus. Il est aussi le thème de la Semaine de Prière pour l’unité des chrétiens, débutée hier et qui s’achèvera samedi prochain. Car autour de la table du banquet, prennent place des gens si différents et parfois si divisés les uns des autres ! Non seulement les divisions qui traversent notre humanité, mais aussi les divisions qui traversent les chrétiens entre eux. « Que tous soient un », priera Jésus à l’autre bout de l’évangile. Il veut que le vin de la fête soit pour tous. Vin de l’eucharistie devenu Sang du Christ offert en communion pour se donner en Alliance, par amour jusqu’au bout, et « pour la multitude » devenue Un. Dieu vient faire Alliance et partager les noces avec l’humanité et il le manifeste par cette Alliance privilégiée avec l’Eglise. « Tu seras appelée ‘Ma Préférence’, cette terre se nommera ‘L’Epousée’. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu », disait le prophète Isaïe. Pas de doute sur l’intention de Dieu vis-à-vis de nous. Mais « crois-tu cela ? »
« Crois-tu cela ? » Ce thème, cette question, nous rappelle notre foi commune professée à Nicée il y a 1700 ans, à ce qui nous lie, à ce qui nous rassemble autour du banquet, alors même que nous n’arrivons pas encore à communier au même pain. Mais le désir du cœur, et du cœur de Dieu, est plus fort que nos divisions. « Crois-tu cela ? »
Plus encore. Dans ce Corps que Dieu épouse, chaque membre reçoit les dons variés de la grâce, dans le même Esprit. « Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur, les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. A chacun est donné la manifestation de l’Esprit en vue du bien… L’unique et même Esprit distribue ses dons comme il le veut », écrit Saint Paul aux Corinthiens. Il l’écrit évidemment bien avant que des confessions chrétiennes se distinguent les unes des autres, mais nous pouvons aujourd’hui entendre ces paroles en pensant aussi à toutes ces églises et communautés ecclésiales, qui se réclament du même et unique Seigneur Jésus-Christ, plongées dans le même et unique baptême de la mort et de la résurrection de Jésus, vivante du même et unique Esprit. Chacune n’a-t-elle pas une grâce propre, qui enrichie les autres en vue du bien de tous ?
Les six jarres sont remplies de bon vin. Ce vin de la nouvelle Alliance coule à flot, de façon ininterrompue et jusqu’à aujourd’hui. Le Dieu de l’Alliance veut aller jusqu’au bout de son projet avec nous et rien ne résiste à son désir d’unité. Les invités sont nombreux, différents, ne s’entendent pas sur tout, mais leur désir à eux aussi est là : célébrer joyeusement cette Alliance, ces noces avec l’Epoux.
Que notre communion eucharistique, en ce jour, prenne, par notre prière, les dimensions de toute l’Eglise unique du Christ dans toutes ses composantes. Et comme Marie, figure du disciple et de l’Eglise, soyons attentifs à ce que cette fête ne soit jamais gâchée, que la joie ne soit jamais ternie ou volée. Soyons attentifs, par nos prières, nos actions, nos paroles, à ce que l’unité se renforce toujours, à ce que tous participent à l’Alliance. Comme elle le demande discrètement mais avec assurance, tournons-nous sans cesse vers Jésus, en qui tous, nous avons mis notre confiance, et qui fait l’unité, et rappelons-nous les uns aux autres : « tout ce qu’il vous dira, faites-le. »
Amen.
P. Benoît Lecomte
Homélie du 19 janvier 2025, par le P. Benoît Lecomte
Barbezieux - Baignes - BarretPublié le 19 janvier 2025
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