Notre cœur est dans la joie, et aussi dans l’admiration pour cette jeune fille, Marie, l’une des nôtres, une fille de son temps, une fille de son peuple. Nous sommes dans l’admiration pour la foi qu’elle a en Dieu, pour cette fraicheur et cette confiance qui la caractérisent. Nous sommes dans l’admiration pour ce « fiat » qu’elle prononce à l’ange Gabriel et par lui, au Seigneur. Par elle, le salut entre dans le monde. Par elle, l’humanité est transformée parce qu’elle est sauvée. Par elle, l’Histoire entre dans son temps d’accomplissement : le Fils du Très-Haut vient nous chercher au plus bas de l’en-bas. Mystère d’une Incarnation déjà en route.
Elle n’a pas connu le péché originel, nous dit le dogme de l’Immaculée Conception promulgué en 1854. Sous-entendu, elle est un être exceptionnel, préservée par le Seigneur pour accueillir cette mission unique au monde. Marie est certainement unique, et le Seigneur a évidemment préparé son cœur à recevoir cette mission. Mais n’enlevons rien à l’humanité de Marie. Ce serait dévaluer sa liberté, son accueil, son oui.
Entendons plutôt Saint Paul rappeler aux Ephésiens – et à nous-mêmes – ce que le Père de Jésus-Christ veut pour nous : « Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. » Etonnantes phrases, étonnantes paroles qui s’appliquent aussi bien à la petite Marie, qu’à chacun d’entre nous. Dans le désir de Dieu. Dans son projet pour nous. Dans l’attente qu’il a de l’accueil que nous pouvons faire de sa Parole, et de son Fils. Ce qui s’applique à Marie, s’applique aussi à nous. Marie n’est peut-être pas exceptionnelle, ou plutôt, ce qui fait sa différence d’avec toutes les femmes et tous les hommes, est qu’elle accomplie parfaitement en sa chair, en sa vie, en son existence, la vocation à laquelle le Seigneur nous appelle tous. Elle répond en tous points à ce à quoi « nous avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé », continue Saint Paul.
Il nous faut contempler Marie. Parce que ce petit bout de femme nous dit que cela est possible. Que le péché entré dans le monde et courant à travers l’histoire de génération en génération, peut être foulé au pied par l’accueil de la grâce et de la bénédiction de Dieu. Elle nous dit que notre cœur en a la capacité, que notre volonté peut embrasser celle de Dieu notre Père, que notre liberté peut se conjuguer avec la liberté de Dieu. Elle nous dit que nous n’avons pas à désespérer de nous-mêmes ni de tout homme, puisqu’il choisi lui-même de venir dans le monde, et d’y venir comme chacun de nous, par une fille du peuple. Elle nous dit que l’Histoire ne sera jamais plus pareille, puisque le salut est entré dans le monde et que « son règne n’aura pas de fin ». N’est-ce pas cela, qui donne à Marie une place si particulière et même unique dans nos prières et dans nos cœurs ?
Et dans l’Eglise. Car « L’Eglise regarde à juste titre vers celle qui engendra le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge précisément, afin de naître et de grandir aussi par l’Eglise dans le cœur des fidèles. La Vierge a été par sa vie le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l’Eglise, travaillent à la régénération des hommes » (Lumen Gentium 65). Marie, modèle de notre humanité et modèle de toute l’Eglise. Son Immaculée Conception, qui renvoie au projet de Dieu pour elle, nous renvoie aussi au projet de Dieu pour nous et pour toute l’Eglise.
N’accueillons pas la fête de ce jour uniquement comme une étrangeté marquant une jeune femme dans l’histoire du monde, mais aussi comme la marque de la sollicitude de Dieu qui veut, par son Eglise, associer des femmes et des hommes de son Peuple à la mission de son Fils unique offert à nous comme notre frère. Pour que le monde sache que par-delà le péché, le pardon est plus grand. Que par-delà la mort, la vie est plus forte. Par-delà ce qui parait impossible, « rien n’est impossible à Dieu. » Et qu’il vient, dans sa puissance et dans sa gloire, pour le salut de tous.
A nous, avec Marie et à sa suite, de nous tourner vers le Seigneur, et d’un cœur confiant, redire ces mots : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Amen.
P. Benoît Lecomte
Homélie pour l’Immaculée Conception, par le P. Benoît Lecomte
Barbezieux - Baignes - BarretPublié le 9 décembre 2024
Laisser un commentaire