Homélie du dimanche 8 septembre, par le P. Benoît Lecomte

Aubeterre - Chalais - Brossac

Publié le 8 septembre 2024

Il faudrait rester muet devant le muet qui se met à parler. Mais les langues se délient, celle du sourd muet et celles de la foule qui pourtant n’était pas présente au miracle parce que Jésus avait emmené l’homme « à l’écart ». Les langues s’ouvrent.

Effata. Ouvre-toi. Il y a dans ce miracle un condensé de tout le cosmos, de toute la création. Il y a une création en devenir, en ouverture, en accomplissement, dans le baiser d’Alliance entre Dieu et l’homme infirme – par la salive de Jésus sur la langue de l’homme. Il y a le ciel et le souffle, les doigts et les oreilles, les yeux et la langue : tout est convoqué. Tout l’homme. Toute l’humanité. Toute la création. Tout l’univers. Tout est invité à s’ouvrir.

« Voici la bienheureuse espérance dont nous devons témoigner : où ? quand ? comment ? Dans les drames de la chair humaine souffrante. Si l’on rêve, il faut alors rêver les yeux ouverts, remplis de visions d’amour, de fraternité, d’amitié et de justice pour tous. Le salut chrétien pénètre dans les profondeurs de la douleur du monde qui ne saisit pas seulement les humains, mais l’univers entier, la nature même, l’oikos de l’homme, son milieu de vie ; il saisit la création en tant que “paradis terrestre”, la terre mère qui devrait être un lieu de joie et une promesse de bonheur pour tous. L’optimisme chrétien se fonde sur une vivante espérance : il sait que tout tend vers la gloire de Dieu, la consommation finale dans sa paix, la résurrection corporelle dans la justice, “de gloire en gloire”. Mais dans le temps qui passe, nous partageons la douleur et la souffrance : la création tout entière gémit », dit le pape dans son message pour le mois de la Création que nous vivons actuellement.

Il ne s’agit pas de poésie ni de romantisme, il s’agit de projet, de vocation, de but, de vie. S’ouvrir. Laisser Dieu ouvrir nos fermetures, quelles qu’elles soient. S’ouvrir pour naître à ce que nous devons être : des êtres de fraternité, d’amitié, de solidarité, de partage, de bienveillance. Des êtres de communication et de communion, comme Dieu est communion, Dieu-grand-ouvert. Dieu-le-tout-ouvert qui ne cesse de pousser et repousser les murs dans lesquels nous nous enfermons, jusqu’à faire exploser même le mur de la mort, par sa résurrection.

C’est « la revanche de Dieu », dirait le prophète Isaïe. La revanche de Dieu, c’est de nous rétablir dans toutes nos capacités de vie et d’ouverture, dans notre vocation à la vraie vie.

Nous passons tellement de temps à créer des cases pour nous y placer et y placer les autres : les vieux et les jeunes, les progressistes et les classiques, les optimistes et les pessimistes, les leaders et les suiveurs, les riches et les pauvres, etc. L’apôtre Jacques nous exhorte lui aussi à l’ouverture : « n’ayez aucune partialité envers les personnes… ne faites pas de différences entre vous. » Il nous faut entendre cette invitation toute divine. Elle vient rejoindre nos gémissements – comme la création gémis dans les douleurs de l’enfantement, dira Saint Paul. Car c’est bien à un enfantement que nous sommes invités, c’est bien un enfantement que nous n’en finissons pas de vivre jour après jour, avec ses joies et ses douleurs. Enfantement à la vérité de notre humanité, à sa plénitude, à sa véritable dimension : pleinement ouverte, non seulement les bras, les yeux et les oreilles, mais aussi et surtout, le cœur. Naissance à notre humanité, comme le sourd muet se met à parler, reprenant capacités humaines.  

Ce sourd-muet est amené à Jésus par « des gens » de la Décapole. Nous pouvons y voir l’image de l’Eglise, qui amène à Jésus notre humanité malade de ses enfermements. C’est ce que nous faisons par la prière, par l’eucharistie en apportant nos offrandes : notre monde, celui en lequel nous sommes inscrits, et toute la création est là. Demandons au Seigneur la grâce d’être cette Eglise qui n’est pas enfermée sur elle-même, mais qui est assez ouverte au monde, à ses richesses et ses blessures, pour les porter au Maître avec foi et confiance, sûr de Sa Puissance, de sa « revanche ».

Mais entendons aussi pour nous-mêmes, Eglise, paroisse, cet appel à l’ouverture inconditionnel, au-delà même de nos inconforts et de nos habitudes. Entendons la prière de Jésus qui, les yeux levés au ciel, soupire, souffle l’Esprit, et s’écrit « Effata ! » sur nous. Et laissons-le nous ouvrir à l’autre, aux autres, à celles et ceux de l’autre bout de la paroisse, à celles et ceux qui prient autrement, qui servent autrement, qui croient autrement. Laissons œuvrer son Souffle qui nous ouvre à la communion entre nous et qui nous fait grandir dans notre vocation et dans le signe que le Seigneur veut que nous soyons.

« Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? » N’ayons pas peur de nous appauvrir, pour être enrichi de Dieu lui-même et de son ouverture à la vie. N’ayons pas peur de perdre, si toute la création doit en être enrichie. Et avec les foules et l’ancien sourd-muet, proclamons les merveilles de Dieu, lui qui « fait entendre les sourds et parler les muets. »

Amen.

P. Benoît Lecomte

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