Homélie du 18 août 2024, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 18 août 2024

« Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »

La question des juifs est la nôtre. Elle est celle des enfants, qui cherchent à découvrir et à comprendre ce que nous vivons dans l’eucharistie, et à qui nous ne savons pas toujours trop quoi répondre. Nous voulons tenir à la fois la réalité de ce corps, de cette chair devant nos yeux, et en même temps reconnaître humblement qu’il n’y a chimiquement que du pain. Nous voulons affirmer avec force cette présence corporelle que nous adorons et mangeons, en faisant l’effort de dépasser une compréhension symbolique de cette présence. Nous voulons croire qu’il s’agit là du corps de Jésus, sans comprendre comment ce corps ressuscité peut se donner à l’infini pour tous les hommes de toutes les générations.

Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?

Le mot « chair » est violent. Il dit, dans son acception actuelle, la viande, les nerfs et les muscles, il dit quelque chose du sang. Il est matière. Et Jésus veut non seulement que nous mangions sa chair, mais aussi que nous buvions son sang. A l’imager, il y a quelque chose d’effrayant dans ces propos, des propos que n’importe qui de censé refuserait.

Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?

Il y va de la matière. Cette matière, ce corps, que d’aucun ont voulue ou veulent quitter, ou de laquelle d’autres ont peur, au profit des idées, de la spiritualité, de la suspension dans les airs, du souffle invisible du vent. Mais c’est oublier que quand Dieu prend corps… il prend vraiment corps. Quand Dieu veut rencontrer l’humanité, il prend vraiment chair. Il ne fait pas quelques prières pour s’approcher spirituellement des hommes, il se fait homme. Il assume la matière que nous sommes. Il est chair et os, sang et eau. Dieu palpable. Incarnation. Charnel.

N’est-ce pas la plus belle manière d’aimer ? On n’aime pas du bout des lèvres : on se dévore du regard, on se mange l’un l’autre, on aime son enfant à le croquer… la langue française ne tarit pas d’expressions qui lient amour et nourriture, élan venu d’ailleurs et corporéité. C’est ainsi que Dieu aime aussi : en donnant son corps, en livrant sa chair, en versant son sang. Non pas en théorie, mais en étant crucifié sur la croix.

Aimer et connaître l’amour est à ce prix : il y faut mettre le corps, son corps, notre corps.

On n’aime pas par écrans interposés. On n’aime pas sur papier glacé, par messagerie de réseau social, en se cachant derrière un pseudo. On n’aime pas en visioconférence. A ce monde qui nous promet le bonheur parce que nous aurons des voitures autonomes (qui n’ont plus besoin de nos corps sauf pour les transporter comme des sacs de viande) et des casques virtuels qui nous feront voyager sans bouger de notre sofa pendant que des capteurs analyseront tous de nos corps avachis pour enrichir les data des algorithmes, Dieu répond en donnant son corps, un corps de chair. On ne peut aimer en étant désincarné. Un jour ou l’autre, il faut faire le pas, il faut montrer son corps, il faut prendre chair. Il y faut une main, un regard, une joue, une chaleur, un contact, une voix, une odeur. Celle de la chair. Et du sang.

C’est ainsi, aussi, qu’il nous faut aimer Dieu. En mangeant sa chair, en buvant son sang, dans un corps à corps impossible si nous n’avons pas d’abord faim.

Faim de lui. Faim de l’amour qu’il peut nous donner, faim de son Corps en lequel il peut nous transformer. Non pas d’une faim intellectuelle, ou spirituelle, ou éthérée, mais de la faim qui nous prend aux tripes, qui nous tenaille, qui nous empêche de dormir. « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice. » Avons-nous faim charnellement de Dieu, de sa présence, de son Pain ? L’eucharistie est un don… qu’il nous faut désirer de tout notre corps…

Car c’est le Corps qui est en jeu. Non seulement celui de Jésus, mais aussi le nôtre, ou le sien par le nôtre. Le Corps ecclésial. Nous aussi, il nous faut prendre chair. Chair de Sa chair. Chair divine, toute amour. Il n’est pas d’autre but dans cette communion, dans cette manducation, que de se laisser transformer en Lui, non pas chacun individuellement les uns à côtés des autres, mais tous ensemble, Peuple de Dieu à travers l’Histoire et jusqu’à la fin des temps. Et prendre chair dans ce monde, à qui Dieu veut se donner par nous, par amour. On n’aimera pas le monde avec de grandes idées, des vidéos, virtuellement ou en paroles : il nous faut nous salir les mains, suer sang et eau, y laisser notre chair. Il en va du véritable amour. Nous donnons-nous assez ? Sûrement pas… il nous faudrait aller jusqu’au bout, tel le Maître qui aime le corps à lui en laver les pieds. « Celui qui me mange, lui aussi vivra par moi, et il vivra éternellement. »

            Heureux sommes-nous d’être invités au repas du Seigneur. Incroyable repas que nous réduisons si souvent à un rite, une habitude, une tradition ou un conflit d’horaire de messe. Ce pain que nous allons recevoir, c’est sa chair et son sang. Dieu en personne, donné en nourriture. Vie éternelle donnée pour que nous ayons en nous la vie éternelle, c’est-à-dire pour que nous le connaissions, Lui, le Père, par Jésus Christ et que nous vivions « remplis de son Esprit ». Et que par son Corps, par sa Chair nous prenions corps et chair en ce monde. Corps donné, chair livrée dans un corps à corps d’amour et de vie. Puisqu’il n’y a de véritable amour qu’en donnant tout.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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