Homélie du 7 juillet 2024, par le P. Benoît Lecomte

Aubeterre - Chalais - Brossac

Publié le 7 juillet 2024

« Et là, il ne pouvait accomplir aucun miracle. »

Comment se fait-il que le Fils de Dieu, celui qui ressuscite des morts et qui ressuscitera lui-même d’entre les morts, celui qui rend la vue aux aveugles, qui fait parler les muets et marcher les paralytiques, celui qui touche les cœurs jusqu’à pardonner les péchés, ne puisse, là, accomplir aucun miracle ? Quelle est donc cette force qui l’empêche de déployer toute son action, toute son œuvre au milieu de son peuple ?

Car qui plus est, ce peuple ne lui est pas inconnu. Les gens qui écoutent Jésus sont ceux avec qui il a grandi. Il a joué avec certain, travaillé pour d’autre, il les connait par leurs noms, leurs histoires, leurs caractères. On connait – ou on croit tout connaître – de lui, et lui connaît chacun. Comment se fait-il que la puissance de Dieu ne puisse se manifester au cœur même des relations les plus simples et ordinaires ? Qu’est-ce qui peut à ce point empêcher Jésus de faire des miracles ? Le récit donne une piste : « il s’étonna de leur manque de foi. »

Dimanche dernier, déjà, lors de la guérison de la femme qui perdait du sang, Jésus lui avait dit : « ta foi t’a sauvée. » Ce qui est donc nécessaire au déploiement de la grâce et de la puissance de Dieu, c’est notre foi. Aussi étrange et étonnant que cela puisse paraître, Dieu ne peut rien sans notre foi, sans le consentement de notre confiance en lui. Il a beau être « tout-puissant », sa toute-puissance s’incline devant notre foi. Notre foi pourtant si fragile, de laquelle nous-mêmes ne sommes si souvent pas sûrs. Et nous prions le Seigneur pour qu’il fasse grandir notre foi, reconnaissant sa petitesse ! Délicatesse des délicatesses de Dieu, qui peut tout pour celui qui lui ouvre la porte de son cœur, mais qui ne brutalise rien ni personne, en ne s’imposant jamais. Dieu n’est pas dans la force, ni la violence, ni l’écrasement.

C’est aussi l’expérience que vit Paul, qui, à cause des révélations extraordinaires qu’il a connues, aurait facilement pu s’enorgueillir et se surestimer, mais qui découvre que c’est dans sa faiblesse qu’il est réellement disciple de Jésus, à l’image de Dieu, témoin de sa puissance. On n’est jamais aussi fort, que quand on est faible. Parce que par notre faiblesse, passe toute la puissance de Dieu, qui est la seule puissance de relèvement et de vie, d’amour et de miséricorde, de pardon et de paix.

Quel écho dans notre monde et dans nos vies ! Alors qu’on parle partout de violence, de haine et de rejet. Alors que ces dernières semaines dans notre pays ont été particulièrement marquée par tant d’agressivité de toutes parts, d’invectives, d’insultes, d’agressions verbales et physiques, de stigmatisations, de caricatures, de haine et de rejet. On peut être « frappé d’étonnement », et même fasciné par des discours et des paroles, comme les auditeurs de Jésus le sont. Cela n’est rien, cela ne sert à rien, cela ne sert personne, si on ne laisse pas entrer dans son cœur la paix et la miséricorde de Dieu, en acceptant de faire tomber nos carapaces et nos armures, et en nous reconnaissant faibles et dépendants les uns des autres. Cela n’est rien si on veut jouer aux forts en mettant la main sur l’autre ou les autres, comme les habitants de Nazareth le font sur Jésus en le cantonnant à leurs « cases » sans accepter de le recevoir tel qu’il est dans son mystère et son altérité, toujours autrement que l’idée qu’on s’est faite de lui. Cela ne sert à rien si l’on garde, comme il est dit dans le livre d’Ezekiel, « le visage dur et le cœur obstiné. »

La situation dans laquelle se trouve Jésus, et que nous relate l’évangéliste Marc, interroge notre cœur, notre esprit, ainsi que notre rapport aux autres et à Dieu. « Heureux les doux, les miséricordieux et ceux qui pleurent », dira Jésus dans les Béatitudes. Peut-être se souviendra-t-il à ce moment là de l’épisode que nous lisons aujourd’hui, où il a fait l’expérience de la dureté du cœur qui empêche toute action de l’Esprit Saint, toute véritable rencontre, tout accueil de la grâce.

Au cours de cette eucharistie, demandons la grâce de savoir accueillir. Accueillir l’autre dans son mystère et sa personne. Accueillir Dieu dans sa puissante faiblesse. Accueillir l’étranger, puisque qu’il est a priori plus facile pour lui que pour les gens de notre maison, de porter une parole prophétique, une parole de vie et d’ouverture, une parole d’avenir et de relèvement. Demandons la grâce de ne pas accueillir en nous laissant aller à nos catégories toutes faites, mais en restant ouverts à la richesse insoupçonnée de celui qui vient. Chaque femme, chaque homme est une terre sacrée devant laquelle il convient de se déchausser. Dans l’évangile de ce jour, le mystère qu’est Jésus a été piétiné, l’empêchant d’être lui-même et de donner ce qu’il avait de meilleur. Déchaussons-nous devant ceux que nous rencontrons. Pour que se construise une fraternité universelle. Pour que Dieu, par l’aveu de notre faiblesse, vienne accomplir en nous le miracle de la vie, le miracle de la résurrection, le miracle d’une communion qui nous configure à son image.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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