Chers frères et sœurs,
Le Temps Ordinaire dans lequel nous sommes depuis un mois nous donne la chance d’avancer chaque dimanche encore un peu plus dans la lecture de l’évangile de Marc. Et je m’aperçois cette année que c’est une vraie chance ! Car nous, les cathos, avons souvent tendance à lire l’évangile par petits bouts. Si nous connaissons presque par cœur chaque épisode, nous avons bien du mal à les relier avec ceux qui les entourent… ce qui est un peu dommage, reconnaissons-le ! Car l’évangile n’est pas un recueil dans lequel piocher la phrase ou le mot qui corresponde le mieux à notre situation. Ce n’est pas non plus un vieux grimoire rempli de paroles magiques qu’il s’agirait d’utiliser en fonction de nos besoins les plus urgents. L’évangile est bien plutôt un voyage, un voyage initiatique même, qui nous montre comment des hommes se sont mis à la suite d’un Autre parce qu’ils étaient fascinés par sa présence. D’ailleurs, et c’est le parti pris de saint Marc, la question qui gouverne l’évangile, ce n’est pas tant de prouver que CET homme est Dieu, mais plutôt de découvrir comment DES hommes ont progressivement compris qui est vraiment Jésus, cet homme né à Nazareth et Créateur du monde, simultanément vrai Dieu et vrai homme.
Vous vous demandez peut-être, chers frères et sœurs, pourquoi je vous dis tout cela au seuil de mon homélie ? Eh bien parce que la succession des évangiles de ces trois derniers dimanches nous donne à nous aussi d’avancer, non seulement dans la connaissance de QUI est Jésus… mais surtout dans la compréhension de ce qu’est la FOI, manière par excellence pour entrer en relation avec lui. Non pas une foi accomplie, monolithique, pleine de certitudes, mais une foi chancelante, inégale et fragile. Bref, une foi en construction dans le cœur des disciples qui ont pourtant tout quitté pour se mettre à la suite du Christ.
Faisons un petit rappel de ces épisodes pour resituer l’évangile de ce jour dans cette dynamique. Il y a deux dimanches, Jésus se faisait orateur, comparant la croissance du Royaume de Dieu à celle d’une plante potagère qui « germe et grandit » que le semeur veille ou dorme. La pointe du discours était de comprendre que l’homme n’est pas le premier acteur de l’évangélisation du monde ! Dieu seul, dans le secret et le silence, peut produire un fruit surnaturel en s’appuyant sur nos plus petites actions. Autrement dit, la première étape de toute suite du Christ est une foi qui courbe l’échine, qui reconnaît la primauté de Dieu comme Créateur et Sauveur.
Cette primauté, l’évangile de dimanche dernier la ratifiait avec fracas ! Pris dans la tempête et submergés par les vagues, les disciples criaient vers le Seigneur en se croyant perdus. Jésus, montra sa toute-puissance en faisant taire le vent et interrogea aussitôt ses disciples : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Ces derniers, abasourdis par une telle puissance, n’eurent qu’à s’interroger sur l’identité de cet homme capable d’un tel miracle.
Eh bien, je crois que ces deux passages constituent le point de départ de l’évangile que nous entendons ce jour. Que ce soit Jaïre, le chef de la synagogue, ou cette femme, malade depuis douze ans, tous deux sont prêts à s’abaisser devant Jésus. Tous les deux se présentent dans l’attitude que Jésus appelle de ses vœux depuis deux dimanches. Leur confiance en lui en lui semble INDEFECTIBLE. Et en dépit des apparences, il se retrouvent dans un même élan : ni les médecins, ni les autres guérisseurs ne peuvent plus rien pour eux, Jésus SEUL peut radicalement les sauver. Et c’est pourquoi ils se jettent à ses pieds.
Cependant, et c’est là que cet épisode nous donne de faire un pas de plus, cette confiance dans le fait que Jésus peut les sauver ne suffit pas ! L’un comme l’autre ne se contentent plus de prier Dieu dans le secret de leur cœur. Dans ce nouvel épisode de l’évangile, ces deux disciples sont amenés à POSER UN ACTE pour signifier leur foi. Malgré sa position sociale privilégiée, Jaïre se jette aux pieds de Jésus. Il le fait à la vue de tous. Il va s’humilier devant cet homme qui lui est socialement et religieusement inférieur pour le supplier de sauver son enfant. Il en est de même pour cette femme, considérée comme impure par la lLi et malade depuis si longtemps. Elle brave l’interdit religieux pour poser un acte dérisoire : elle veut coûte que coûte toucher le manteau de Jésus. Et lorsque ce dernier demande qui a osé le toucher, elle n’hésite pas à dire devant tous la vérité qui pourtant la trahit.
Autrement dit, chers frères et sœurs, l’évangile de ce jour nous apprend que foi n’est pas qu’une affaire de confiance, même indéfectible, en Jésus Sauveur. Il nous fait faire à nous aussi un pas de plus en nous montrant que la foi est aussi un ACTE, une RÉPONSE à l’appel de Dieu qui nous invite à le suivre. La foi chrétienne demande de la détermination. La foi chrétienne demande du courage. Comme Jaïre ou cette femme qui se jettent aux pieds de Jésus, chacun d’entre nous est appelé non seulement à croire en lui, à mettre toute notre confiance en lui, mais aussi et surtout à ACTUALISER notre foi, c’est-à-dire à poser des actes qui nous engagent vraiment.
Oh, je ne suis pas en train de vous dire que vous devez arriver au bureau demain matin en criant que « Jésus est le Sauveur du monde », ni même de faire des folies pour tester la toute-puissance de Dieu. Mais, en lisant cette page d’évangile, chacun est invité à deux choses.
D’abord, à faire un état des lieux : quels sont les actes que je pose pour faire grandir ma foi ? Bien évidemment, cette question, pour être réelle, se décline en beaucoup d’autres qui ratissent l’ensemble de notre vie : est-ce que je prie suffisamment pour nourrir ma relation au Christ ? Est-ce que j’annonce la Bonne Nouvelle autour de moi ? Est-ce que j’ose faire passer mon amour pour Dieu avant l’estime que les autres ont pour moi ? Regardons aujourd’hui, frères et sœurs, notre manière de VIVRE notre foi et surtout notre désir de la faire grandir.
Ensuite, une fois ce questionnement réalisé, l’évangile nous demande de faire un pas de plus en POSANT des actes de foi ! Car cette introspection n’a de sens que si elle conduit à un engagement concret qui fasse grandir la foi. Pour cela, ne partons pas la fleur au fusil. Choisissons UN axe de progression pour cet été. Pas deux, mais un seul, choisi, fixé, déterminé. Et prenons vraiment les moyens pour l’accomplir dans la durée. Pour cela, il faut qu’il soit ADAPTÉ à notre état de vie, MESURÉ et surtout qu’il puisse être accompli le plus RÉGULIÈREMENT possible.
Chacun pourra ainsi mettre résolument sa confiance dans le Christ et mais surtout rendre sa foi actuelle et donc solide. D’ailleurs, ne pensons pas une seule seconde que Jésus nous laissera seul pour progresser en ce sens. Lui-même désire de tout son cœur que nous posions des actes de foi. C’est pourquoi, dans ces périodes de discernement et d’action, il viendra à notre rencontre ou plutôt il marchera à nos côtés et dira, à chacun d’entre nous, au creux de l’oreille les mêmes mots qu’à Jaïre dans l’évangile : « ne crains pas, crois seulement ». Amen.
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