Homélie du 30 juin 2024, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 29 juin 2024

Aujourd’hui, deux miracles pour le prix d’un. Etrange entremêlement des deux récits dont on repère les points communs évidents : deux femmes, la référence au nombre douze. Et surtout, la situation de mort qu’elles connaissent, l’une et l’autre. L’une, la plus jeune, parce qu’elle est considérée comme tel par son entourage. L’autre parce qu’elle perd son sang. Hémorragie qui dit aussi perdre la vie. Et non seulement la vie physique, mais aussi la vie sociale, car sa perte de sang la rend impure aux yeux de ses contemporains desquels elle ne doit pas s’approcher au risque de les rendre impurs à leur tour. On remarque aussi, pour chacun des récits, la sobriété, une fois de plus, de l’événement des miracles de Jésus. Pas de super effets spéciaux : une relation qui se tisse, dans la confiance, dans la foi. Humblement. C’est que le but de l’évangéliste n’est pas de nous parler d’abord des miracles, mais de ce qu’ils signifient. Et la vie jaillit.

Car « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants », disait le Sage dans son livre. Il est bon de se le rappeler, quand on attribue à Dieu tant de morts. Les expressions courantes en disent long : « Il a rappelé à lui… » Et combien de fois est-il rendu responsable d’une maladie, d’un cataclysme, d’une soi-disant vengeance envers quelqu’un « qui n’a pas mérité ça ».

Il faudrait élargir ce que nous disons de la mort physique à bien d’autres morts : exclusions sociales, ecclésiales, morales, rejets de tous ordres qui sont autant de morts. « Dieu n’a pas fait la mort. » L’affirmation ne souffre aucune discussion. Il suffit de relire les premiers chapitres du Livre de la Genèse pour nous rappeler que Dieu crée la vie, et que la mort entre dans le monde sous une figure qui n’est pas celle de Dieu. « La gloire de Dieu, c’est l’Homme vivant », disait le grand Saint Irénée que nous fêtions hier. N’imaginons rien d’autre que ce que l’Ecriture nous révèle.

Revenons à notre page d’Evangile et regardons Jésus. Il se passe avec lui quelque chose qui ne se passe pas avec les autres : avec la foule, avec les disciples, avec les pleureuses de la maison de Jaïre. Ce qui est propre à Jésus, c’est son regard. Qui ne voit pas des masses, des « on dit », qui n’entend pas des rumeurs, qui ne voit pas une foule. « Tu vois bien la foule qui t’écrase », disent les disciples. Mais lui cherche la personne, en son être, en son cœur, en sa singularité. On l’entend dans nos conversations, et dans les médias mainstream, les discours de comptoirs, les sondages grand public et les analyses à l’emporte-pièce parlent ainsi des groupes, plus ou moins clairement : les Français, les juifs, les catholiques, les musulmans, les étrangers, les migrants, les gens de droite ou de gauche ou des extrêmes. Tous étant relégués dans un magma informel pratique pour catégoriser. Jésus, lui, regarde la personne dans ce qu’elle a d’unique. Avec sa complexité, sûrement. Avec ses forces et ses fragilités, avec ce qui la fait vivre et ce qui la fait mourir, on imagine, avec son histoire, son désir… sa foi. Il veut parler à cette femme qui l’a touché. Il veut voir cette petite fille endormie dans la mort. Il veut entrer en relation avec chacun, de façon unique, parce que la vie de chacun est unique. Marcher à la suite de Jésus, et les disciples l’apprennent sûrement en le suivant dans ces épisodes, c’est regarder l’autre avec humanité, dans cette unicité, d’où qu’il soit, quel qu’il soit. Et vivre une rencontre, unique à chaque fois. Et l’aimer. Le regard, la parole de Jésus semble toujours vouloir dire : « Tu es précieux à mes yeux, et je t’aime. Tu n’es pas fait pour la mort, l’enfermement ou l’exclusion, et j’entend ta détresse et je veux, comme toi, que tu en sois délivré. »

Ce regard et cette parole, qui ouvrent à la délivrance et à la vie, vont plus loin encore. Jésus rend les hommes et les femmes qu’il croise « capables de leur vie. » Il ne dit pas : « Je t’ai sauvé », mais : « Ta foi t’a sauvée. » Autrement dit, il met au jour les capacités, le potentiel de chacun. Un potentiel divin, car menant à la vie. Un potentiel qui vient de Dieu. « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité », continuait le Sage dans son livre. Sommes-nous capables de porter un tel regard de confiance sur toutes celles et tous ceux que nous rencontrons ? Un regard qui relève, encourage chacun de façon unique, plutôt que d’organiser le monde en catégories selon nos propres critères et attirances ? Sommes-nous capables de ne pas fait le jeu « du diable », pour reprendre les mots encore du Sage, et donc par lui, de la mort, de la jalousie, du rejet ? Saint Paul nous exhorte : « Puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux. » N’entendons pas ces mots uniquement de façon matérielle, mais aussi relationnelle, sociale, on pourrait dire aussi « politique », au sens noble et premier du terme.

            Que la figure du Christ nous inspire un « style de vie », pour reprendre les mots de théologiens contemporains, qui dise quelque chose de la puissance de vie de Dieu parmi nous et au milieu de nous. Un « style de vie » ou un « art de vivre » qui manifeste que nous sommes faits pour la vie, pour « l’incorruptibilité », et que le Christ Jésus vient nous sauver de toute mort à nous-mêmes et aux autres. Qui vient pour redonner à chacun la vie et sa place dans le corps social, ecclésial, communautaire…

Amen.

P. Benoît Lecomte

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