Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Il créa les astres, les végétaux, les animaux. Et au terme de cette œuvre immense, il créa un être bien différent des autres, une créature à son image et à sa ressemblance : celui que la Genèse appelle Adama, l’homme tiré de la glaise du sol et rempli du souffle de Dieu.
Mais précisément parce que cet homme est à l’image du Dieu-Trinité, il ne peut rester seul. C’est pourquoi Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, prit une de ses côtes et façonna un être qui lui corresponde. De cette humanité, Dieu créa l’homme et la femme. Et lorsqu’il les amena l’un vers l’autre, Adam poussa un cri d’émerveillement : « cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair » ! Et le récit poursuit : « à cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous d’eux ne feront plus qu’un ».
Le récit de la Genèse est très clair. A l’origine, l’homme et la femme sont créés dans l’unité. Plus encore, ils sont appelés à PRESERVER cette unité, appelés « à ne faire plus qu’un ». C’est d’ailleurs, semble-t-il, ce qui pousse Jésus à prendre en exemple l’unité de la « maison » pour répondre à ceux qui l’accusent d’être possédé par Belzébul : « si les gens d’une même maison, dit-il, se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir ».
Pourquoi, à votre avis, Jésus dit-il cela à ses contradicteurs ? Eh bien je crois que c’est parce que cette unité de la famille, cette unité conjugale est ce qu’il y a de plus fondamental… mais aussi ce qu’il y a de plus fragile ! D’ailleurs, dans le passage de la Genèse que nous lisions tout à l’heure, la désunion ne tarde pas à survenir. Lorsque Dieu interroge Adam, son premier réflexe est de pointer sa femme du doigt avec autant de vigueur que son émerveillement passé : « la femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre ». Et lorsque Dieu se tourne vers Eve, elle se dédouane de la même manière : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé ». Nous constatons ainsi, seulement quelques versets après le récit de création idyllique de l’homme et de la femme, que Satan a déjà semé la zizanie entre eux. En leur suggérant de « se faire comme des dieux », il les incite à refuser leur vocation d’unité sous le regard aimant de leur Créateur. Adam et Eve, honteux de leur désobéissance sont réduits à se cacher de Dieu, à fuir sa présence.
Cette situation dramatique, chers frères et sœurs, nous la connaissons bien. Trop bien peut-être, et je crois qu’aucun couple n’est épargné par cette difficulté de vivre cette unité. Les épreuves de la vie, les tentations du serpent et la volonté humaine de se hisser jusqu’à Dieu à la force du poignet viennent altérer progressivement les relations conjugales, au point que le don généreux des noces est grignoté petit à petit par la pesanteur du quotidien.
Vous me trouvez certainement bien sombre en ce jour où nous célébrons cette messe de l’Alliance ! Mais je crois que notre regard sur la vie conjugale ne peut faire l’économie d’un tel constat. Cependant, une fois cela rappelé, il serait tout aussi faux de nous arrêter là ! Car l’Ecriture elle-même ne fait de cette difficulté qu’un point de départ. L’homme et la femme sont coupables de désobéissance, certes. Mais Dieu le sait dès que la faute est commise. Et cela ne l’arrête pas pour autant. Il va aussitôt à la rencontre de ceux qu’il a créés par amour dans un élan de tendresse et de miséricorde. C’est d’ailleurs cet élan que je voudrais que nous regardions de plus près ce matin.
D’abord, remarquons que Dieu prend les devants ! Dans le récit de la Genèse, ce n’est pas l’homme qui cherche de Dieu mais bien Dieu qui cherche l’homme. Dans un style aussi poétique qu’imagé, il descend dans le jardin et appelle : « Adam, où es-tu ? » Ce dernier sort alors de sa cachette, rouge de honte et commet aussitôt une erreur monumentale : il croit que Dieu est venu pour l’accuser. Quelle erreur ! Car Dieu est tout sauf un accusateur. Dieu qui connaît le cœur de chacun descend à la rencontre de l’homme et de la femme pour retrouver la vérité nécessaire à l’amour.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il les interroge, non comme un commissaire qui voudrait faire la lumière sur une histoire ! Dieu sait tout, il voit tout. Son but est plutôt de susciter leur responsabilité. En multipliant les questions, il donne la possibilité à Adam et à Eve de reconnaître avec humilité leur faute, de l’assumer pour être pardonnés. Malheureusement, leur cœur apeuré va là encore prendre la mauvaise décision. Ils vont se renvoyer la balle comme des enfants pris en flagrant délit. Adam va même jusqu’à renier son propre lien à la chair de sa chair lorsqu’il appelle Eve « la femme que TU m’as donnée ». L’unité est rompue par le mensonge. Elle est heureusement maintenue par le Créateur. Car Dieu, de son côté, ne cherche pas à se distancer de qui que ce soit. Il demande simplement à ceux qui se sont éloignés de reconnaître leur faute, et d’entrer ainsi à nouveau dans son amour.
D’ailleurs, remarquons que sa première réaction ne va pas être de punir Adam et Eve. Il ne les maudira pas, en tout cas pas comme il le fait pour le serpent tentateur. Il les mettra devant les conséquences de leur acte parce que seule la vérité rend libre et juste après, il leur confectionnera des pagnes en prenant acte de leur nouvelle condition.
Cette pédagogie divine, chers frères et sœurs est intimement liée à l’unité que Dieu désire encore aujourd’hui pour les époux. Et chacune de ces étapes de ce récit peut d’ailleurs servir d’aide pour construire cette unité véritable dans vos couples.
D’abord, parce que la réalisation de l’unité nécessite la reconnaissance d’un principe unificateur supérieur. Ce ne sont pas Adam et Eve qui se sont donnés la vie. Leur unité les dépasse. Et c’est en acceptant d’être rejoints par leur Créateur qu’ils vont pouvoir faire grandir cette unité reçue. Il en est de même pour chacun d’entre vous. Chacun est invité ce matin à entendre l’appel que Dieu lui lance. Peut-être que certains ne s’en sentent pas dignes par honte d’actes passés. Mais Jésus est mort par amour pour eux ! Il continue inlassablement de les chercher, de les appeler.
Ensuite, nous découvrons que l’unité véritable requiert la responsabilité. Dieu nous a créés libres. Il ne veut pas nous sauver malgré nous. Il nous appelle donc à nous laisser renouveler de l’intérieur, pour reprendre les mots de saint Paul. Cette acceptation est parfois longue, parfois douloureuse, mais le Seigneur nous rappelle avec force aujourd’hui que l’unité véritable s’appuie fermement sur la vérité.
Enfin, troisième enseignement, l’unité exige la miséricorde. Car elle est là, la vraie bonne nouvelle de ce dimanche ! Le Seigneur veut couvrir chacun de ses enfants de son amour infini, malgré notre faiblesse. Dans notre condition blessée, l’unité de l’homme et de la femme est conditionnée par cette capacité à vivre du pardon et de la miséricorde. Vivez-vous, chers frères et sœurs, ce pardon entre vous ? Vivez-vous de cette miséricorde de Dieu qui vient à votre rencontre ? La fidélité l’exige, l’amour y est suspendu.
C’est pourquoi, chers frères et sœurs, recevez avec joie et responsabilité la bénédiction que Dieu veut vous donner aujourd’hui. Priez les uns pour les autres, en particulier pour ceux qui se préparent au mariage, afin qu’ils découvrent dans ce sacrement la joie de se choisir chaque jour pour vivre cette unité intime et indépassable. Priez aussi pour ceux qui ne se sentent pas dignes de recevoir la miséricorde du Seigneur. Par-dessus tout, recevez cette grâce de l’unité et cultivez-la. Dieu pourra ainsi se faire tout en tous et réaliser l’unité à laquelle il aspire, celle qui lie à lui chacun des membres de son Corps. Amen.
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