A quelle richesse nous ouvrent les textes de la liturgie ce matin ! A quelle profondeur de méditation, nous invitant à revisiter et réveiller l’appel que le Seigneur nous lance chaque matin pour vivre de lui et au milieu du monde ! Regardons ces textes les uns après les autres, pour nourrir notre prière.
Dans le livre d’Ezékiel : « Je fais de toi un guetteur. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. » Dieu fait de nous des prophètes. Et tout est dit de la mission du prophète dans ce court verset. Le prophète : un être à l’écoute de la Parole de Dieu, qui retransmet cette Parole aux hommes de son temps. Un « guetteur » des signes du Royaume, une vigile dans le monde et parfois au cœur des nuits de notre monde. Un être qui fait résonner la Parole de Dieu aussi bien quand elle est Bonne Nouvelle que quand elle est mise en garde – mais elle est alors encore Bonne Nouvelle. Dieu fait de nous des guetteurs. Mais que guettons-nous vraiment ? De quelles paroles sommes-nous porteurs ? Guetteurs de nouvelles à sensations, colporteurs de mauvaises nouvelles, de critiques constructives ou de remarques destructrices ? Invitation à nous mettre réellement à l’écoute de la Parole de Dieu pour tenir notre place de veilleur de la dignité de tout Homme, de la beauté de la création, artisans de paix et d’unité, témoins et annonciateurs d’espérance. Dieu fait de nous et de son Eglise des prophètes.
Et l’écoute de la Parole de Dieu fait grandir en nous l’amour et fait naître l’adoration et la prière, l’action de grâce. « Venez, crions de joie pour le Seigneur, chante le psaume. Allons jusqu’à lui en rendant grâce, entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. » Dimension priante, sacerdotale. Dieu fait de nous des prêtres, non pas dans un ministère particulier de l’organisation de l’Eglise, mais dans la radicalité de ce qu’est un prêtre à l’image du Christ le seul prêtre : un priant qui relie l’Homme et Dieu dans la communion de l’Esprit. L’écoute de la Parole de Dieu transforme notre cœur et le tourne vers le Seigneur. « Aujourd’hui, écouterez-vous sa Parole ? » Notre prière est-elle nourrie de cette Parole, réponse à cet appel de Dieu à aimer et à porter le monde dans la prière ? Notre prière peut parfois être davantage négociation, chantage, rappel de Dieu à l’ordre (comme s’il ne savait pas ce qu’il doit faire). Le psaume nous rappelle qu’elle est d’abord réponse, élan d’amour, action de grâce pour les bienfaits de Dieu.
Et par la Parole de Dieu, à laquelle donnent écho nos paroles d’hommes, et par notre prière, notre vie s’ouvre à la fraternité, à une dimension sociale, à un Peuple, à l’autre, à une autre vie possible ensemble. C’est ce que nous offrait la Loi depuis le temps de Moïse, et que nous offre aujourd’hui l’Esprit Saint. La Loi disait : « Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol », etc. Elle est accomplie par l’amour, cette loi qui « ne fait rien de mal au prochain. » Non seulement qui ne fait pas de mal, mais qui cherche même à faire du bien au prochain, qui ouvre à la bienveillance, à l’entraide, au partage, à la solidarité, à l’accueil inconditionnel de l’autre. Dimension royale de notre vie, royale à l’image du Christ, de celui qui « donne sa vie pour ses amis. » C’est la fraternité qui est en jeu. C’est notre vie ensemble. Si nous sommes travaillés par la Parole de Dieu, si nous voulons lutter pour la dignité de tout Homme en rappelant ce primat de l’humanité sur toute autre considération, si notre cœur est tout entier tourné vers le Seigneur dans l’adoration et la prière, notre vie sera, de manière concrète, toute entière tournée vers les autres, les proches et les lointains.
Prophètes, prêtres, rois : les textes nous ramènent à l’essence même de notre vie de disciples de Jésus, au cœur de notre baptême. Et l’Evangile nous invite à vivre déjà de ces dimensions en Eglise, en communauté chrétienne, entre nous. Dans l’accueil des différences, dans l’amour fraternel qui va jusqu’au débats et aux désaccords, dans les pardons à échanger, dans la vérité à rechercher toujours ensemble. Le but est rappelé à plusieurs reprises : « gagner ton frère. » Non pas l’emporter sur lui et avoir raison, mais faire grandir la fraternité entre nous, et donc la force du témoignage, la possibilité d’une crédibilité de nos paroles autour de nous. Et l’authenticité d’un témoignage de foi qui rend réellement présent le Christ « quand deux ou trois sont réunis en son nom. »
Quelle liturgie rêvée pour une rentrée pastorale ! Quel appel et rappel à vivre ce pour quoi nous sommes baptisés, quel horizon nous est rappelé ici pour l’année qui s’ouvre devant nous !
Quel la Parole de Dieu nourrisse notre esprit, notre intelligence et nos paroles. Que la prière nourrisse notre cœur et notre joie. Que l’amour nous presse de servir nos frères et sœurs. Que l’Eglise soit ce Peuple où grandissent l’échange, le dialogue, le partage, le pardon, la vérité et la joie de vivre ensemble dans l’amour du Seigneur.
Amen.
P. Benoît Lecomte
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