Homélie du 23 juillet 2023, par le P. Benoît Lecomte

Barbezieux - Baignes - Barret

Publié le 23 juillet 2023

Il y a quelques années de ça, je suivais une conférence sur les mécanismes de l’économie mondiale. Il y était question, entre autres, de la fluctuation des prix des matières premières, laissant dépendants les agriculteurs de céréales des donneurs d’ordres et des traders des grandes plateformes boursières dans le monde. Ces fluctuations étant permanentes, et par le fait même souvent imprévisibles et inquiétantes pour les agriculteurs (on parlait alors notamment des agriculteurs des pays du Sud), un participant posa la question de comment faire pour réguler ces fluctuations. La réponse immédiate des intervenants a été : allonger le temps des impulsions informatiques, car c’est à leur vitesse que les ordres sont donnés.

Rapidité des rapidités. La réponse n’était pas humaine, raisonnable, morale, elle était technique et informatique. Au risque de la casse humaine, sociale, écologique, relationnelle que l’on peut connaître.

L’immédiateté de cette situation illustre tant notre monde et notre état d’esprit. Il nous faut tout, tout de suite. « Le temps s’accélère », dit-on. Et notre patience diminue.

A l’opposé de cette immédiateté, on trouve le temps de Dieu et de son Royaume. Lui ne se presse pas. « Toi qui disposes de la force, dit le livre de la Sagesse, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement. » C’est aussi ce que la page d’Evangile nous rapporte, avec la parabole des semailles. Les serviteurs du maître veulent arracher immédiatement l’ivraie qui pousse au milieu du blé. Le maître voit plus loin : « Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, on fera le tri. »

Prendre le temps. « L’amour prend patience », dit saint Paul dans son hymne bien connue. Cette patience qui donne le temps de la maturation, du soin, du respect du rythme de chacun et de chaque chose. Vous connaissez mieux que moi la patience dont doivent faire preuve les parents avec leurs enfants, pour qu’ils grandissent harmonieusement ! « Tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain », disait encore le livre de la Sagesse. Peut-être y a-t-il là une dimension d’humanité : être patient, voir plus loin. Ne pas réfléchir sans réfléchir à la vitesse des machines et des applications, mais s’inscrire dans le temps de Dieu – au risque d’être parfois en décalage avec le rythme du monde et le rythme imposé par le monde.

Mais la Parole de Dieu n’est pas uniquement un éloge de la lenteur ou de la patience. Elle n’est pas une leçon de sagesse, bien que cette leçon soit bonne à prendre. Elle nous invite plus profondément à un changement de regard, à une conversion. Elle nous invite à voir le monde – et les autres – non pas à partir de ce que nous voyons ou vivons, mais à partir de la fin, du but, de l’accomplissement. Voir à partir de ce qui nous attend. Voir à partir de la victoire finale du Christ sur la mort, de l’amour sur la haine, de la paix (du Shalom diraient nos frères juifs) sur toutes les tribulations du monde. C’est bien le Seigneur qui, au dernier jour, sera victorieux. Rien ne sert de nous affoler, même quand les choses ne vont pas dans la direction que nous souhaiterions. Il est « Maître des temps et de l’histoire », dit une préface de la prière eucharistique. S’il est maître, ne doutons pas qu’il conduit le monde selon le désir de son amour. Non pas dans les moindres détails, mais dans la trajectoire globale. Une trajectoire dont nous n’avons pas accès immédiatement, sinon en confiance et en espérance.

Ce regard n’est pas toujours facile à avoir, mais essayons de le vivre et de regarder nos familles, nos voisins, nos parents, nos enfants, nos collègues, notre monde, notre Eglise (et pourquoi pas soi-même aussi !) à partir de cette victoire du Christ, à partir de ce que le Christ aura définitivement accompli en eux. Peuvent naître alors la paix et la confiance. L’Esprit Saint vient à notre secours pour vivre cette conversion. Il nous aide à prier, à voir, à intercéder, à naître à nous-mêmes selon le désir de Dieu, disait Saint Paul à sa façon. Il nous aide à ne pas faire tout, tout de suite selon les logiques de notre temps, mais à rendre grâce pour ce que nous vivons, parce que participant du projet de Dieu pour nous, même si de l’ivraie se mêle inévitablement au bon grain.

La Parole de Dieu nous invite à la confiance et à l’espérance, parce que tout ce que nous vivons maintenant d’urgent, d’inquiétant, de dérangeant, a déjà trouvé sa place dans le cours de l’Histoire en Dieu, et que Lui « prend soin de toute chose ». Confions-lui nos vies, notre monde, notre Eglise. Nous pouvons aussi lui confier ces JMJ, qui débutent cette semaine, et qui vont voir des jeunes du monde entier chanter, prier ensemble et se donner la main, au nom du Christ victorieux. En regardant les images qui nous arriveront du Portugal, rappelons-nous que le rêve de Dieu est en train de se réaliser, qu’il est sous nos yeux et que nous n’avons rien à craindre.

Amen.

P. Benoît Lecomte

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