Vous faites ce soir votre profession de foi. Vous affirmez votre foi, celle reçue à votre baptême, celle que vous avez découverte petit à petit en échangeant avec d’autres chrétiens adultes et de votre âge, en priant, en écoutant le Seigneur lui-même vous parler. Vous professer votre foi, celle reçue de ceux qui vous ont précédé, et ainsi depuis 2000 ans, depuis l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus.
Vous professez votre foi.
Vous pouvez avoir des certitudes, des convictions. Vous pouvez avoir des connaissances sur Dieu, sur Jésus, sur l’évangile. Vous pouvez lier tout cela à une conduite morale, les choses qu’il faut faire et celles qu’il ne faut pas faire. Mais tout cela, n’est pas professer votre foi.
La foi est un saut. Un saut dans l’inconnu. Un saut dans la confiance en quelqu’un. Elle est un mystère cerné de doute.
Dans l’évangile, les apôtres qui se réunissent après la mort de Jésus connaissent tout cela. Ils savent, ils expérimentent, et en même temps ils se posent des questions, ils doutent. Ils sont « saisis de frayeur et de crainte » en même temps qu’ils sont « dans la joie et n’osent pas y croire, restant saisis d’étonnement. » Ce n’est pas simple. Il ne suffit même pas d’avoir vécu avec Jésus pour « y croire ». On ne saisi jamais totalement Dieu. On ne saisi jamais Dieu.
Vous professez votre foi. Vous dites ces mots que nous avons reçus de plus loin que nous, mais soyez rassurés, nous sommes comme vous : nous les balbutions, parce qu’ils nous dépassent. Et Dieu dépasse encore davantage ces mots. Nous ne pouvons parler de lui qu’en nous faisant des images, des idées, des concepts, des croyances. Il n’est rien de tout cela. Dans un petit livre très récent, un évêque voisin de la Charente écrit : « Dans le catholicisme, comme dans toute religion, ce qui détermine tout le reste, c’est Dieu, ou plus exactement l’image que l’on se fait de Dieu. Ainsi, le monothéisme a développé l’image d’un Dieu tout-puissant. Or, la révélation biblique contredit une telle représentation : le Dieu d’Israël n’évite pas au peuple l’exil, la déportation ; même les justes connaissent la persécution. Quant au christianisme, il fait s’agenouiller ses fidèles devant un homme humilié et crucifié, ainsi que devant un petit enfant couché dans une mangeoire. Cela convertit les idées d’un Dieu qui a réponse à tout, qui résout les problèmes comme par magie. Le Dieu de Bethléem se remet aux mains des hommes, bien loin de se préserver de leur éventuel contact, depuis l’effigie de l’enfant que l’on dépose dans la crèche jusqu’au corps eucharistique du Ressuscité qui est accueilli dans les mains de ceux qui reçoivent la communion. Ainsi, toute attitude religieuse qui éloigne Dieu des êtres humains, sous prétexte d’impureté des uns ou du caractère sacré de l’autre, contredit ce que Dieu montre de lui-même. [1]»
Professer sa foi, ce n’est pas perpétuer des images ou des slogans religieux qui ne diraient pas la réalité de Dieu. C’est faire le saut dans la confiance en un Dieu inconnu qui ne cesse de se révéler à nous comme amour de tout amour, d’un amour qui dépasse lui-aussi toutes nos représentations trop humaines de l’amour. Un saut qui nous tourne dans un même mouvement non seulement vers le Ciel et vers nous-mêmes pour écouter et découvrir qui IL est, et en même temps vers toutes celles et tous ceux avec qui nous partageons notre terre, et d’abord les plus fragiles et les plus vulnérables, pour vivre concrètement cet amour, cette foi, cette confiance.
Vous professez votre foi ce soir, notre foi. Mais vous pressentez aussi à l’intérieur de vous-mêmes, que cette aventure ne peut se terminer ce week-end. Elle est aventure de toute la vie, à reprendre sans cesse en Eglise, à nourrir sans cesse de la Parole de Dieu à entendre avec notre intelligence et notre cœur, à nourrir de la prière et des sacrements, du silence et de l’action, du service et de l’écoute. Elle est accueil de Celui qui ne cesse de nous accompagner et de se révéler à nous en nous révélant à notre propre vocation de femmes, d’hommes, de chrétiens. Elle est plongeon – celui que vous avez vécu au baptême et que vous renouvelez ce soir, celui qui ne se termine jamais parce qu’il est plongeon dans l’infini de l’infini.
Vous vivre votre profession de foi ce soir. Continuez demain, après demain et tous les jours suivant, ce beau chemin, cette formidable aventure faite d’élans et de questions, de jubilations et de doutes. Continuez de chercher, de Le chercher, encore et toujours, avec tous les croyants et toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté. En votre cœur, il s’est donné à vous. Au jour de la confirmation, il vous révèlera qu’il vous a revêtu aussi de l’Esprit Saint, cette force d’en haut qu’il a promis à ses amis. Soyez des témoins véridiques et sans masques de cette confiance que Dieu nous fait, de sa présence et de sa mystérieuse puissance.
Amen.
P. Benoît Lecomte
[1] Mgr Pascal Wintzer, Abus sexuels dans l’Eglise catholique, des scandales aux réformes, Tract Gallimard, 2023, p 13
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