La trahison, l’abandon, le reniement, la violence, la diffamation, la calomnie, l’injure, la condamnation injuste, la mise à mort la plus cruelle qui soit. Voilà ce que connaît Jésus, le Fils de Dieu. Précisément tout le contraire de ce qu’on attendrait de Dieu. « Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! », crient ses détracteurs. Et nous partageons leur cri ! Mais Dieu se fait silence, comme Jésus était resté silencieux face à Pilate.

            A la violence, Dieu ne répond pas, et encore moins par la violence. Etrange Dieu que nous célébrons là. Nous le qualifions de « Tout-Puissant » à longueur de prière, et lui se tait. Nous voudrions qu’il agisse lorsque nous-mêmes, nos proches, notre monde sont pris dans les mêmes tourbillons – de violence, de trahison, de diffamation, d’injustice, de non dialogue, de condamnation, et nous savons combien ces réalités sont présentes partout, à tous les niveaux, dans toutes les couches de la société aujourd’hui, combien le « climat » social, politique, international, est tendu. Nous pourrions attendre que Dieu agisse, intervienne, impose la paix, le respect, le dialogue. L’amour, même ! Mais il semble absent. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Nous aurais-tu abandonnés, Seigneur ? Te serais-tu détourné de l’humanité que tu avais créée et que tu aimais ? Qu’as-tu fait de ton Alliance ? De ta promesse ? De ta Parole ?

            Mais Dieu voit plus loin que nos regards limités. Dieu aime davantage encore que ce que nous pouvons imaginer. Dieu est plus puissant que ce que nous pensons. Avec Jésus, en Jésus, Il descend. « Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, disait la Lettre aux Philippiens, il s’est abaissé jusqu’à la mort. » Il descend au plus noir de l’humanité, aux plus inavouables de nos actes, aux plus brisées de nos relations. Jusque là, Il nous aime. Jusque là, Il veut nous connaître, Il veut nous chercher. Pour être avec nous, jusque là. Pour jamais ne nous abandonner, même au plus noir des obscurités humaines. Pour que nous ne soyons jamais seul, isolé. Il n’est pas dans la violence, dans l’injustice, dans la condamnation ou dans l’absence de respect, mais il est présent intimement avec celui qui est violenté, qui connaît l’injustice, la condamnation ou l’absence de respect. Il a pris le parti du plus petit et veut être avec lui, jusqu’au bout.

Et avec ce petit, avec chacun de nous, traverser les ravins de la violence et de la mort. Nous attacher à sa confiance et nous ramener à la paix, à la justice et à la vie. Ce sera le mystère de Pâques, ce sera l’espérance de l’aube après la nuit, de l’annonce de la Résurrection. Mais c’est déjà ce que nous proclamons en brandissant nos rameaux aujourd’hui : oui, cet homme est bien le Fils de Dieu venu dans le monde, et cet homme est le Sauveur hier, aujourd’hui et demain, depuis toujours et pour l’éternité, pour toutes les femmes et tous les hommes de tous les temps. Oui, il est éternellement vivant, lui qui a su traverser la mort et ressusciter par la force de l’Esprit Saint dans la puissance de vie du Père. Nos rameaux ont cette particularité qu’ils resteront verts toute cette année : ils nous disent déjà l’espérance qui nous habite. Ne les mettons pas tous dans les cimetières gardons-en quelques-uns dans nos maisons. Ils seront le signe, et le rappel, que Dieu est avec nous, toujours, et qu’à travers tous les méandres de nos existences, il nous conduit à la Vie.

Amen.

P. Benoît Lecomte