Contrastes.

Dans la Lettre de Paul aux Colossiens, Jésus est Maître de l’univers. Tout a été créé par lui et pour lui : les être visibles et invisibles, puissances, principautés, souverainetés, dominations. Il est le commencement de tout et toute plénitude habite en lui.

Dans l’évangile, le même est cloué sur une croix, condamné comme un malfaisant parmi les moins que rien, moqué, calomnié, offert à la risée de tous, n’attendant plus qu’une mort ignominieuse.

Contrastes.

Comme ceux dont on peut être témoins quand des grands de ce monde, des stars, des puissants, « dégringolent » de leur piédestal et se retrouvent parmi les petits et les pauvres.

Comme notre Eglise, encore, que l’on a cru un temps toute puissante, donneuse de leçon, sûre d’elle-même, et qui aujourd’hui semble perdre sa crédibilité, son aura, de sa superbe pour se retrouver au rang des complices et des menteurs.

Contrastes. Entre nos aspirations toutes humaines, nos espoirs de gloriole, de reconnaissance et de domination, et la royauté que le Christ nous invite à vivre.

Car sa royauté est là : dans l’humilité, le service, l’abandon de toute forme de puissance humaine. Sa seule autorité est dans la compassion et la miséricorde. Sa seule arme est sa fidèle présence aimante. Quoi qu’il se passe. Son seul pouvoir est celui de la réconciliation et de la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel, réalisées par le sang de sa Croix.

Changement de décor. Plus encore, changement de paradigme.

Mais c’est lui qu’il nous faut adopter. Car c’est à lui que nous avons été configurés.

Rappelle-toi, lors de ton baptême, au moment où tu as reçu l’onction d’huile sainte, comme jadis Saül, David et tous les rois : tu es devenu roi. Prêtre, prophète mais aussi roi. Roi à la manière de ce Jésus sur la Croix, Maître de l’univers parce que son amour est absolu. Roi des rois parce que serviteur des serviteurs.

Et nous, baptisés de tous horizons mais formant l’unique corps de ce Christ mis à mort, nous, baptisés de tous poils convoqués par Dieu pour devenir l’Eglise, nous voilà invités à nous souvenirs de la force de notre Maître et Seigneur et à prendre son chemin. Non pas un chemin péremptoire de domination et d’assurance, mais le chemin de la royauté qui se laisse découvrir dans l’amour donné jusqu’au bout, tel l’esclave vendu pour quelques deniers et cloué à la croix. Les plus grands rois, les plus grandes reines ne sont pas celles et ceux que l’on croit : ils sont cachés dans les couloirs des hôpitaux, le visage abîmé par la fatigue, ils sont la nuit dehors pour écouter la détresse de ceux qui y dorment, ils accueillent les migrants jusque dans les mers sans se soucier des papiers d’identité ou des frontières maritimes, ils prennent au sérieux les enfants fatigués de subir des violences, ils tiennent silencieusement la main de ceux qui sont malades ou qui vont bientôt partir. Ce ne sont pas eux qui gouvernent le monde : ce sont eux qui le portent, avec son poids d’humanité et d’inhumanité parfois.

Le Christ est de ceux-là, qui donnent sans compter.

A chacun de nous, à moi-même d’abord, et en Eglise : si nous voulons être ses disciples, si nous voulons célébrer vraiment sa royauté, non seulement dans la belle liturgie et dans nos belles églises mais aussi dans la vérité de ce que cette fête nous dit, retroussons-nous les manches, ouvrons large notre cœur aux dimensions de l’univers, prenons résolument la route du service de nos frères et sœurs : c’est là que se révèlera notre grandeur et la beauté de notre Roi.

Amen.

P. Benoît Lecomte