Je dois vous faire une confidence, je ne suis jamais très à l’aise avec cette journée mondiale de prière pour les vocations qui tombe systématiquement le jour où on entend l’évangile du bon pasteur. Parce que dans la prière pour les vocations on pense spontanément à prier pour avoir des prêtres, appelés aussi pasteurs et associés au Berger de l’évangile. Et par ce fait, on se place du côté des brebis qui mettent leur confiance en ce berger – et en leurs prêtres. Mais je ne rêve pas d’une paroisse de brebis. Je ne vois pas un troupeau en face de moi. Et les baptisés ne sont pas des moutons qui suivent « bêtement » leurs curés bien que bêlant de temps en temps. Ou s’ils le sont, ils doivent quitter cette posture qui n’est pas digne de celle d’Enfants de Dieu. Enfin, penser ainsi c’est, me semble-t-il, tordre l’évangile. Il n’y a qu’un seul pasteur, le Christ. Les prêtres, avec tous les autres baptisés, sont donc du côté des brebis. L’Église – et pourquoi pas l’humanité toute entière – suivant alors son seul pasteur, celui qui donne sa vie, par amour. Il n’y a d’ailleurs « qu’un seul nom donné aux hommes qui puisse nous sauver », disait Pierre dans le Livre des Actes des Apôtres, et ce nom est celui de Jésus le Nazaréen.
A ce moment là, les rapports entre le Christ et l’Église d’une part, et entre les prêtres et les laïcs d’autre part, sont rétablis. Mais il nous reste la question des vocations. Comment entendre cet appel – le terme n’est pas neutre – dans la Parole de Dieu aujourd’hui ?
La question des vocations concerne tous les baptisés que nous sommes, dans nos complémentarités d’histoires et de cultures, de sensibilités, de choix de vie et d’engagements. Ces vocations, nos vocations ne sont que des réponses diverses à un appel primordial qui dépasse les mises en œuvre concrètes développées par nos engagements de vie : celui du don de soi. Dans le mariage, en accueillant des enfants, dans un célibat consacré, dans une ordination au service de l’Église. Dans ces grandes aventures qui embrassent toute la vie, et aussi dans les milles aventures du quotidien et dans la fidélité des jours : dans la prière solitaire de ceux qui ne peuvent plus sortir de leur chambre, dans la confection de bocaux avec les produits du jardin que l’on offrira à ses petits enfants, dans les gestes de solidarité les plus banal et les plus attentionnés, dans le sourire quotidien à son voisin le plus proche. Notre vocation – et j’utilise le singulier – se joue là, dans le don de sa vie, dans la sortie de soi-même et de nos égoïsmes. A l’image du Bon Pasteur, du seul Pasteur, Jésus. Il est, lui, celui qui nous indique notre vocation ultime, ce à quoi Dieu nous appelle profondément. N’oublie pas que tu as été baptisé « prêtre, prophète et roi », Christ pour ce monde ! Et que là est le sens ultime et intime de ta vie : être pasteur à l’image du seul Pasteur, être Christ à la manière de Jésus, Celui qui fait de sa vie un sacrifice, celui qui offre, qui donne sa vie pour les hommes. « Je donne ma vie pour mes brebis », dit-il dans l’Evangile.
En donnant notre vie – et en priant les uns pour les autres et en communauté, pour que chacun, les uns et les autres, grandisse dans sa façon propre de donner sa vie et pour qu’en communauté nous sachions aussi donner notre vie – nous réalisons le projet de Dieu, son rêve. Veux-tu réaliser le rêve de Dieu ? Voulez-vous que nous réalisions le rêve de Dieu ? Donnons notre vie par amour. Peu importe la manière, toutes sont importantes. Donnons notre vie et devenons serviteurs. Serviteurs d’humanité. Serviteurs de la paix, de la concorde, du réconfort… serviteurs du soin aux plus petits et aux plus faibles. Avez-vous déjà vu un berger et son troupeau dans la montagne ? Il ne s’occupe pas des brebis qui courent devant et qui mangent bien ! Mais il prend du temps pour aider celles qui sont fatiguées, qui boitent, qui sont âgées. Il porte les petits, encourage les plus faibles avec amour (et avec des chants et des sons qui me fascinent toujours). Le Bon Pasteur est Serviteur de l’Homme et de toute la Création. En devenant serviteur, il nous indique un chemin de bonheur. Car le don de la vie n’est pas chemin de mortification, il est au contraire ouverture à l’autre, au service, à l’amour… et au bonheur ! Dieu nous rêve heureux et nous appelle à donner chair, chacun à notre façon, au visage du Christ aujourd’hui sur terre. Et toi, et nous, à quoi rêvons-nous ? « Nous ne sommes pas faits pour rêver des vacances ou de la fin de semaine, mais pour réaliser les rêves de Dieu en ce monde » (Pape François aux jeunes, mars 2020). Comment voulons-nous réaliser notre vie et le rêve de Dieu en ce monde ?
Nous voulons engager tout notre cœur et toute notre existence dans la réponse. Mais nous savons que nous n’y arrivons pas totalement. « Nous sommes appelés enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté », écrivait Saint Jean. Il y a nos élans et aussi nos freins, nos chutes, nos pas de côtés, nos résistances. Ne nous lamentons pas sur nous-mêmes : le Bon Pasteur connaît ses brebis – et ses brebis le connaissent, et elles connaissent sa voie et sa Parole. Elles savent ce qu’il est capable de réaliser : nous faire passer de la mort et du désespoir à la vie et à la joie des ressuscités. En Lui est la puissance qui vient nous libérer, « la pierre d’angle » sur laquelle toute la construction s’appuie.
Nous célébrons aujourd’hui la journée mondiale de prière pour les vocations, mais depuis quelques années, dans notre diocèse de Charente, nous profitons de cette journée pour entrer dans le « mois de l’appel. » Pendant les quatre prochaines semaines, nous sont proposées des témoignages, des prières, des réflexions, des méditations, des questions aussi, pour nous interpeler sur notre prière, notre baptême, notre témoignage, notre capacité à inviter. Profitons de cette proposition pour nous ré-enraciner dans notre réponse vocationnelle, personnelle et communautaire.
Prions pour grandir dans notre vocation ultime et unique d’Enfants de Dieu à l’image du Christ.
Prions pour toutes nos vocations dans leurs différences et leurs complémentarités, pour qu’ensemble, en Eglise, nous sachions prendre soin les uns des autres et de ceux qui nous entourent et avec qui nous partageons la vie.
Prions pour que l’Esprit du Père nous donne d’entendre l’appel permanent du Bon Pasteur et à lui répondre avec confiance et joie.
Amen, Alléluia !
P. Benoît Lecomte
Une réponse sur « Homélie du 25 avril 2021 par le P. Benoît Lecomte »
[…] Quelques infos, assez rapides ce soir, et quelques liens pour nourrir la semaine !– Vous pouvez retrouver ici l’homélie de ce jour de prière mondiale des vocations. […]