Augmenter en nous la foi. Voilà une belle demande et une belle prière que les apôtres font au Seigneur. En tout cas, nous pouvons la trouver belle et la partager avec eux. « Ta foi t’a sauvé », dit souvent Jésus aux personnes qu’il guérit ou pardonne. Si la foi sauve, il semble légitime de demander au Seigneur qu’elle augmente en nous, pour que nous participions toujours davantage à la vie dans la communion divine. Et nous connaissons tous des moments de notre vie où nous sommes traversés par la peur, l’inverse de la foi. Si le Seigneur pouvait augmenter notre foi au point de nous libérer de cette peur !
Plus encore, je vous encouragerai toujours à faire grandir votre foi, par la prière et par le travail de l’intelligence de la foi, le travail de la théologie ! Mieux comprendre nous aide à mieux aimer et mieux entrer dans le Mystère. Ce n’est pas pour rien si depuis quelques années nous avons amplifié notre offre de formations dans la paroisse. Oui, Seigneur, nous faisons notre cette prière des apôtres : « augmente en nous la foi ! »
« La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : « Déracine-toi et va te planter dans la mer », et il vous aurait obéi. » L’absurdité de la réponse de Jésus vient doucher notre bonne volonté et dénote l’absurdité de la demande. Nous comprenons qu’on n’augmente pas la foi. Ou plus exactement, on ne quantifie pas la foi. Et lorsque Jésus dit à quelqu’un : « ta foi t’a sauvé », il n’indique pas un quelconque degré ou niveau de foi. En tout cas, ce n’est pas ainsi que Jésus voit les choses. Mais il me semble que la réponse de Jésus s’épaissie encore ensuite.
Les mots qui suivent, dans l’Evangile, ne semblent pas être sur le même registre. Il y est question de serviteurs qui doivent obéir à leur maître et rester en tenue de service jusqu’au bout, jusqu’à reconnaître n’être que de « simples serviteurs qui n’ont fait que leur devoir. »
Pourquoi répondre à la demande des apôtres avec cette histoire de serviteur ? Quoi de commun entre la foi et l’attitude du serviteur ? Peut-être, justement, que l’une éclaire l’autre.
Et de nous interroger sur ce qu’est la foi. Elle n’est pas une somme de connaissances (que l’on pourrait alors mesurer et évaluer). Elle n’est pas non plus une quantité de pratiques (comme lorsque l’on dit que l’on est « croyant non pratiquant »). La foi est d’abord une expérience. L’expérience d’une rencontre et d’une confiance. D’une intimité. D’une relation avec quelqu’un. La foi, c’est faire entrer quelqu’un dans sa vie. Qui sait, lorsqu’on fait entrer quelqu’un dans sa vie, à quel niveau ou degré d’amour on se situe ? On fait entrer quelqu’un. Et pourquoi pas Jésus. « Ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains », rappelle Paul à Timothée. « Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en toi. » « Ce don qui est en toi… L’Esprit Saint qui habite en toi. » C’est bien de cela qu’il s’agit : laisser de la place à l’autre, au Tout-Autre, au Christ.
Cette habitation en nous transforme notre vie, notre existence, l’oriente de façon nouvelle. Si rien ne se produit, si nous ne sommes pas bouleversés par cette présence en nous, alors peut-être passons-nous à côté de la rencontre. Alors nous avons des oreilles mais n’entendons pas, des yeux mais ne voyons pas. Mais si cette habitation de l’autre – du Tout Autre – vient nous raviner et nous raviver de l’intérieur, tout remettre en question, donner un élan et un souffle nouveau, alors préparons-nous à nous retrouver dans l’attitude du serviteur de l’Evangile, qui sert sans compter, jusqu’à la démesure.
Car la mesure de la foi se manifeste peut-être dans la démesure du service et de la charité. Je ne pense pas que Jésus, dans l’évangile, fasse l’éloge du travail 24h sur 24h, de l’exploitation des petits ou de l’esclavage. Mais il prend en exemple la démesure du don du serviteur, qui se donne lui-même et totalement. Cette démesure indique, ou révèle, sa foi, sa confiance, la qualité de sa relation avec son maître. Il est évidemment intéressant de faire de la théologie, et je vous y encourage encore. Mais on peut être très bon théologien sans avoir la foi. On peut avoir de très belles et très justes connaissances et manier des concepts sans impliquer ce saut du cœur, d’un cœur ouvert à Dieu et aux contemporains, d’un cœur plein de miséricorde et de charité. On peut parler de Dieu sans être pris aux entrailles par l’amour dont il nous gratifie et qui vient transformer toutes nos relations sociales. Or, c’est là que se manifeste notre foi : dans la qualité de notre service et de notre charité. Ne soyons pas des « croyants non pratiquants », mais bien des femmes et des hommes qui mettent infatigablement et de façon inventive en pratique la charité révélant la foi.
Je voudrais terminer en tournant notre regard vers les migrants et les réfugiés, dont ce dimanche est la journée mondiale. « Dans un monde assombri par les guerres et les injustices, même là où tout semble perdu, les migrants et les réfugiés se dressent comme des messagers d’espérance. Leur courage et leur ténacité sont le témoignage héroïque d’une foi qui voit au-delà de ce que nos yeux peuvent voir, et leur donne la force de défier la mort sur les différentes routes migratoires contemporaines », dit le pape Léon dans son message pour aujourd’hui. Ils sont, les migrants, ces hommes et ces femmes qui nous rappellent notre propre condition de voyageurs, d’itinérants, et qui nous invitent, plus que quiconque, à la foi et à la charité. Qu’en les portant dans notre prière et qu’en nous engageant auprès d’eux, nous puissions mettre en œuvre notre foi.
Amen.
P. Benoît Lecomte






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