Saint Pierre et Saint Paul. Les deux colonnes de l’Eglise. Les deux principaux apôtres. Le premier des appelés, et le dernier, « l’avorton » comme il se qualifie lui-même. L’apôtre de la maison d’Israël et l’apôtre des nations. Fêtés ensemble, eux qui ont communié à la même foi, au même Esprit, au même élan, au même martyr. Le calendrier nous donne de les célébrer un dimanche, au jour de la célébration de la résurrection du Christ, eux qui ont fait, chacun à leur façon, l’expérience de cette résurrection en leur chair, en leur vie, en leur existence. Eux pour qui cette résurrection a radicalement changé la vie. Eux, apôtres, envoyés par le Christ pour être avec lui et pour témoigner et annoncer à tous les hommes cette Bonne Nouvelle. Eux à partir de qui l’Eglise toute entière s’est bâtie. « Façonnés par la parole du Seigneur, passés au crible de sa Passion, et désormais revenus de toute peur, Apôtres de Jésus, pour son Église, vous êtes pierres de fondation Dont rien n’ébranle l’assise », chante l’hymne.
La lecture des textes de la liturgie nous donne d’entrer dans le mystère de ces deux hommes choisis par Dieu pour être apôtres, dans ce qu’ils ont vécu de plus total, de plus radical. De plus abandonné au Seigneur Jésus. Mais ces versets, en parlant de Pierre et de Paul, nous parlent aussi, et indissociablement, de l’Eglise, dans tant de dimensions et dans ce qu’elle a à traverser, elle aussi, avec eux et depuis eux, à la suite de Jésus.
L’expérience de la libération de Pierre, d’abord. Ecoutez ces mots de l’ange : « Lève-toi vite, mets ta ceinture et chausse tes sandales, enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi. » Comment ne pas entendre ces mots adressés aussi à l’Eglise, Corps du Christ. Notre assemblée, l’assemblée de tous ceux qui sont réunis aujourd’hui de part le monde pour célébrer le Seigneur, et plus largement encore, où l’Esprit souffle, mystérieusement et parfois silencieusement. « Lève-toi vite, Eglise ! Mets ta ceinture, chausse tes sandales, enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi » ! Dans l’élan de la libération de tes chaînes et du péché que t’offre la mort et la résurrection du Christ, mets-toi en marche ! Sors, pars, cours au-devant du monde ! Ne reste pas au tombeau, à te morfondre, à ressasser les idées du passé, à rêver des oignons du temps de l’esclavage. Tu es vivante de la résurrection de Jésus et de l’Esprit Saint de Pentecôte. Laisse-toi saisir par ce Mystère, comme Pierre. Et comme lui, soit envoyée, apôtre de Jésus !
L’expérience de Paul, ensuite. Car la mission n’est pas toujours de tout repos. Nous pouvons la trouver exigeante, ardu, infertile. Les mots de Paul résonnent à notre cœur : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi… Tous m’ont abandonné. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Evangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. » Voilà qui vient encourager nos efforts : n’est-ce pas d’abord le Seigneur qui est à l’œuvre dans son Eglise ? Nous avons raison de déployer toute l’énergie et l’intelligence que nous pouvons pour vivre la mission apostolique de l’Eglise. Mais en dernier ressort, les paroles de Paul nous tournent vers le premier protagoniste de cette mission : Dieu lui-même, le Christ, l’envoyé du Père venu en ce monde pour sauver les hommes. Lorsque le découragement, la fatigue, la lassitude peuvent nous gagner, rappelons-nous l’expérience de Paul qui, au bout de vie d’apôtre, et malgré toutes les embûches et les vents contraires qu’il a rencontrés, continue de rendre grâce pour la fidélité du Seigneur, pour sa présence à ses côtés. Le même Seigneur est aux côtés de son Eglise depuis 2000 ans et continue de l’accompagner, que nous en voyons les joies ou les limites, les élans ou les poids.
Il s’agit, pour nous, qui formons cette Eglise du Seigneur, de prendre sans cesse à notre compte ces paroles que Pierre répond à Jésus dans l’évangile : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », et d’accueillir la mission que Jésus lui confie ensuite. Prendre à notre compte ces paroles en nous rappelant qu’elles viennent de nous, de notre expérience, de notre foi, de notre intériorité, de notre conviction, peut-être. Mais qu’elles viennent tout autant, et peut-être davantage encore, de Dieu, notre Père qui est aux cieux. Et que, Eglise, nous sommes, tel Jésus-Christ, tout entier des hommes et tout entier de Dieu, tout entier de pâte humaine et tout entier au Souffle de l’Esprit Saint. A nous de puiser au plus profond de nous, dans la demeure du Père, pour le laisser nous inspirer ses mots et ses paroles, et devenir Son Eglise, pour les femmes et les hommes de notre temps, pour faire connaître l’Evangile par notre attachement au Christ et la qualité de notre présence au monde.
Pierre et Paul nous inspirent et inspirent toute l’Eglise. En cette eucharistie, invoquons-les, confions-leur notre communauté paroissiale, notre doyenné, notre diocèse, notre Eglise toute entière et toutes celles et tous ceux qui la composent. Et reprenons les derniers mots de l’hymne déjà cité plus haut, en nous tournant vers les apôtres : « Quelle ivresse, pure et sobre, vous surprend ? Quelle folie d’amour et de feu ? Quelle sagesse plus folle que le vent ? L’Esprit souffle sur vous, hommes du large : Jetez en nous le désir de Dieu Et relancez notre marche ! »
Amen.
P. Benoît Lecomte
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