« Jésus dit : ‘Tout est accompli.’ Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. »
Le Fils de Dieu, le roi de gloire, est mort. « Transpercé » au cœur. Tout est fini. Silence sur la terre, stupéfaction des esprits : tout est allé si vite, tout s’est accéléré, précipité. Lui qui dès le début s’était entouré de disciples, termine dans la solitude, abandonné de presque tous. Lui qui se présentait comme le Chemin, la Vérité et la Vie, est cloué, crucifié, mort. La Parole s’est tue.
Mystère insaisissable.
Comment le Créateur de l’univers peut-il donc en arriver là ? Comment pourrions-nous continuer de vivre, comme si de rien n’était ? Si le Maître de la vie est mort, que devient la vie ?
Mais l’impensable s’est produit. Il est mort. Descendu dans la mort. Les hommes l’ont lâché, abandonné, condamné, crucifié. Le visage du Dieu invisible, le visage de l’amour a été défiguré, compté pour rien. Et il n’est plus.
« Voici l’homme ! », cris Pilate. Puis : « Voici votre roi ! » Et voici… plus rien. Silence sur la terre, et silence de Dieu. Silence du Fils, disparu, silence du Père, incompréhensible, silence de l’Esprit, remis.
De ce silence, montent les bruits du monde, de la ville et des champs, des activités des hommes qui continuent de manger et de boire, de s’aimer et de se jalouser, de se faire la guerre et de calculer, de bluffer et de parler, de hurler, chanter, danser, de se perdre dans mille courses du quotidien, sans toujours trop de perspectives… mais il faut bien vivre.
Et ce bruit du monde rencontre le silence assourdissant de Dieu. Et ce silence va plus loin que le bruit. Il entend ce qu’on n’entend plus, et que l’on cache à coup de décibels, de lumières et de vitesse : nos peurs, nos angoisses, nos incertitudes. Nos pertes de sens et de repères, nos amours tordus, nos égoïsmes, nos étroitesses, nos mensonges et nos contre-vérités, la misère qu’on ne voudrait plus, et nos yeux qui se ferment sur la mort et la violence qui se déchainent parfois jusqu’à nos portes.
Dieu est mort.
Mais encore dans la mort, Dieu reste Dieu.
Son silence ne fait que rejoindre le nôtre, enfoui si loin, si bas, si profond. Dans la mort et son silence, il vient nous rejoindre aussi loin qu’on n’imagine pas, jusque là où l’inhumanité nous habitent – car elle nous habite tous, tous faits de la même glaise. Inhumanité plus ou moins bien contrôlée, canalisée.
Il est comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir. Mais il y va librement, volontairement, assurément. Lui qui est la vie doit aller jusqu’où la vie n’est plus. Devenue silencieuse, la Parole rejoint notre silence au-delà de tous les bruits, pour nous redonner vie.
Nous n’avons plus qu’à nous taire, et à la laisser faire. A le laisser prendre dans son silence le bruit de notre terre.
Nous n’avons plus qu’à rester là. Confiants. Le cœur ouvert. En espérance. Demain, s’il faut, le soleil se lèvera et la vie vaincra.
Amen.
P. Benoît
Homélie du Vendredi Saint 2025, par le P. Benoît Lecomte
Aubeterre - Chalais - BrossacPublié le 18 avril 2025
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