« L’Eglise a besoin de voix prophétiques pour dénoncer les abus »
La lutte contre les abus sexuels au sein de l’Eglise ne pourra réussir que si une action décidée est également menée contre les abus de pouvoir et de conscience, dénoncés avec vigueur par le pape François dans sa Lettre au Peuple de Dieu du 20 août 2018. Abus sexuels, abus de pouvoir et abus de conscience se conjuguent bien souvent. L’impunité dont peuvent bénéficier les auteurs d’abus sexuels trouve très fréquemment son origine dans des abus de pouvoir. Cette impunité ne pourra véritablement cesser que si les abus de pouvoir sont plus clairement dénoncés. Cela passe bien sûr par une éducation à la co-responsabilité et la mise en œuvre de structures de participation plus coresponsables. Cela exige également une saine conception de l’exercice de l’autorité dans l’Eglise – respectueuse de la conscience et de la liberté d’autrui, ouverte à la discussion dans un dialogue constructif – qui doit être promue non seulement en paroles, mais d’abord en actes.
L’Eglise a besoin de voix prophétiques au sein de ces communautés pour dénoncer les abus et proposer un chemin de sainteté dans le respect de la dignité de la conscience et de la liberté des personnes. Les laïcs, amis de ces communautés, ont également une responsabilité particulière – un regard extérieur pouvant aider à objectiver les problèmes. Il serait important que les communautés religieuses fassent davantage confiance aux laïcs pour les aider dans ce chemin de purification, qui est un chemin de purification que toute l’Eglise est appelée à mener. Une attention spéciale est aussi à accorder à l’égard des laïcs employés de ces communautés, à qui peut être imposée – de manière indue – une obéissance de type religieuse. La confrontation à d’autres modalités de relation peuvent aider les communautés à s’ajuster.
Trop souvent, l’inertie du groupe fournit une excuse à l’absence de conversion des communautés, qui est reportée au lendemain ou aux jours meilleurs. La lutte contre les abus de pouvoir n’est pas un grand idéal inatteignable, mais est à vivre au quotidien dans des actes, multiples et répétés, qui peuvent être véritablement héroïques, mettant à la croix et exigeant parfois de lourds sacrifices.
C’est en se confrontant à l’Evangile, à sa radicalité, que l’on pourra y parvenir. Les abus de pouvoir s’enracinent dans un oubli de l’Evangile, dans un pélagianisme – dénoncé par le pape François dans Gaudete et exsultate (2018) – qui conduit à ne pas faire suffisamment confiance au Seigneur qui peut tout et à se fier à des logiques de mensonge, de manipulation et de contrôle, supposées préserver l’institution. Ils peuvent également être alimentés par un gnosticisme qui rend aveugle face à la force destructrice de ces logiques. La lutte contre les abus de pouvoir est bien un enjeu de sainteté pour chacun et chacune. Il en va de la vérité de l’Evangile, Bonne nouvelle.
Agnès Desmazières enseigne la théologie au Centre Sèvres (Paris, France) et elle a réfléchi notamment à la pensée du dialogue du pape François dans son livre « Le dialogue pour surmonter la crise : le pari réformateur du pape François » (Salvator 2019), avec une préface du p. Alain Thomasset, s.j. et une postface du p. François-Marie Léthel, ocd.
La théologienne française a aussi réfléchi, entre autres, à l’apostolat des laïcs et à la co-responsabilité des baptisés, et donc des femmes dans l’Eglise : des propos qui sont autant de pierres d’attente pour la réflexion du prochain synode des évêques, en octobre 2022, sur la « synodalité ».
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