Le livre de Daniel et l’évangile paraissent peut-être un peu étranges aujourd’hui. Ils utilisent un genre littéraire bien compris à leurs époques, le genre apocalyptique. On y voit des manifestations impressionnantes de tous les éléments et comme une annonce de la fin de temps. Ces textes ne veulent pas décrire minutieusement ce qui va se passer. Ils sont écrits à des périodes de persécutions et d’événements douloureux pour le peuple juif ou pour les chrétiens et visent à garder espoir et foi en la présence de Dieu, en son action, en sa fidélité. Il convient donc de ne pas avoir une lecture littérale de ces textes, mais de nous demander comment ils nous disent quelque chose pour aujourd’hui. Bien sûr, nous attendons nous aussi le retour du Christ, ce que nous chantons à chaque anamnèse : « Tu es venu, tu reviendras. » Nous pouvons même dire qu’il y a trois venues du Christ en notre monde : la première lors de son incarnation, il y a 2000 ans. La dernière à la fin des temps, lors de son retour définitif, dans un temps que « pas même le Fils » connaît. Et sa venue en chaque jour, à chaque instant. Maintenant. C’est peut-être aussi de cette venue que nous parlent les textes apocalyptiques, dans un langage imagé. Comme le peuple juif avait besoin de retrouver espérance alors qu’il était dominé par les puissances étrangères, comme les premiers chrétiens avaient besoin de retrouver espérance lors des persécutions, la Parole de Dieu ouvre l’espérance pour le temps qui est le notre en nous redisant que le Christ est là, que Dieu ne nous abandonne pas et qu’il est bien présent.
Car « les jours de détresse, le soleil obscurci ou la lune qui ne donne plus de clarté » existent pour beaucoup aujourd’hui. Pour tant et tant de personnes pour qui le ciel leur tombe sur la tête, pour qui c’est « la fin du monde » parce qu’elles tombent malade, perdent un emploi, subissent une catastrophe, sont pris dans des violences, touchées par une épreuve… font l’expérience de tant de pauvretés.
Ce dimanche est précisément la Journée Mondiale des Pauvres. Ceux-là même qui sont pris dans des événements difficiles, qui peuvent se poser la question de leur avenir, qui peuvent perdre espoir et espérance. A ceux-là et à nous-mêmes, l’Evangile l’affirme et l’annonce : « Le Fils de l’Homme est proche, à votre porte ! » Cette annonce ne concerne pas un avenir mais un présent : il est là. Il est là et il se donne à reconnaître, précisément, dans la figure des pauvres. « Jésus rappelle que le premier pauvre c’est Lui, le plus pauvre parmi les pauvres parce qu’il les représente tous […) Le visage de Dieu qu’il révèle est en effet, celui d’un Père pour les pauvres et proche des pauvres. Toute l’œuvre de Jésus affirme que la pauvreté n’est pas le fruit de la fatalité, mais le signe concret de sa présence parmi nous. Nous ne le trouvons pas quand et où nous le voulons, mais nous le reconnaissons dans la vie des pauvres, dans leur souffrance et leur misère, dans les conditions parfois inhumaines dans lesquelles ils sont forcés de vivre » (Message du Pape pour la 5ème journée mondiale des pauvres).
Retournement de situation. Notre première lecture nous faisait tendre vers une venue future d’un Christ en gloire, et voilà qu’il se présente à nous aujourd’hui dans le dénuement et la pauvreté. Le premier signe de sa présence, ce sont les pauvres. Il nous faut revenir à Lui et repartir des pauvres, comme c’est le cas pour la vie de l’Eglise en ce moment, cette Eglise pour quoi le ciel s’est obscurci. Repartir des pauvres et de nos pauvretés. Ce retournement de situation vient provoquer notre conversion. Les paroles de Daniel nous réveillent : « Ceux qui sont maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais. » A l’explosion de la pauvreté, de la peur, de l’indifférence, nous sommes invités à répondre par la justice, la solidarité, le partage, « la justice pour la multitude. » Non pas l’aumône ou la bienfaisance, qui laisse toujours un caractère de supériorité de celui qui donne et d’infériorité de celui qui reçoit, mais de justice et de partage, de coresponsabilité, même, qui engendrent la fraternité. En préparant cette messe, nous pensions à ce qui se passe lors de catastrophes naturelles, quand des habitations et des infrastructures sont détruites. S’ensuit en général un élan de solidarité qui permet de reconstruire ce qui a été détruit tout en renouvelant les relations entre les personnes.
Les pauvres ne sont pas étrangers à ce que nous sommes. Nous sommes, nous-mêmes porteurs de tant de pauvretés. Peut-être de façons moins visibles que beaucoup d’autres, mais nous devons reconnaître humblement nos propres pauvretés et entrer toujours davantage dans mode renouvelé de relations entre nous, pour laisser aux pauvres la première place tout en nous découvrant réellement solidaires d’eux et fraternels avec eux.
Cette solidarité, nous vous proposons d’en faire l’expérience. Déjà entre nous, ici présents. Des enfants vont passer parmi nous avec des corbeilles. Dans ces corbeilles, des petits papiers chacun invitant à une mission d’attention ou de partage avec quelqu’un d’autre ou même avec soi-même. Nous allons piocher un de ces papiers, recevoir une mission. Très humble. Très simple. A vivre joyeusement. Gageons qu’en accomplissant tous toutes ces petites missions, l’ensemble de nos pauvretés deviendront des richesses par lesquelles s’exerce ce partage, et la fraternité entre nous grandira. Alors nous verrons le Christ à notre porte, alors certains nuages disparaitront de nos ciels intérieurs, alors le temps de détresse se changera en temps de paix. Et nous pourrons chanter avec le psalmiste : « Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance… Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! »
Amen.
P. Benoît Lecomte
Les missions distribuées :
Une réponse sur « Homélie du 14 novembre 2021 »
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