(Etapes de baptême et scrutins de Enzo, Grâce-Marie, Anna, Ambre, Manon, Mewen, Théo et Marie)

« As-tu soif ? »

Au troisième dimanche de notre chemin de carême, de notre voyage intérieur, de notre pèlerinage, de notre exode vers la Terre Promise, la marche peut paraître longue, ou inattendue, ou difficile, ou aride. Il est bon de faire une pause, de nous arrêter nous aussi avec Jésus au puit de Jacob. Halte réparatrice, bienfaisante, désaltérante.

Mais de quelle eau voulons-nous puiser ?

De quelle soif avons-nous ?

Elles peuvent être si diverses. Et si certaines sont ressourçantes, d’autres peuvent être tels des mirages. On peut s’y engouffrer, parfois sans s’en rendre compte, se laisser berner par elles. Ce sont toutes ces illusions que nous cherchons à quitter pendant ce temps de carême – et chacun de nous, s’il ne l’a pas fait depuis le mercredi des cendres, peut en faire maintenant la liste dans sa tête et dans son cœur… toutes ces fausses sources et ressources qui ne nous font pas vivre mais nous donnent l’apparence de vivre : consommation, avoir, pouvoir, puissance, autorité, rêves de grandeur, orgueil, etc – pour nous laisser saisir et accrocher par la seule qui reste, la seule qui ressource, la seule qui désaltère, la seule qui donne la Vie : Jésus, le Christ.

N’est-ce pas l’expérience de la Samaritaine, cette femme aux 6 maris et à la réputation certainement sulfureuse ? Cette femme au cœur grand, à l’humanité fragile, au caractère tout à la fois trempé et méfiant… Cette femme qui se laisse surprendre par Jésus, au bord du puit. Par ses paroles, sa présence, son sans-gêne, son audace, sa clairvoyance, mais aussi son profond respect, qui rend libre…

Cette femme a soif d’une autre eau que toutes les sources auxquelles elle a bu et boit encore. Peut-être nous ressemble-t-elle… ou ressemblons-nous à elle. Quelles sont nos soifs ? De quoi avons-nous réellement soif ? Pouvons-nous descendre en nous-mêmes comme le seau descend au fond du puit, pour en sonder le fond ?

Les catéchumènes pour qui nous prions en ce temps de carême, qu’ils soient adultes ou encore enfants comme Enzo, Grâce-Marie, Anna, Ambre, Manon, Mewen, Théo et Marie qui vivent ce matin au milieu de nous des étapes vers leur baptême, nous étonnent et nous interpellent par leur cheminement et leur présence. Ils nous invitent, nous qui sommes des vieux baptisés, des habitués, parfois blasés, installés, ensablés, à creuser en nous les désirs que nous éprouvons et nous renvoient cette question. Chacun d’eux nous dit : « J’ai soif de Jésus, je veux le suivre, être plongé en Lui et être transformé par ce plongeon… et toi, de quoi, de qui as-tu soif ? »

            Il ne s’agit pas de bondieuserie ou de religiosité. La rencontre dont ils parlent, qu’ils expérimentent, qu’ils vivent déjà, est assez puissante pour leur faire dire et comprendre, avec leurs mots et chacun à son âge, qu’il s’agit avec cette soif et cette rencontre, de devenir soi-même et de devenir libre. D’être aimé pour ce qu’on est et de pouvoir exister. Expérience de la Samaritaine, qui peut rejoindre notre soif et notre désir. Être libre dans l’amour du Père. Être aimé pour qui je suis. Être reconnu non pas pour ce que je sais faire, mais pour ce que je suis, dans le regard du Christ.

            Le pèlerinage de carême ne se joue-t-il pas là ? Précisément dans cette transformation intérieure, dans cette plongée intérieure. Là, la source d’eau vive, dans le regard du Christ, purifie notre cœur, sans jugement, sans violence autre que celle de nous mener à la vérité de nous-mêmes et nous rendre libres et pleinement vivants.

            Laissons-nous interpeler par la Samaritaine, et par celles et ceux qui, au milieu de nous, manifestent ce désir et cette soif. Ils sont nos maîtres. Entrons avec eux dans leur démarche. Plongeons à la source vive, en regardant nos véritables soifs et en nous désaltérant à l’amour miséricordieux de Dieu.

Amen.

P. Benoît Lecomte