Homélie de la Toussaint, par le P. Benoît Lecomte

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Publié le 1 novembre 2024

(Homélie prononcée à Maumont le 1er novembre 2024)

Saint Jean écrit dans l’Apocalypse qu’il a vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer Et Jésus, « voyant les foules, gravit sur la montagne. »

Alors ouvrons les yeux, nous aussi, et regardons. Regardons les foules, autour de nous, de tous les horizons, venir à Dieu, le vêtement « blanchi dans le sang de l’Agneau ». Ils sont des milliers, des millions.

Ils sont secouristes, au milieu des décombres à Gaza, à Beyrouth, dans le Donbass, sur des embarcations de migrants ou dans tant de lieux de part et d’autre dans le monde. Ils risquent leurs vies sous les bombes pour sauver une femme, un enfant, un vieillard, cherchant les signes de vie là où la mort a tout emporté.

Elles sont infirmières, dans les nuits des hôpitaux, au chevet des malades. Elles pleurent les souffrances de leurs corps qu’elles ne peuvent reposer, et des souffrances de ne pas pouvoir apaiser davantage les patients qui leur sont confiés.

Ils sont invisibles, courant les bureaux, les téléphones et les avions, cherchant dans l’ombre la plus totale à négocier la paix sur tous les conflits du monde. Ils ne font pas la Une des journaux mais s’activent jours et nuits dans l’espérance qu’un matin, avec le soleil, se lèveront le dialogue, et la paix.

Ils sont avocats, commis d’office. Ils ont à défendre l’indéfendable, côtoyant la misère humaine, cherchant l’humanité au cœur de ceux qui ne croient plus en eux-mêmes, descendus au plus noir de l’horreur. Ils croient toujours que la justice du plus faible peut l’emporter sur l’injustice du plus fort.

Ils sont engagés dans 1000 associations, au service des plus petits, des plus fragiles, de ceux qui n’ont plus rien mais dont le regard crie encore l’humanité. Ils pleurent et rient avec, ils nouent des amitiés, ils recréent des relations, peu importe que le prétexte soit la nourriture, la santé, l’administration, le logement ou l’éducation. Ils ont été pris aux tripes et ne comptent plus leur temps et leur énergie pour les autres.

Ils ont choisi de vivre autrement, en dehors de la course à la rentabilité et au profit, choisissant l’harmonie avec la nature et dans les relations avec les autres. Ils ont choisi la douceur des saisons plutôt que la violence des marchés, la beauté des hommes plutôt que l’étourdissement des profits.

Ils sont parents et donnent tout pour leurs enfants, ils tiennent silencieusement dans la prière pour le monde…

Ils sont des milliers et des millions, inconnus du coin de la rue ou du bureau de tabac. Invisibles aussi, souvent. Mais Saint Jean voit. Et Jésus voit, aussi. Des foules immenses. Avec les yeux du cœur, avec le regard qui ne se laisse pas étourdir par ce qui brille autour, mais qui perce le secret intime de chacun pour y déceler et révéler la lumière divine qui habite là.

Ils sont des saints. Ou tout du moins, ils participent, en leur humanité fragile et pauvre, à cette unique sainteté de Dieu, qu’est l’Homme vivant. Ils vivent de cette sainteté à la mesure de leur pauvreté. Car seul le pauvre peut être saint. Le riche est plein, comment pourrait-il encore accueillir, et l’autre, et Dieu ? Il faut de l’espace, pour la sainteté. Du vide. De la liberté. De quoi se mouvoir, et bouger, et servir. Il faut être en mouvement, dans le mouvement de l’Esprit. Celui qui est trop calé par ses richesses ne peut plus bouger – et il ne le veut pas, de peur de les perdre. Il faut un cœur de pauvre. « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux. »

Et par cette pauvreté s’ouvre alors le regard. Non seulement sur cette foule immense des saints d’aujourd’hui, mais sur cette communion des innombrables qui ont pris part au festin des noces. S’ouvre le regard sur ces liens invisibles mais réels entre tous ceux, à travers le temps et l’espace, qui ont mis leurs pas dans ceux de Jésus Christ, le seul Saint. S’ouvre le regard sur la solidarité inouïe entre toutes celles et tous ceux qui ont ouvert leur cœur à la tendresse et la miséricorde de Dieu, celles et ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain – puisque l’éternité se joue du temps. Immense communion que nous célébrons aujourd’hui dans la pauvreté de notre cœur, et qui permet de discerner, déjà, la plénitude de l’accomplissement de notre histoire et du dessin de tout l’univers. Cette fête de la Toussaint n’est pas un passage liturgique, elle est un sommet, l’anticipation d’un accomplissement. Elle nous donne de voir et de percevoir, non seulement les foules immenses, mais déjà l’eschatologie promise. A la mesure de l’acceptation de notre pauvreté, et des dimensions de notre amour donné. « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté, mais nous le savons, nous sommes appelés enfants de Dieu, et déjà nous le sommes ». Et nous le sommes avec la grande assemblée de tous les saints du Ciel.

Que cette eucharistie nous donne de goûter à cette communion avec tous les saints, ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Qu’elle nous procure la joie du chemin de sainteté, en nous donnant de communier à Jésus Christ, le Pauvre, le Saint, l’Amour.

Amen.                                                                                              

P. Benoît Lecomte

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