Le Christ Roi de l’Univers (A)
Au commencement de l’année liturgique, nous étions invités à abaisser notre regard vers un Enfant posé dans une mangeoire ; aujourd’hui, nous levons les yeux vers le Roi de gloire, le Seigneur des Seigneurs, le Juge des vivants et des morts. L’Ange l’avait annoncé à Marie : « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33). Et en parcourant l’Evangile tout au long de l’année, il nous a fallu nous rendre à l’évidence : Jésus n’entend pas cette royauté à la manière dont nous la concevons : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28).
Les lectures de cette fête nous précisent cette royauté hors du commun.
Le roi va chercher lui-même la brebis égarée, il rassemble, protège et délivre son troupeau. Lorsque le loup survient, il ne prend pas la fuite, mais il donne sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10, 15) : le roi-pasteur devient même l’Agneau immolé pour que le troupeau ait la vie, et qu’il l’ait en abondance (cf. Jn 10, 10). C’est bien en aimant jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1), que Jésus manifeste sa royauté suprême, celle qui triomphe de la haine et de la mort (cf. Ep 2, 16).
Dans l’exaltation de la royauté guerrière de celui qui triomphe de la mort après avoir détruit toutes les puissances, l’humilité du Roi pasteur n’est pas démentie puisque lorsque « tout sera achevé, il remettra son pouvoir royal à Dieu le Père », afin que « Dieu soit tout en tous ». Et quand Jésus exerce son ministère de Juge universel, il parle encore au nom de son Père qui à travers lui, prononce la sentence. Dans ce jugement, on peut s’étonner de n’entendre, parmi les critères pour l’entrée dans le Royaume, aucune allusion à une confession de foi. Jésus ne demandera pas aux hommes qui n’ont pas eu la chance d’entendre l’annonce de la Bonne Nouvelle, de le proclamer “Seigneur”! Ce sont leurs œuvres de miséricorde en faveur des plus petits qui témoigneront pour eux et leur serviront de confession de foi. Quant aux croyants qui se déclarent pour le Christ devant les hommes, eux aussi doivent faire la volonté du Père qui est aux cieux pour pouvoir entrer dans le Royaume (Mt 7, 21).
Au bout du compte, ce sont donc bien les œuvres de charité qui sont déterminantes, tant il est vrai que « celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte » (Jc 2, 17).
Nourrir un affamé, vêtir un démuni, accueillir un étranger, visiter un malade ou un prisonnier, rien de tout cela n’est hors de notre portée, et rappelle l’exigence d’incarner notre foi dans un comportement fraternel cohérent, marqué par la gratuité. L’accès au Royaume n’est donc pas une récompense pour nos bons et loyaux services ! La pleine communion avec Dieu sera l’accomplissement de ce qui est déjà commencé dans le cœur de ceux qui seront entrés en solidarité concrète avec leurs frères dans le besoin et en qui ils auront ainsi servi Dieu lui-même.
Seigneur, donne-nous de te reconnaître et de te servir aujourd’hui dans les frères et sœurs qui réclament le don gratuit de notre amour. Alors, nous pourrons espérer connaître la joie de nous entendre dire : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde”. Amen.