Hors de la messe, pas de salut ?

Sainte Joséphine Bakhita

Tribune de Monique Baujard, doctorante en théologie et Anne-Marie Pelletier, bibliste

La Croix – 09/11/2020


Faut-il ajouter à la débauche de protestations, de revendications en circulation dans le corps social et dans l’Église ? Peut-être que oui, au vu de ce qui se passe en cette dernière, où une partie des catholiques s’est enflammée pour obtenir une exemption au confinement, que les autres religions ont accepté.

Voilà bien comment nous prenons notre part à la cacophonie et à la confusion ambiantes autour de la défense des libertés. À chacun son culte. Ici, celui d’une laïcité dont le fleuron ambigu serait le droit au blasphème. Là, celui du « culte » tout court, défendu avec des accents de piété irrécusable. Les catholiques font savoir qu’ils ont le droit d’«aller à la messe », une liberté non négociable. Et si peu négociable que l’on porte l’affaire devant la justice, pour confondre un État français, que l’on déclare en guerre contre les catholiques.

Sérieuse inconséquence à l’heure où il nous faut nous rassembler pour défendre tous ensemble une juste laïcité, contre la menace des communautarismes. Comme si une forme de trumpisation gagnait insidieusement les esprits, qui fractionne la société, creuse la méfiance de l’autre, fait se barricader dans une identité que l’on déclare menacée.

Une posture qui laisse songeur et inquiet. Comment assumer en vérité, c’est-à-dire de manière évangélique, notre mission de chrétien dans le monde ? Un monde agité de peurs, de colères, de frustrations. Où la peste de la désinformation et de la manipulation des esprits est aussi active que le virus. Où l’islamisme radical recrute
gaillardement pour semer la terreur. Où le quotidien de beaucoup de Français, sur fond d’une pandémie sans fin, est la peur du chômage, de la misère, de bouleversements, qui laissent la jeunesse tragiquement aux prises avec un
lendemain sans avenir.

Or, c’est bien dans cette conjoncture qu’il s’agit de vivre en chrétien, d’être porteur d’espérance contre toute espérance, témoin du Ressuscité face à de multiples désespoirs et aux succès insolents de la mort. Qui contestera qu’il nous faut puiser notre fidélité et notre énergie à partir de la source, c’est-à-dire du Christ ? Qui contestera que la vie sacramentelle est la modalité la plus naturelle de cette relation ? À condition cependant de ne pas laisser contaminer cette vérité par les étroitesses, qui voudraient qu’il n’y ait de vie chrétienne qu’à fréquenter les églises
selon les protocoles du temps ordinaire. Et qui prétendrait en particulier assigner la relation au Christ à une participation dévote à la messe célébrée par des prêtres en présentiel ou en virtuel…

C’est peut-être le moment de réentendre Jérémie recevant, à l’heure du péril, l’ordre divin de se rendre au temple pour interpeller ceux qui en font un talisman protecteur. Cessez d’invoquer le « Temple du Seigneur ». C’est une autre fidélité qui est requise d’Israël à cette heure de crise ! Cela n’est pas sans rapport avec notre situation présente. Certes, c’est bien l’Eucharistie qui fait l’Église, en même temps que celle-ci la célèbre. Mais il est faux de prétendre que l’Eucharistie épuise les moyens par lesquels un chrétien partage la vie du Christ et a part à sa mission. C’est d’ailleurs le discours que l’institution ecclésiale s’est toujours empressée de tenir à l’égard des divorcés-remariés…

La privation provisoire de l’Eucharistie pourrait être l’occasion salutaire pour tous de reprendre conscience que la Parole de Dieu est, de façon tout aussi nécessaire, table de vie. Et qu’il suffit que deux ou trois soient réunis au nom du Christ, ouvrent ensemble les Écritures, pour que le marcheur anonyme du chemin d’Emmaüs leur soit présent, et que se renouvelle l’illumination des coeurs qui devrait être le préalable de toutes les fractions du Pain célébrées dans l’Église.

Belle occasion en fait d’expérimenter à neuf l’Église comme communauté de disciples. De se rappeler mutuellement que l’on n’est pas chrétien en se recroquevillant sur l’entre-soi, mais en sortant comme le Christ en sortie d’Évangile. Car la mission d’un chrétien a un nom que nous ne pouvons ignorer en ces jours de Fratelli tutti. C’est la fraternité ! Loin d’un plat humanisme, la première lettre de saint Jean nous apprend qu’elle est la vérification de l’amour de Dieu et, par conséquent, en christianisme, une réalité à densité mystique ! Tout comme elle est l’antidote à nos replis, qui ne font que conforter la relégation des croyants dans la sphère privée.

Ne nous leurrons pas, la véritable fidélité aujourd’hui n’est pas dans la défense crispée de pratiques auxquelles nous tenons légitimement mais qui, dans leurs formes traditionnelles, sont en train de s’effondrer. Elle a à voir plutôt avec une confiance et une générosité qui nous rendent créatifs de nouvelles formes de vie communautaire. Dans une solidarité avec une société remplie d’urgences, qui est le lieu où les chrétiens ont rendez-vous avec Celui dont ils reçoivent leur vie et leur mission.

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