« Ce qui nous sauve, ce n’est pas la messe mais bien le Christ »

Sainte Joséphine Bakhita

Réflexion du Père Dominique Degoul

La Croix – 29/05/2020 – Propos recueillis par Arnaud Bevilacqua

La question de la messe a été l’objet de nombreux débats durant le confinement qui se sont poursuivis ensuite. Auteur d’une tribune remarquée sur le sujet, le père Dominique Degoul, jésuite, aumônier d’étudiants, livre sa réflexion sur le sens de la messe dans la vie d’un croyant.

Alors que les fidèles en ont été privés « physiquement » pendant plusieurs semaines, comment définir ce qui est en jeu pour un croyant dans la messe ?

Père Dominique Degoul : Cette situation d’exception peut nous inviter à nous interroger sur le sens de la messe. Il me semble important de souligner que, même comme catholique romain, ce qui nous sauve et en quoi nous mettons notre foi, ce n’est pas la messe mais bien le Christ.

La célébration de l’eucharistie n’est pas un en-soi, elle est orientée vers le Christ : le moyen habituel de le rencontrer et de le recevoir. Elle est le lieu où chacun de nous communie à la personne du Christ et où, en même temps, l’Église se constitue comme corps en le recevant en assemblée.

Privés de messe, nous avons éprouvé un véritable manque. Pourtant, affirmer au sens littéral que la messe est vitale conduit vers un faux-sens ; nous n’en sommes pas morts, et personne n’est condamné par Dieu en cas d’impossibilité d’assister à la messe.

Si je suis dans l’impossibilité de recevoir un sacrement, Dieu désire toujours profondément venir à ma rencontre. La messe répond à un besoin humain de rassemblement. Les sacrements comportent un caractère incarné, avec la présence physique des frères et des soeurs, dont nous éprouvons particulièrement le manque lorsque nous en sommes privés.

Pour vivre sa foi, peut-on se passer de la messe alors que le Christ se présente comme le « pain vivant » ?

P. D. D. : Pour celui qui croit, le corps et le sang du Christ constituent des aliments qui nourrissent et maintiennent en vie sa foi. L’en priver peut conduire à une sorte d’asphyxie. Je peux parfois m’ennuyer à la messe, mais si je n’y vais pas, je ferme la possibilité ouverte par la répétition du rituel de vivre quelque chose d’inattendu.

Certains vont sans doute redécouvrir en retrouvant le terrain habituel de la présence du Christ un sentiment intérieur de réconfort. À l’inverse, d’autres vont peut-être découvrir qu’ils croyaient un peu machinalement, et s’interroger sur le sens d’une pratique rituelle qui, finalement, ne leur a pas tant manqué que cela. Et ils auront à répondre librement à la question que le Christ a posée à ses disciples, après que ses paroles crues dans les discours du pain de vie (Jn 6) les ont scandalisés : « Voulez-vous partir, vous aussi ? ».

Ce moment est-il l’occasion de s’interroger sur la place de la messe en France, alors que dans certains pays, elle ne va pas de soi, faute de prêtres ?

P. D. D. : J’ai été interpellé par un chrétien « maximaliste » pour qui la communion fréquente relevait de l’absolue nécessité. Je lui ai fait remarquer que si c’était le cas au sens littéral, nous ne laisserions pas certains chrétiens d’Amazonie ne communier qu’une seule fois par an. Cela dit, nous sommes des êtres incarnés, porteurs d’une histoire.

La nôtre en France, différente d’autres pays, est celle d’une pratique religieuse très régulière depuis plus de dix siècles. On peut s’interroger sur celle-ci, d’autant que la situation est plus difficile dans les campagnes. Mais pour des croyants profondément habitués – et ici, l’habitude est une chose bonne ! – à se rendre à la messe depuis l’enfance, le manque est une évidence qui ne s’efface pas en citant l’exemple des Amazoniens, contraints de s’en passer.

C’est la compréhension du sens profond de la messe qui est en question…

P. D. D. : L’Eucharistie demeure un mystère, une sorte de répétition aveugle de ce que Jésus nous a dit. Quand je répète les paroles de la consécration, je me demande parfois ce que le Christ a voulu dire. Évidemment, elles fondent l’institution d’un sacrement, mais ce sont des paroles dures. « Mangez, ceci est mon corps », « buvez, ceci est mon sang » , c’est à la fois incompréhensible et inimaginable. Leur sens ne s’approche que par les circonstances dans lesquelles elles sont prononcées : peu avant que son corps et son sang ne soient physiquement livrés, Jésus dit l’espérance fondamentale que sa mort puis sa résurrection deviennent une véritable nourriture pour tous. Recevoir le corps du Christ, c’est dire notre désir de vivre dans le mouvement de don de soi jusqu’au bout qui a été le sien, et dans le même mouvement, de nous donner pour les autres.

Dans la vie du croyant, quelle peut être la juste place de la messe ?

P. D. D. : La pratique religieuse ne suffit pas, si le reste du temps le chrétien se moque de la charité. Mais elle est nécessaire, parce que notre foi suppose des lieux incarnés. Pour moi, la communion est le signe concret de la divine douceur. Grâce à l’eucharistie, nous nous souvenons que ce qu’il y a de vivant et de fécond en nous ne vient pas d’abord de nous-même, et que seule l’action du Christ en nos coeurs peut nous purifier et nous permettre de donner le meilleur.

Notre lien au Christ, reçu et fortifié dans l’eucharistie, est la seule source véritable de l’amour que nous pouvons manifester ; en retour, notre amour du prochain manifeste un amour qui vient de Dieu. Ainsi, le commandement de l’amour du prochain et le commandement de l’amour de Dieu se rejoignent.

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