Isaïe 9, 1-6 ; Psaume 95 ; Paul à Tite 2, 11-14 ; Evangile selon Luc 2, 1-14
Noël est un cri prophétique bien souvent oublié ou caché : celui adressé pour tous ceux « qui n’ont pas de place pour eux ».
Luc, le seul à raconter la nativité de Jésus, montre que Jésus et les siens sont de ceux-là : pas de place pour eux dans la société de son temps.
Il construit son récit en parallèle avec celui du prophète Isaïe, 5 siècles plus tôt : les bergers dehors dans la nuit sont ce « peuple qui est dans les ténèbres », ce sont eux qui « voient se lever une grande lumière », ce sont eux qui sont les destinataires d’un message pour que les choses changent avec la venue de leur sauveur : « il affermira sur le droit et la justice , il fera cela l’amour jaloux du Seigneur de l’univers » (Isaïe), « Ne craignez pas, car voici une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple » (Luc).
Les bergers, ce sont des gens anonymes, qui ne savent ni lire ni écrire, et souvent déconsidérés. Ils sont les destinataires du message de cette nuit. Or ce sont eux qui sont convoqués selon l’évangéliste alors qu’ils ne pourront pas témoigner de l’évènement de cette naissance : ce sont des sans-voix. A l’autre bout de l’histoire ce sont les autorités religieuses et politiques qui seront convoquées pour prendre position et témoigner de la mise à mort du même Jésus de Nazareth.
Comment à Noël ne pas entendre ce cri de vie ! Ne pas entendre que Dieu vient sur la paille, ne pas entendre qu’il prend chair chez ceux qui n’ont pas de place pour eux dans la société et qu’il est comme eux, pour eux.
Je pense à cette circulaire européenne qui vient d’être écrite pour Noël 2021 : ne plus prononcer le nom de Noël. J’y vois une nouvelle parabole de cet évangile voulue aujourd’hui par notre Europe libérale : garder la fête et la consommation mais effacer le cri prophétique de la nativité du Christ.
Luc sous des aspects merveilleux et féériques fait un récit extrêmement dérangeant. Il semble l’être encore 2000 ans plus tard pour ceux qui s’y penchent vraiment. En cela la prophétie d’Isaïe se réalise pour ceux qui découvriront et prendront au sérieux le message de l’enfant qui nous est donné : « son règne sera établi dès maintenant et pour toujours ».
Dans le contexte qui est le nôtre en cette année 2021 et sur lequel nous ne reviendrons pas, nous avons besoin d’un Noël prophétique. Un Noël prophétique pour les malades et les soignants, pour les étudiants et les chômeurs, pour les déracinés et les victimes de violence et de harcèlement, pour ceux qui ne s’en sortent plus… tous ceux qui éprouvent le sentiment de ne avoir de place dans la société, afin de remettre les choses à leur vraie place, selon le plan de Dieu, et de se souvenir que Noël est d’abord pour eux et pour changer leur vie.
Bon NOEL à tous.
P. Laurent Maurin
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