Aujourd’hui, beaucoup de personnes dans notre monde disent vouloir se passer de Dieu. Lorsque Jésus est né, a vécu, a été condamné à mort, beaucoup semblaient déjà pouvoir se passer de lui ! A Bethléem, pour sa naissance, il n’y avait pas de place pour lui… (Luc I)
Faisons-nous le lien entre ces deux refus ? Pour nous Chrétiens, il est pourtant le même !
Pourtant les hommes de son temps faisaient une grande place à Dieu ! C’est même au nom de la place faite à Dieu qu’ils n’avaient pas de place pour Jésus, ou qu’ils l’ont mis à mort…
« La culture chrétienne est en net recul, notamment chez les plus jeunes » : tel est le titre d’un article paru dans « Le Monde » du 14 août, donnant les résultats d’un sondage de l’IFOP réalisé début août 2020. Le commentateur Jérôme Fourquet écrit : « Il y a un phénomène global de sécularisation de la société. Pour beaucoup, cela n’a plus grand intérêt de connaître cette culture. C’est devenu une langue étrangère, voire inconnue, pour une grande partie des jeunes générations. » Telle est bien la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Il s’agit directement dans ce sondage de « culture chrétienne » et non pas de « foi chrétienne ». On peut avoir une bonne culture chrétienne sans avoir la foi, l’inverse n’étant guère possible puisque la foi naît de la parole et que cette parole contient nécessairement des éléments de connaissance et donc de culture.
La question est donc de savoir comment il est possible aujourd’hui de communiquer la foi, quelle parole et quel témoignage pourraient surmonter ce manque d’intérêt évident pour les réalités de la foi ?
Ce n’est pas de l’homme qu’il faut parler à partir des réalités religieuses. Il s’agit désormais de parler de Dieu à partir de l’homme. C’est la démarche qu’a voulu instaurer la Constitution du Concile Vatican II, sur l’Eglise dans le Monde, il y a bientôt 60 ans, La question de Dieu ne peut faire sens que si elle se situe dans le prolongement de la question de l’homme. Elle se situe dans son développement. Dieu devient ce qui est au cœur de la consistance humaine.
C’est bien à partir de cette humanité singulière qui est celle de Jésus de Nazareth que s’esquisse le visage de Dieu. C’est vrai à tel point que Jésus déclare en saint Jean 14, 9 : « Qui m’a vu a vu le Père. »
Dans un article récent, le théologien Alain Durand, dominicain, analyse ainsi cette situation.
« Ce Dieu, ce Dieu des religions, ce Dieu haut placé, ce Dieu puissant, ne serait-ce pas lui qui vient de déserter notre univers ? N’est-ce pas lui le Dieu qui n’intéresse plus grand monde en dépit des réclamations religieuses d’un nombre de plus en plus réduit de personnes ? N’est-ce pas, finalement, le Dieu de la religion, ce Dieu tout-puissant, glorieux et condescendant, qui a cessé d’être crédible pour la majorité de nos contemporains ?
Prenons au départ le fait de plus en plus évident que ce qui intéresse les hommes de bonne volonté, c’est de pouvoir mener une vie proprement humaine, sans tambour ni trompette, une vie avec ses joies simples et ses petits bonheurs du quotidien, une vie où l’on puisse vivre dans la dignité, où nous puissions participer au festin de la vie en savourant les douceurs de la terre, la beauté des choses et la chaleur des relations, une vie où chacun a le souci de construire la fraternité humaine. Tout cela ne peut-il pas remplir nos vies ? Pourquoi relativiser notre mode de vie, à partir d’un point de vue qui serait celui d’un Dieu extérieur proposant quelque chose de beaucoup plus grandiose ? »
Pourtant, si nous regardons la vie de nos contemporains, autour de nous, ici en Charente, et plus particulièrement sur l’agglomération du Grand Angoulême, en cette fin d’année 2020, entre confinement partiel et déconfinement relatif, il y a bien de quoi s’interroger et parfois de s’indigner.
Que dit ce Dieu de l’Evangile, dans nos quartiers où la délinquance est toujours à l’œuvre ? Trafic de drogue, rodéos, tapage musical, pierres ou objets lancés, agressions, incendies de poubelles ou de voitures font trop souvent le quotidien de ces quartiers. Cela dans un contexte de grande pauvreté : en 2016, 50 % des populations de Basseau, la Grand Fond, Ma Campagne vivaient sous le seuil de pauvreté. Peux-ton laisser les habitants des quartiers du grand Angoulême dans ces situations où l’aide, la présence, l’éducation sont pourtant si nécessaire ? Attitudes d’écoute, de concertation, pour trouver des solutions avec ceux qui vivent dans ces quartiers.
L’avenir de notre agglomération passe par sa jeunesse. Faut-il rappeler, qu’en 2016, 21% des jeunes à Angoulême avaient ni emploi ni formation, soit 1400 jeunes désoeuvrés ! Après l’année que nous avons traversée, combien de jeunes supplémentaires ont décrochés ?
Là, pour ces jeunes, ces hommes, ces femmes, Noël ne dira peut-être pas grand-chose. Pourtant leur histoire ressemble beaucoup à ce couple déplacé, qui fait naître leur enfant dans un rebut (sur la paille avec des animaux ! quelle hygiène !) alors que la vie commune de la cité ne leur laisse aucune place. Conditions difficiles, extrêmes même. C’est là pourtant que Dieu se dit, selon notre foi !
Est-ce que tout cela mérite de le carillonner ? De le chanter ? de le réveillonner ? Selon Luc qui écrit ce récit, seuls des anges, des messagers de Dieu, osent aller jusque là ! Comme pour nous rappeler qu’une autre réalité est possible et que nous ne sommes jamais prisonnier de nos chemins, même s’ils ressemblent parfois à des impasses !
P. Laurent Maurin, doyen Grand Angoulême
Les chiffres donnés sont de l’INSEE. Les référence à la situation d’Angoulême, d’un article de la revue « Angoulême Mag » novembre-décembre 2020.
2 réponses sur « Père Laurent Maurin : “NOEL, quand on peut se passer de Dieu…” »
Merci Laurent de cet écrit enfin une parole, un regard qui sont attentifs à autre chose que de demander la réouverture des lieux de cultes !enfin une parole ,un regard qui est dans la dynamique de Vatican 2 .
Oui regardons notre société et notre monde au lieu de centrer tout sur le culte .Merci encore .
Un vrai cadeau de Noël cet écrit. Il nous sort de nos enfermements diocésains, paroissiaux ….
Tout y est dit.
Alors, comment allons-nous regarder les personnages de la crèche cette année ? y verrons-nous tous ceux qui n’y sont pas ???
Merci Laurent de ce cadeau qui est comme une petite lumière dans la nuit de l’hiver.