La vie d’apôtre est une vie exposée, une vie risquée.
Pour Saul, il y a le réconfort d’être reconnu dans sa vocation particulière par ceux qui ont été témoins et compagnons de route du Christ. Il peut dès lors aller et venir avec eux et s’exprimer avec assurance au nom de Jésus sur les lieux mêmes de sa passion et de sa résurrection, tout ce qu’il a combattu avec zèle au nom de sa foi juive ardente. Et en même temps, il y a la menace de la mort, la vie risquée du disciple parce qu’il ne sera jamais au-dessus du Maître et que l’annonce de l’Evangile est toujours subversive…
Mais cet homme a été saisi par le Christ, saisi par l’Esprit. Et désormais malheur à lui s’il n’annonçait pas l’Evangile ! Car ce n’est plus lui, c’est le Christ qui vit en lui ! Il appartient à la Vérité qu’est le Christ, et son passé de persécuteur qui pourrait l’accuser n’est plus rien face à l’événement de la rencontre transformante du Ressuscité et à l’avenir qu’il ouvre devant lui ! “Je vis dans la foi au Christ qui m’a aimé et s’est livré pour moi”. Oui, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses : il sait le pire mais surtout le meilleur qui peut en sortir. Et il vient le susciter, le re-susciter par son pardon et sa miséricorde. Il vient raffermir notre foi dans le nom de son Fils et nourrir le désir de nous aimer les uns les autres pour que nous connaissions la joie profonde de pouvoir DEMEURER en Lui en ayant part à son Esprit.
C’est ce projet de communion d’amour et de vie que Jésus révèle dans la parabole de la vigne. Une vie féconde c’est une vie greffée sur le Christ comme les sarments sur la vigne. Une vie féconde c’est une vie travaillée par le Père qui purifie en taillant, parce qu’il veut pour nous le meilleur et pas seulement le bon. Pas seulement du fruit, mais beaucoup de fruit. Le Père trouve sa gloire dans la réussite de sa création, il se réjouit de nous voir porter les fruits de sainteté dans laquelle il nous voit et nous veut.
Aurons-nous autant d’ambition sur nous-mêmes que Dieu n’en a pour chacune de ses créatures ?…
Pour élever notre désir à une telle hauteur, il n’y a qu’un chemin : nous attacher toujours et davantage à la personne de Jésus, sans craindre d’être émondés par sa Parole. L’émondage c’est ce qui permet à la sève de mieux circuler dans les sarments. Certes, l’émondage est douloureux, mais il est pour un plus de vie. Il est donc la condition pour porter un fruit qui soit à la fois produit par le Christ et par le disciple.
La tentation serait soit de se décharger sur la seule force du Christ en pensant qu’il peut nous transformer sans notre consentement… soit de vouloir produire par nous-mêmes les fruits de charité désirés par le Père… Vous savez bien qu’alors la fatigue, le découragement, la désillusion ont vite fait de nous stériliser !
Les deux désirs doivent donc se féconder : ne faire qu’un avec le Christ, habités tout entiers de sa vie, désirant ce qu’il désire… et consentir à ce que le Christ veuille par nous se rendre présent aux hommes de ce monde et de ce temps. Tel est le sens de l’existence du disciple : permettre au Christ, en qui il demeure, de se faire tout à tous.
Que ce soit dans le secret d’un Carmel, sur le front de la vie paroissiale, familiale ou professionnelle, dans l’enfouissement de la prière et de la contemplation, comme dans l’action la plus concrète et mesurable, le secret de notre fécondité est ici :
“Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car en dehors de moi vous ne pouvez rien faire”.
Seigneur, donne-nous le goût de demeurer en toi qui viens maintenant demeurer en nous. Que ce corps à corps de l’Eucharistie puisse porter tous les fruits qui rendent gloire à Dieu le Père. Amen.
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