LeCtures du jour
Homélie du Père Denis
« TON PÈRE QUI VOIT DANS LE SECRET TE LE RENDRA »
Nous venons d’entendre cette Parole : « ce que vous faites, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer comme les hypocrites qui se donnent en spectacle. »
Le sens du terme : « hypocrites qui se donnent en spectacle » n’a pas le même sens aujourd’hui qu’au temps de Jésus.
Pour nous, l’hypocrite est quelqu’un qui a une attitude simulée, volontairement trompeuse, alors que du temps de Jésus, cela signifiait : qui se donne en spectacle, (pas forcément pour accomplir des choses trompeuses), mais du spectacle, pour se faire voir, pour qu’on remarque que la personne fait quelque chose de très bien.
Donc ce n’est pas d’abord la fausseté qui est mise là en lumière mais un certain vedettariat recherché, vedette de la charité, vedette de la prière, vedette du jeûne. On est très, très bien. Comment sortir de cette attitude, sans être volontariste ?
Bien sûr, tout être humain a envie de vivre, d’être vu, d’exister aux yeux des autres, mais la question là, c’est le détournement de l’objectif.
L’objectif de la prière, c’est une relation privilégiée avec Dieu, et non pas que le soit le centre de l’attention.
L’objectif du jeûne est de s’alléger pour être plus présent à Dieu, aux autres et à soi-même, tout en partageant. Autrement, il peut y avoir des dérives.
Qu’est-ce qui peut nous libérer de ce dérapage, très profond en nous ? Le fait de chercher l’attention, le regard est très humain et très légitime, mais, peut-être, avons-nous, aussi, besoin de guérison, de guérison du cœur….
Il me semble que dans l’Evangile la solution est donnée : « Descends dans ta chambre la plus secrète », c’est-à-dire dans le fond de ton cœur. Descends au plus profond de ton cœur, là où le Père est présent et laisse-toi aimer de Lui, laisse-toi regarder par Lui.
Un chant le dit : « Laisse-toi regarder par le Christ… », oui, laisse-toi regarder par le Père, laisse-toi aimer aussi dans l’Esprit.
Donc descendre dans ce lieu où nous sommes reconnus par le Père, où nous sommes attendus par le Père. Dans le livre de l’Apocalypse, il est dit « Je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un ouvre la porte, j’entrerai ». Le Père est là au plus profond de notre cœur. Il n’arrête pas de frapper à la porte alors que nous sommes ailleurs, à attendre que la « galerie » nous regarde. On passe à côté.
Alors, peut-être, ce temps de carême, c’est un temps vraiment magnifique de grâce si nous essayons, tous et chacun, de descendre dans cette cellule la plus profonde, (qui est aussi la chambre haute), là où le Père est présent, pour nous laisser aimer, guérir, regarder, toucher toutes les zones en nous-mêmes qui sont encore peut-être un peu infantiles ou qui, peut-être, ont besoin d’être reconnues parce que liées à des blessures anciennes.
Laissez-venir au plus profond de vous-mêmes, ce regard du Père qui nous guérit et qui nous sauve. Le contact avec Dieu permet que notre regard se guérisse, peu à peu… au point de constater que l’on cesse d’attendre des autres que, finalement, ils nous fassent exister. Nous existerons alors, dans l’Amour du Père pour devenir en définitive plus libres. En effet, toujours attendre que les autres nous regardent, nous emprisonne et fait que nous ne nous sentons pas bien…
Devenir plus libre, plus paisible, plus nous-même, change notre regard d’orientation. Nous regarderons les autres sans forcément attendre qu’ils nous considèrent. Voyez un peu le basculement, c’est-à-dire que l’on va pouvoir, à ce moment-là, se mettre en relation avec le monde, sans être dans une attente, je dirais tremblante, pour qu’on s’occupe de nous.
Mais au contraire, toute notre sécurité, (c’est ce que dit Eloi Leclerc), est résumée dans ce mot « votre Père » et c’est cela qui va nous permettre de devenir libres pour aimer. La certitude que nous avons tout ce qu’il nous faut dans la relation en profondeur avec Dieu nous permet de regarder le monde autrement, comme un motif de contemplation et de louange.
Je suis sûr que chaque jour quand vous ouvrez votre radio, votre télévision, ou regarder votre smartphone, vous êtes dans la louange ? Effectivement, c’est difficile quand on est bombardé sans arrêt d’informations tellement lourdes qu’on en perd la joie, qu’on en perd la louange, qu’on en perd même la capacité de se tourner vers le monde d’une manière je dirais dégagée pour pouvoir voir ce qu’il y a de beau.
Ce n’est pas parce qu’il y a des problèmes qu’il n’y rien de beau et de bon, parce que si on ne voit que ce qui est « moche » et bien on ne fait plus rien, désarmés.
C’est ce que disent les climatologues, les gens qui alertent sur le réchauffement climatique. Si on a l’impression que « les carottes sont cuites », que, de toutes façons, on est déjà largement au-dessus des températures, qu’il n’y a plus rien à faire. Qu’est-ce qu’on fait ? Rien.
Si on pense que la guerre va forcément être le bout de tout, qu’est-ce qu’on fait ? Rien.
Si on pense qu’il n’y a plus moyen de vivre entre communautés différentes, (musulmans, chrétiens, juifs), qu’est- ce qu’on fait si on pense qu’on ne peut plus vivre ensemble ? Chacun reste chez soi, on ne fait plus rien.
Alors que le Seigneur nous invite à voir tous les germes d’espérances, toutes les possibilités de se dépasser, pour construire.
L’équipe qui a préparé ce carême vous propose de repérer une chose qui donne de l’Espérance, au moins une par semaine. Vous avez reçu un papier, et dimanche prochain vous pouvez ramener ce papier. Chacun, chacune essaie de repérer au moins une chose qui nous fait espérer. Cela peut-être dans notre famille, dans notre quartier, dans notre pays, dans le monde : quelque chose qui m’émerveille, qui me fait dire : « oui, l’humanité a du prix ! ».
Je vous invite à regarder ce qui se vit là, regarder cette solidarité, regarder ce geste de paix, regarder ces pardons qui se donnent, regarder autour de nous. Cela peut-être en faisant vos courses, en sortant de chez vous, vous voyez tout d’un coup un geste gratuit et vous le notez.
La conversion c’est cela, la conversion du regard.
Première étape : se décentrer. Accepter de ne plus être centré sur nous-mêmes et de tout attendre des autres en pensant : « s’il ne me regarde pas, je n’existe pas ».
Deuxième chose, nous centrer sur Celui qui nous donne notre véritable existence, c’est-à-dire ce Père qui nous donne cette vraie Paix profonde. C’est extraordinaire, cette Paix, une Paix en toutes circonstances, que l’on peut trouver au plus profond de soi-même, c’est le centre même de notre vie.
Et puis, étant un peu plus libérés de nous-mêmes, nous tourner vers tous ceux qui nous entourent et vers ce monde pour essayer de repérer les germes de Vie, les germes de l’Esprit, les germes qui nous font repérer tout ce qui fait grandir. Béatrice disait : « il y avait un arbre qui était fleuri dans ma rue, un seul sur cinq, l’après-midi je sors, ils étaient tous fleuris ».
Vous voyez il y a tout d’un coup quelque chose qui peut éclore. Est-ce que nous sommes prêts à le regarder ? Ce n’est peut-être pas si facile de trouver chaque semaine, au moins, un motif de rendre grâce.
Je vous assure que quand on commence à le faire, les motifs se multiplient. Nous allons récolter une moisson partagée et offerte, ensemble, au Seigneur.
Que le Seigneur nous donne de vivre ce chemin de pacification, de libération et d’action de grâce. Il me semble que cela peut faire un très bon Carême
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