Christ roi de l’univers
Pour lire l’Évangile de ce jour : Matthieu 25, 31-46
L’ultime décision
Ce récit du jugement dernier, à la fin de l’enseignement de Jésus, vient au terme du parcours initiatique vécu avec Jésus, comme pour répondre aux Béatitudes qui l’a ouvert, dans ce même évangile selon Matthieu. Le jugement dernier, ultime donc, peut aussi être compris comme la décision décisive, ultime.
Dans cet enseignement, Jésus, selon Matthieu, reprend avec beaucoup de finesse l’attente messianique du jugement dernier avec la venue du Fils de l’homme. Mais ce jugement dernier, subrepticement il le détourne de sa signification première, ou plus exactement il lui donne une autre dimension. Le jugement dernier est rapatrié dans le quotidien. En effet, à la scène du Dieu-roi de l’univers qui trône et juge sur son siège de gloire, Jésus substitue tranquillement celle du pauvre, du malade, du prisonnier, du démuni qui éclaire ma conscience et qui me fait agir chaque jour. En effet, avec ce nouveau paramètre, la scène, esthétiquement si parlante, de la séparation des justes et des injustes, des bons et des méchants, perd de sa pertinence. A la décision divine finale, entière et définitive du jugement divin se substitue la décision personnelle du « à chaque fois que ». La ligne de démarcation ne passe donc plus entre nous, entre ceux qui sont jugés dignes et les autres, mais à l’intérieur de chacun de nous. A chaque acte, parole, attitude que nous posons. Chaque acte nous juge par rapport à nos frères : « à chaque fois que » nous le faisons à l’un de ces petits, c’est à Jésus que nous le faisons. Et nous sommes forcément, dans nos vies, tour à tour l’un et l’autre, forcément parfois juste, parfois injuste. Dieu ne fonde donc plus une distinction, une division entre les différents membres de l’humanité, il est davantage cette instance secrète qui éclaire chaque conscience dans les gestes du quotidien.
Certes, il est fort à penser que Matthieu a aussi en tête ici, ceux de ces disciples qui n’ont pas été fidèles au commandement d’amour de Jésus, et qui n’ont pas veillé fidèlement à sa parole. Il sait aussi que cet évangile va faire le tri, entre ceux qui y retrouveront le fils de l’homme annoncé par Jésus et les autres, mais il sait aussi qu’il a introduit un autre critère de jugement qui ne peut passer uniquement entre les bons et les mauvais disciples. Il dit, et c’est le plus important de tout, qu’à chaque fois que je vis cette proximité avec « le plus petit de mes frères », ou en étant le « plus petit des frères » on se tourne vers moi, je vis ces instants de vie éternelle avec Dieu. Chaque décision, chaque geste, chaque parole, me renvoie au jugement dernier. Chaque jugement posé personnellement participe déjà jugement de Dieu.
Bien sûr cela nous rapatrie dans la réalité et les décisions de notre monde et ne nous procure plus l’évasion, à la fois facile et inquiète, d’une résolution de tous les problèmes dans une comparution eschatologique de nos petites personnes. Cette comparution eschatologique commence ici et maintenant. C’est le grand apport de la nouvelle alliance que Dieu fait avec son peuple en Jésus-Christ, en Dieu fait homme, parce que Dieu s’est fait homme. Et on n’a pas fini d’en mesurer toutes les conséquences immenses, libérantes et exigeantes à la fois.
J’ose ici un prolongement avec notre actualité. Beaucoup de Français ont suivi ces dernières semaines l’élection présidentielle des États-Unis d’Amérique. Pour beaucoup, dans cette période de crise sanitaire et de crise économique, les signes d’espérances, qui nous manquent terriblement. Deux candidats s’y affrontaient. L’un se revendique d’un christianisme évangélique tel qu’il s’est développé depuis 60 ans en Amérique, l’autre du catholicisme. Le premier insiste sur l’initiative personnelle, la responsabilité de chacun, et mise tout sur la conversion personnelle, le second sur la responsabilité collective et l’importance des régulations sociales (respect des lois, des minorités, des aides aux plus fragiles, de la culture et de la science…). Le succès du second, de son empathie, a fait du bien à beaucoup dans notre pays où la tradition catholique même diluée reste présente. Cependant ici, beaucoup de nos contemporains, chrétiens anonymes, se retrouvent dans cette identification au plus fragile qui a été mise en valeur par le nouveau président.
Comme nous venons de le faire, comme ce chapitre 25 de l’évangile de Matthieu et le Concile Vatican II dans sa constitution de l’Église dans ce monde nous y invitent, et comme le fait le pape François dans le premier chapitre de sa dernière encyclique, Fratelli tutti, comme chrétien, nous sommes constamment invités à lire les signes des temps. Les signes des temps, ce sont ces faits et phénomènes observables par tous, croyants ou non croyants, que nous avons ensuite la liberté d’analyser au regard de l’évangile. Nous avons pour cela un outil remarquable qui est notre radio diocésaine, RCF 16, depuis 1991. N’oublions pas, cette semaine c’est son Radio-Don pour soutenir son engagement à nos côtés.
Une réponse sur « Homélie du Père Laurent Maurin du dimanche 22 novembre 2020 »
Est-ce bien sur que l’empathie débouche toujours sur des actes ?
Soyons vigilants à ne pas se laisser berner par des paroles…On reconnaît un arbre à ses fruits…