Dimanche du Secours Catholique
Pour lire l’Évangile de ce jour : Matthieu 25, 14-24
Voici ce dimanche, dans l’évangile, une nouvelle histoire qui parle encore d’une venue décisive : la parabole des talents. Trop souvent, on passe directement à l’interprétation de cette parabole, jouant sur le sens en français contemporain du mot talent : des qualités humaines à faire fructifier. On oublie souvent de repartir du sens premier : les talents sont des pièces de monnaie, c’est-à-dire : la condition matérielle de nos vies… et on passe peut être à côté du message principal de ce récit… Sans oublier que cette histoire, dans ce contexte de retour du Fils de l’homme, prépare au récit du jugement dernier dans le récit selon Matthieu !
Il y a donc un homme qui part et qui laisse ses serviteurs responsables de ses biens en son absence. On sait qu’il laisse beaucoup à l’un, moyennement au deuxième, peu au troisième. Les deux premiers, en l’absence du maitre, ont rassemblé davantage : lorsque le maître vient, ils font la joie du maitre : il y a davantage de biens rassemblés.
Le troisième serviteur, lui, a enfoui le bien que le maitre avait donné. Peut-on y voir, cette part des disciples de Jésus qui sont retournés dans leur religion native, celles des pharisiens ? Ils ont enfoui le talent donné par Jésus, ils n’ont pas rassemblé davantage, le bien n’a pas progressé parce qu’ils n’ont pas fait de bien autour d’eux. Ils ont fait peur. Avec eux, les conditions de vie matérielles n’ont pas progressées. Avec ce « mauvais serviteur », il n’y a plus rien ni personne à rassembler pour un maître qui veut « l’abondance » ! Les réjouissances se feront donc sans lui.
Pour résumer cette parabole, on pourrait dire : accueillir Jésus, c’est faire fructifier les biens de cette terre pour la joie de tous.
Au-delà même de ce contexte des conditions de rédaction du livre de Matthieu, très prégnant sur ce récit, on voit que Jésus part des inégalités matérielles. Selon le lieu et le temps où l’on nait, nos conditions matérielles de départ dans la vie ne sont pas les mêmes. C’est une donnée qui s’impose à nous. Le nombre de talents au départ, c’est-à-dire les conditions de vie, varient. La question est : qu’est-ce qu’on en fait ? Non pas : qu’est-ce que Dieu en fait ? Mais, nous, qu’en faisons-nous ? en fonction de nos décisions. Nous n’avons pas à attendre que Dieu agisse à notre place. Nous n’avons pas à demander, à supplier, à attendre que le ciel nous envoie tel ou tel bienfait. Nous avons à prendre en main notre vie. Dieu ne fait pas à notre place, mais il se réjouira avec nous d’avoir rassemblé là où étaient la dispersion et la peur.
Cela nous renvoie à notre Dimanche du Secours Catholique.
Plus de 10 millions de Français sont sous le seuil de pauvreté en 2020 (1063 € par mois). Les associations caritatives ont souligné qu’un million de nouveaux pauvres venait augmenter cette population fragilisée cet automne, et que les prévisions pour les mois à venir n’étaient guère encourageantes. Les acteurs de l’aide sociale ont précisé au Premier Ministre, que ce million de nouveaux pauvres n’était que la fourchette basse de leur estimation, tant la crise sanitaire a fait des ravages. Des personnes, jusqu’ici épargnées, ont basculé dans la pauvreté, qu’il s’agisse d’intérimaires, d’autoentrepreneurs, d’étudiants, de seniors… Nous voyons ces jours-ci des entreprises licencier, ou réduire les salaires, parallèlement beaucoup de valeurs boursières se portent très bien. Malheureusement c’est également aussi ce qui se passe au Diocèse d’Angoulême : baisse des traitements des prêtres (qui redescendent à 860 € par mois) et de laïcs salariés… Plus grave encore, de plus en plus de personnes sont sous le seuil de grande pauvreté, c’est-à-dire à moins de 750 Euros par mois pour vivre. Parfois on a l’impression que la crise sanitaire n’est qu’un prétexte. Dans tous ces cas, la valeur travail est la grande perdante de cette crise.
Voilà donc pourquoi, cette semaine, le plaidoyer du Secours Catholique demande aux pouvoirs publics de relever les minima sociaux pour éradiquer cette très grande pauvreté. Que la générosité qui doit être la nôtre en ce dimanche du Secours Catholique ne cache pas nos décisions et nos responsabilités pour un changement de cap, pour une société ayant à cœur de faire croître les richesses dans le respect de tous et de la Création pour entrer ensemble dans la joie de Dieu.
P. Laurent Maurin