Homélie de Marie Anne Vitry
Nous sommes réunis dans la perspective de nos assemblées paroissiales, pour nous demander comment avancer ensemble en Église, dans nos paroisses. Avant de commencer, je vous propose d’aller faire un tour dans la synagogue de Carphanaüm, à l’école de Jésus, pour observer comment il s’y prend pour annoncer l’Évangile. D’habitude dans une synagogue, ce sont les scribes qui enseignent, ils sont les interprètes institutionnellement autorisés de la Loi en référence à la tradition des anciens. Mais là c’est tout autre chose : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » La parole de Jésus se fait parole en acte, puissance qui vient concrétiser la bonne nouvelle du Royaume sous nos yeux : un seul ordre suffit à libérer un homme d’un esprit impur, et à provoquer la stupeur de tous. Sa parole se réalise aussitôt, à la manière du prophète, c’est une parole qui agit, performative, comme disent les linguistes, elle devient un acte immédiatement sous les yeux des foules. En effet, nous voyons que la parole de Dieu, bonne nouvelle du royaume, s’incarne pour libérer un homme et provoquer l’étonnement de tous.
Qui est-il ? Qu’on ne s’y trompe pas, dans la Bible, celui dont la parole se réalise aussitôt c’est le prophète, c’est l’homme de Dieu, qui parle au nom de Dieu ; et les foules le pressentent bien : cet homme, Jésus, ne tient pas son autorité de lui-même ; il agit au nom de Dieu, dans la puissance de l’Esprit de Dieu qu’il a reçu au jour de son baptême. C’est la parole de Dieu lui-même qui vient à travers la libération de cet homme, rendre concrète la bonne nouvelle du royaume : quelque chose de neuf advient dans le présent et change tout ! « Voilà un enseignement nouveau donné avec autorité ».
Et nous, communauté chrétienne de Charente, paroisses de St Jean-Baptiste la Grande Garenne et de Ma Campagne Puymoyen, comment la parole de Dieu vient-elle se faire entendre et résonner dans notre présent ? Comment annonçons-nous cette bonne nouvelle ? Se poser la question ensemble, c’est accepter de se mettre à l’écoute de ce que l’Esprit de Dieu nous dit à travers chacun et chacune, car chaque baptisé participe de cette mission prophétique du Christ. Certes l’autorité de Jésus est étonnante, mais elle ne vient pas de lui-même ; il l’a reçue du Père, dans l’Esprit, pour envoyer d’autres l’annoncer en son nom : à notre tour par notre baptême, nous sommes investis chacun par le Père pour aller annoncer Jésus-Christ, avec l’aide de l’Esprit Saint. Mais pas tout seul ! C’est lorsque nous nous rassemblons en Eglise pour former le corps du Christ que nous pouvons ensemble nous mettre à l’écoute de son Esprit, et discerner ensemble ce que nous avons à dire et à faire pour notre paroisse, aujourd’hui.
Telle est la vocation première des assemblées paroissiales ; ce ne sont pas de pâles imitations de nos modèles démocratiques un peu fatigués ; dès les premiers temps de l’Église les chrétiens ont pris l’habitude, chaque fois qu’il fallait prendre des décisions importantes pour l’annonce de l’Évangile, de se rassembler tous ensemble dans la prière pour se mettre à l’écoute de l’Esprit de Dieu. La tradition synodale de l’Église remonte aux Actes des apôtres et l’Église, comme le dit notre pape François n’est rien d’autre que ce « marcher ensemble », traduction du mot grec « sun-odos » qui signifie franchir un seuil, ensemble. Il s’agit donc pas d’assemblées qui visent à régler nos affaires courantes, les problèmes internes ; mais il s’agit de chercher ensemble comment annoncer l’Évangile, ici dans notre paroisse et maintenant pour notre présent. C’est donc une affaire qui nous plonge, nous Église locale, dans la synodalité de toute l’Église, ce que le pape François appelle « la nécessité et la beauté de cheminer ensemble ». Il paraît, toujours d’après pape François, que Dieu nous attend sur ce chemin de la synodalité au troisième millénaire.
Vivre une assemblée synodale c’est donc d’abord entrer dans le mystère de l’Église, car l’Église c’est ce « peuple appelé par Dieu » ; la convocation ne vient pas du curé ni des membres de l’EAP ; c’est Dieu qui nous convoque pour discerner au présent pour vivre pleinement notre vocation de baptisé : célébrer, annoncer, servir ; être prêtre, prophète et roi. Car nous, petite communauté paroissiale de St JB ou de St Paul ma campagne Puymoyen nous ne sommes pas qu’une partie du diocèse de Charente ; nous sommes une portion de l’Église de Dieu. Cela signifie que l’Église de Dieu se réalise en nous totalement avec tous les ingrédients, comme elle se réalise en chaque Église locale. L’Esprit saint souffle et agit aussi chez nous, pas moins qu’à Rome ou ailleurs.
Nous tous, peuple de Dieu, nous avons reçu par notre baptême et notre confirmation l’onction sainte qui nous fait renaître et vivre de la vie nouvelle avec le Christ. Comme dans le récit évangélique que nous avons entendu aujourd’hui, nous sommes invités à devenir témoins que Jésus est présent dans nos vies, que la bonne nouvelle du Royaume produit son effet, est agissante dans nos vies : en nous mettant les uns les autres sous la conduite de son Esprit saint – qui habite le coeur de chaque baptisé comme dans un temple – nous sommes appelés en assemblée de croyants à chercher comment vivre de cette parole, comment annoncer le Christ vivant aujourd’hui. Cela n’est sûrement pas si facile de se mettre à l’écoute les uns des autres[1] ; ce n’est pas facile d’oser avancer sans regarder en arrière, oser la nouveauté avec l’Esprit qui fait toutes choses nouvelles ; ne pas ressasser les vieilles méthodes comme les scribes, ce qu’on a fait, vécu ou écrit il y a 5 ou 10 ans ; mais oser en parole et en acte. Et nous nous arriverons pas seuls de nos propres forces.
Prions pour que nos assemblées puissent nous convertir les uns aux autres et les uns avec les autres à l’unique autorité du Christ qui nous rassemble dans l’unité et le rassemblement de nos diversités. « Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit » Paul aux Galates, 5, 25.
[1]« Une Église synodale est une Église de l’écoute, avec la conscience qu’écouter « est plus qu’entendre ». C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. (…) tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’« Esprit de Vérité » (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il dit aux Églises (Ap 2, 7). » Pape François – Discours du 17 octobre 2015 pour l’anniversaire du synode des évêques
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