L’église de la paroisse saint Jean Baptiste d’Angoulême est consacrée à saint Pierre Aumaître : Prêtre et martyr en Corée
Pierre Aumaître 8 avril 1837 – 30 mars 1866
Le saint patron de notre église est entré dans l’histoire en mourant martyre en Corée au 19ème siècle.
En effet c’est à Aizecq, petit village du nord Charente , près de Ruffec que naquit Pierre le 08/04/1837. Son père cultivateur est aussi sabotier, marchand de bestiaux et sait lire ; ce qui est remarquable pour l’époque. Sa mère Catherine est décrite comme une sainte femme qui a des intuitions éclairées : ne s’écrira-t-elle pas au moment ou son fils part pour les missions étrangères : « je devais m’y attendre, je le savais avant que tu fusses né. » ?
Très jeune Pierre ouvrit son cœur à l’abbé Bones, qui prudent choisit de le faire attendre. Pierre alors décide d’apprendre le latin. Ce ne sera pas chose facile pour ce fils d’agriculteur, a la mémoire rebelle. Il commença à Aizecq avec le prêtre puis avec un maître laïc à Verteuil. Il s’y rendra à pied durant des mois, 12 km aller retour ; se levant à 4h du matin et se couchant fort tard. Il fut alors décidé que l’enfant irait au séminaire de Richemont.
Arrivé à 15 ans à Richemont, parmi les 250 élèves de toute classe sociale confondue, le jeune Pierre Aumaître ne passe pas inaperçu avec : ses sabots et son accent. Il travaille dur et semble arriver à bout de tout (y compris de son bégaiement et un premier prix en version latine). Il prend la soutane à 18 ans et ce jeune séminariste se rend à Angoulême où il rentre au grand séminaire à 21 ans.
L’idée de missionnaire, en dehors des limites étroites d’un diocèse taraude son cœur. Comment est née cette vocation ??? Sans doute faudrait-il chercher au plus profond d’un désir de dépassement de soi-même, un souci de liberté, le goût d’une vie plus désentravée des contingences d’un monde dont il savait la vanité et une vie plus donnée aux pauvres.
Aux missions étrangères son seul souci est sa famille à laquelle il écrit de longues lettres où il s’efforce de convaincre son père qu’il fait la volonté de Dieu. Et lorsque la décision arrive il écrit :
« je ne vais pas en Chine, comme vous le craigniez, mes chers parents, je ne vais pas non plus en Cochinchine, ni au Tonkin. Aussi que ce nom de Chine ne vous effraie plus. Le pays dans lequel le Bon Dieu veut que je fasse aimer et bénir son nom, se nomme la Corée. »
Pierre Aumaître est ordonné prêtre le 14 juin 1862 à 25 ans et s’embarqua avec ses compagnons de route le 20 septembre. Un périple de 5 mois en mer qui l’emmène jusqu’à Hong-Kong
De là il va gagner Shanghai, puis ses guides choisissant d’aller voir leur famille lui font faire un détour par la Mandchourie, sans parler des tempêtes et autres escales. Ce n’est que le 18 juin 1863 qu’enfin Pierre Aumaître arrive à Séoul. Là il prend une robe Coréenne toute blanche, vêtement de deuil.
La Corée est à cette époque ce royaume où l’on ne rentre pas comme on veut. Pour garder son indépendance, ce pays a appris à se barricader et se protéger : l’étranger y est mal venu, un être malfaisant. Les superstitions y tenaient lieu de religion. C’est un pays de montagnes où les dragons et les démons sont partout .
La Corée est aussi le seul pays où la foi chrétienne n’est pas venue par les missionnaires : en effet en 1777, un groupe de lettrés découvrent, un jour, à Pékin des livres traitant de la religion chrétienne. Ils se réunissent en une sorte de petit club, il s’extasient sur cette doctrine et décident d’y conformer leur vie. L’année suivante un des sages décide d’en savoir plus, profite d’un voyage à l’ambassade de Pékin, visite les églises et se fait baptiser. De retour au pays la communauté s’agrandit mais connaît rapidement la persécution. C’est donc une église de Corée désolée, démantelée, voire découragée qui attend notre jeune Pierre Aumaitre.
Séoul, la ville dite des délices est comme Paris en son temps un vrai cloaque ou l’on s’enlise dans la boue et les détritus. Pierre à son arrivée est véhiculé jusqu’à la cahute épiscopale. Mgr Berneux garda Pierre un mois afin de le façonner à la vie coréenne : dans une pièce unique qui servait de chapelle , dortoir, réfectoire levé à 2h du matin, la journée était partagée entre la prière et l’administration des sacrements aux fidèles qui défilaient silencieusement.
Le genre coréen c’est aussi l’inconfort, une nourriture nouvelle et si insipide, sans sel sans pain. Le genre coréen c’est encore le costume de deuil, le plus parfait camouflage avec un chapeau de paille immense qui vous tombait de l’estomac et l’éventail que l’homme en deuil portait devant son visage. Privilège inouï pour nos missionnaires : on ne devait pas parler à un homme en deuil pour respecter sa douleur.
Père « O » c’est désormais ainsi qu’il s’appelle a travaillé dur comme autrefois pour apprendre le latin et peu enfin visiter les villages. Il était aimé des chrétiens rencontrés pour sa douceur et sa piété.
Mais le mercredi des cendres 1866 le vent tourne. Alors que certains pas vers plus de libéralisme avaient été faits, une révolution de palais fait dégringoler tous les espoirs de l’évêque, et décrète la mort pour tous les occidentaux.
Mgr Berneux trahi et arrêté, Pierre Aumaître se rend chez Mgr Daveluy. L’évêque lui donne la consigne de se livrer si nécessaire afin de protéger la vie de la communauté. Après l’arrestation de Mgr Daveluy, Pierre Aumaître se livra.
Le départ des captifs eut lieu le 14 mars vers Séoul. On leur mit une petite cangue autour du coup : c’était légal. Comme était légal le grand cordon rouge des criminels jeté sur leurs épaules. Ce cordon avait environ 4 mètres et était enfilé de boules et d’anneaux de cuivre ; il se terminait par un ornement en forme de dragon. . Ils restèrent enfermés et torturés en prison durant plusieurs jours. Avant l’exécution, le mandarin ordonna aux prêtres de saluer en se prosternant jusqu’à terre selon l’usage coréen. Mgr Daveluy refusa et le mandarin fit jeter tout le monde à terre.
C’est sur la plage de Kal-Mae-Mothe que le vendredi 30 mars 1866 Pierre Aumaître et ses compagnons furent décapités.