L’inclusion, porte d’entrée de la gouvernance partagée

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Publié le 10 juillet 2023

L’inclusion, porte d’entrée de la gouvernance partagée

Échos du Conseil diocésain de la solidarité qui s’est réuni le 24 mai 2023

Aujourd’hui, dans beaucoup d’institutions et d’associations, on cherche à repenser les relations entre accueillants et accueillis, ainsi que des modes de gouvernement qui favorisent l’implication du plus grand nombre et la prise en compte de la parole des plus fragiles. Ces points d’attention trouvent particulièrement échos dans les structures catholiques tant elles semblent enracinées dans l’Évangile. Le conseil diocésain de la solidarité qui s’est réuni à la fin du printemps s’est emparé de ce sujet de réflexion à la lumière de l’expérience des différents acteurs qui le composent.

Introduction par Bruno lemaire*

*Bruno Lemaire est diacre, il accompagne la pastorale des personnes en situation de handicap

Qu’est que l’inclusion ?

C’est la mission principale de l’équipe PPH . Nous avons organisé 2 colloques, un ciné-débat, des messes inclusives pour mettre en œuvre notre mission.

L’inclusion est une notion très dynamique qui dépasse le simple accueil des personnes : par le passage du dehors au-dedans, c’est tout le groupe qui est amené à changer. La Pastorale des Personnes Handicapées (PPH) joue un rôle de lien, d’éveilleur, de veilleur.
L’enjeu est que toute l’Église tende à devenir toujours plus inclusive : sur le plan de l’accessibilité et en toutes ses propositions de célébrations, d’engagements, de services.
Le PPH a à développer le « être avec » et le « vivre avec » (“aider sans aider” nous dit Pascal, en fauteuil). La prise en compte des personnes, de leurs capacités à prendre la parole, à s’exprimer, à devenir témoin, à s’engager de multiples manières dans la communauté Eglise : devenir acteurs et auteurs de projets.
Pour notre Église, l’inclusion est un enjeu d’incarnation. Elle procède du respect du CORPS que nous formons, où chaque membre est à honorer (I Cor 12, 1-31).

Qu’est que la gouvernance partagée ?

La gouvernance partagée repose sur la volonté de privilégier les relations de coopération au sein de l’organisation et le souhait de développer l’autonomie des membres. Dans les organisations qui s’inscrivent sur ce chemin, les principes de participation, de collaboration et de transparence ne viennent pas seulement “améliorer” la gouvernance, ils la structurent.

Tordre le cou aux idées reçues :

  • La gouvernance partagée n’est pas synonyme de gouvernance horizontale : partager le pouvoir peut être compatible avec un certain degré de verticalité, utile pour assurer une certaine efficacité.
  • Moins de hiérarchie ne signifie pas moins d’organisation : il s’agit toujours d’attribuer des responsabilités, et de faire vivre la subsidiarité en distribuant le pouvoir plutôt qu’en le concentrant et en reconnaissant des rôles. La recherche d’une plus grande coopération entraînant une plus grande complexité, il est d’autant plus nécessaire d’expliciter qui fait quoi.
  • Il n’y a pas de recette de la gouvernance partagée

Synthèse de la réflexion du conseil

L’inclusion demande une volonté collective, du savoir-faire institutionnel et du savoir-être de la part de chaque acteur. De fait notre monde a tendance à produire plutôt de l’exclusion, les forces d’exclusions y sont très fortes. L’écoute est l’attitude première qui revient, une fois encore. N’est-ce pas une évidence, puisque notre foi en Dieu pousse nécessairement à l’écoute de notre Maison commune à commencer par les cris des pauvres ? Une écoute faite d’accueil de la personne avec bienveillance, réalisme et patience. Une écoute qui permette de tisser une relation de confiance, capable de générer souplesse et adaptation pour que chacun puisse trouver sa place, apporter sa contribution, tout en veillant à ce que les différents acteurs ne se retrouvent en difficulté ; les bonnes intentions doivent sans cesse s’ajuster au réel. De fait nous savons qu’il y a des échecs. Ainsi Bruno évoque l’expérience d’un foyer accueillant des personnes handicapées : la bonne intention de départ – une gouvernance du foyer remise au maximum entre les mains de ses résidents fragiles – se heurte à la réalité : des personnes facilement manipulables et un foyer devenu à leur insu une « cache » facile pour du trafic de stupéfiants…

Autres paramètres essentiels : dans un monde de l’efficacité, l’inclusion demande de prendre le contre-pied et de se donner du temps pour permettre de s’apprivoiser, se faire confiance, générer une adhésion, entrer dans le processus, laisser mûrir les choses et pouvoir construire collectivement, en s’appuyant sur les complémentarité (chacun peut apporter quelque chose, selon d’où il vient, son histoire, sa situation sociale). Quitte à réadapter le travail prévu – comme le fait Sophie qui reformule le questionnaire de préparation du CdS pour que les femmes de la Maison d’arrêt puissent apporter leur réflexion -. Quitte à se laisser déplacer – Francette évoque ainsi, dans le travail de la fraternité entre deux cultures (France / Burkina) la patience et le dépouillement humble de nos propres réflexes pour permettre qu’une parole advienne -.

Quand nous avons l’habitude de construire des projets sur de grandes idées, l’inclusion demande de s’appuyer plutôt sur l’expérience concrète des personnes, leurs besoins, désirs, attentes… Partir de ce qu’elles en disent et proposer un processus de réflexion qui stimule l’intelligence collective. Béatrice souligne ainsi la qualité des questionnements proposés au groupe convivial par le Secours catholique. Nous notons également que l’inclusion devient concrète quand elle se bâtit autour d’actions ou d’évènements (ex : échanges de courrier avec les prisonniers soutenus par l’ACAT, préparation de « messes inclusives » par la PPH, projets de développement des partenaires du CCFD, répartition des sandwichs invendus confiée par la fraternité trinitaire à un anciens SDF…) Même si l’action entreprise échoue, le mouvement d’inclusion amorcé, lui, produit tout de même du fruit parce qu’on s’est senti partie prenante d’un collectif, porté par des amitiés ou une fraternité, capable d’apporter son concours, digne de porter une responsabilité…

Plus (et mieux) qu’un objectif en soi, la gouvernance partagée – pensée pour que chacun ait sa place ; où les plus pauvres puissent s’impliquer dans les projets, l’organisation, l’animation, selon les talents de chacun – sera un le fruit d’un processus d’inclusion « réussi ». Or, comme tout processus qui s’appuie sur un collectif mouvant, humain, avec des forces et des fragilités fluctuantes, la recherche d’une forme équilibrée et opérationnelle d’une gouvernance partagée n’est pas assurée de réussir. Il faut accepter d’avancer avec beaucoup de modestie, de tâtonnements, d’échecs parfois. Accepter de faire confiance (« jusqu’où ? » interroge Catherine), de prendre le risque d’un résultat autre que celui qu’on attendait… Ces difficultés ne doivent pas nous décourager mais nous invite à prendre du recul par rapport à nos formatages d’efficacité, de réactivité, de productivité « instantanées ». La mise en place d’une gouvernance partagée est une dynamique collective stimulante, participante de plus de justice. Les différentes expérimentations relevées montrent cependant que, comme toute construction a besoin de s’appuyer sur de bonnes fondations, elle doit nécessairement s’appuyer sur une organisation structurée et structurante (« une direction, un chef, une organisation ») ; se bâtir autour de sujets porteurs pour les protagonistes. Son mode de fonctionnement doit sans cesse se réactualiser en fonction des personnes, du contexte etc.

Comment progresser en Église sur ces questions ? Les réflexions actuelles autour de la synodalité, l’implication des laïcs, y compris dans les rencontres des évêques, le travail accompli par le réseau Saint Laurent etc. vont dans le sens de plus d’inclusion et d’une gouvernance plus « participative »… Cela se cherche, il y a aussi des résistances. Cependant nous pensons que l’esprit de Diaconia a « infusé » à bas bruit dans l’Église. A l’occasion des dix ans de cet évènement qui remettait la parole des plus pauvres en lumière, des documents vont certainement être publiés avec peut-être aussi des éléments de relecture à reprendre localement. Nous pourrons nous en saisir.

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