Le Père Michel Boullet est décédé le 11 avril 2024

ActualitésCarnet

Publié le 11 avril 2024

Le Père Michel Boullet est décédé ce 11 avril 2024.

Ses obsèques ont été célébrées le mardi 16 avril, à 15 h, à la cathédrale d’Angoulême. L’inhumation a eu lieu au cimetière de Bassac.

Sa vie dédiée au service de Dieu et de ses frères et sœurs, a marqué de manière indélébile le paysage ecclésial local et national.

Le Père Michel Boullet est né le 11 avril 1932 à Niort. Après des études au Collège Saint-Paul à Angoulême, où il s’est également investi dans le scoutisme, il a poursuivi ses études à Paris, obtenant une licence en Sciences à la Sorbonne. Son engagement dans la chorale étudiante “La Faluche” et ses nombreuses tournées de concerts en Europe et au Brésil ont forgé sa passion pour le partage à travers l’art et la musique.

Sa vocation religieuse s’est affirmée au Séminaire des Carmes de l’Institut Catholique de Paris, où il a étudié la philosophie et la théologie, se préparant ainsi à servir l’Église en tant que diacre et prêtre. Ordonné diacre le 30 juin 1963 à Angoulême et prêtre le 22 mars 1964 à Paris, le Père Boullet a consacré sa vie au service pastoral et à l’éducation religieuse.

Au cours de sa carrière ecclésiastique, le Père Boullet a occupé divers postes à travers la France, toujours guidé par sa foi et son dévouement envers les autres. De vicaire à Cognac à professeur de philosophie à Poitiers, en passant par son rôle de Vicaire Général à Angoulême, son empreinte s’est étendue à de nombreux aspects de la vie de l’Église, de l’éducation à la communication en passant par la pastorale des jeunes et des familles.

En tant que secrétaire général adjoint de l’épiscopat à Paris, le Père Boullet a été porte-parole des évêques de France, représentant l’Église dans les médias et lors de visites papales historiques. Il a été directeur de la salle de presse des deux voyages du Pape Jean-Paul II à Lourdes 1983 et Lyon 1986, et a publié le livre “Le choc des Médias” 1985 chez Desclée.

Après son retour à Angoulême en 1987, le Père Boullet a repris son rôle de vicaire général auprès de Mgr Rol. Dans cette fonction, il a accompagné les paroisses de Ruffec et de Confolens, mettant en œuvre les orientations pastorales de l’évêque.

Sa mission dépassait cependant le cadre des paroisses. En tant que délégué épiscopal pour l’Apostolat des Laïcs, la Mission Ouvrière, la Mission de France, le Monde Rural, le CODIEC et l’ACE, le Père Boullet s’est engagé dans une multitude d’initiatives visant à promouvoir l’engagement des fidèles laïcs et à répondre aux défis pastoraux contemporains.

Parallèlement à ses responsabilités pastorales, le Père Boullet a occupé plusieurs autres postes clés dans le diocèse d’Angoulême. En tant que directeur de la radio diocésaine, Radio-Accords-16 (devenue R.C.F. Accords) de 1989 à 1997, il a utilisé les médias pour diffuser la parole de l’Église dans le diocèse. Son rôle de porte-parole de l’évêché en 1990 auprès de Mgr Dagens, a renforcé son engagement envers la communication et son désir de transmettre le message de l’Évangile de manière accessible et engageante.

Délégué épiscopal, le Père Boullet a continué à accompagner les jeunes dans leur parcours éducatif en tant que prêtre accompagnateur du Lycée LISA et du collège Pierre Bodet.

En 1997, le Père Boullet a été nommé curé d’Angoulême, prenant en charge la cathédrale et l’église Saint-Martial.

Même après sa retraite, il a continué à être un pilier de la foi et de la communauté, résidant à la Maison Diocésaine à partir de 2010 et offrant son soutien aux paroisses locales.
Son dévouement envers sa foi, sa communauté et son engagement resteront un exemple pour tous ceux qui l’ont connu et aimé.


HOMELIE DE MGR GOSSELIN POUR LES obsèques du Père Michel Boullet

Sur la colline, au-dessus lac de Génésareth, Jésus proclame son plus long discours entouré de ses disciples et d’une grande foule. D’après Mgr Blondel, Michel avait cet amour de la Parole de Dieu et recourrait de manière incessante à ce discours « Matthieu 5-6-7 » comme il aimait le dire. Le discours sur la montagne est un texte majeur qui définit une éthique chrétienne et tout un programme de vie : il commence avec les béatitudes et nous livre aussi le NP.

« Heureux les pauvres de cœur car le Royaume des cieux est à eux »

Parler de bonheur pendant le temps pascal est bienvenu car le Salut apporté par Jésus est un accès pour tous au bonheur infini du Père et du Fils dans l’Esprit. C’est une promesse d’un royaume à venir et déjà là ; une réalité à vivre dans l’Esprit-Saint ; pour cela il faut un cœur humble et ouvert.

Jésus est ressuscité pour nous donner la Vie et la vie en abondance et la sainteté est cette exultation de l’amour qui nous est offerte car Dieu est miséricordieux

Nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et il nous placera près de lui avec vous.

Le secret pour être toujours heureux se trouve dans l’Evangile. Michel était de ceux-là qui témoignaient d’un bonheur possible, d’une joie communicative. Un homme chaleureux et fidèle, délicat en amitié et prêt à rendre service. Nous avons vécu sous le même toit pendant ses dernières années à la maison diocésaine et j’ai pu profiter de son expérience, de sa bienveillance fraternelle et de sa délicatesse. Un frère …. et aussi un bon animateur qui savait sortir à l’occasion sa guitare et enchanter son auditoire avec ses tubes personnels (Raoul..)

Un compagnonnage fidèle avec son Seigneur, ce qui lui valut de remplir des cahiers entiers de même format avec les grâces du jour, année après année. Il aimait sa famille, il aimait l’Eglise, il aimait ceux qu’il rencontrait. Un très beau parcours de prêtre, une belle personnalité.

Des épreuves il en a eu. Par exemple, devenir supérieur d’un séminaire en 1968 n’était sûrement pas simple, sans la foi chevillée au cœur. Il a su garder le cap malgré toutes les turpitudes et les bouleversements de chaque époque… avec la foi et la force reçue de Dieu.

« Compétent, ouvert au monde de la communication souvent loin de l’Eglise et de la foi, il a su lier des liens chaleureux et simples avec les journalistes et avec tous les courants préoccupés de l’Evangile » nous dit Mgr Defoix.

En  particulier, c’est bien son esprit missionnaire qui l’a poussé à créer Radio Accord pour aller rejoindre les hommes, tous les hommes, et être témoin de l’amour miséricordieux pour tous.  Si notre Pape nous invite à aller aux périphéries, c’est pour retrouver ce chemin de Pentecôte. Car le Christ est mort pour tous, Le Père Michel était présent à ces périphéries dans un grand respect de la liberté de chacun. Il aimait beaucoup Madeleine Delbrel  qui disait : « Nous n’avons pas le droit de donner autre chose que de l’éternel si nous venons de la part de Jésus. Nous le donnons sous des apparences fragiles, périssables, mais nous n’avons pas le droit de donner quelque chose qui ne soit pas chargé d’éternel. » Michel n’était-il pas un témoin de ce type ?

Il va retrouver au ciel les membres de sa famille, ses frères en humanité qu’il a servis, et ses amis les saints. Nous chanterons pour l’absout la prière de Charles de Foucauld… Ces paroles éclairent les dernières années de la vie du père Michel, et nous enseignent sur cet abandon confiant dans la miséricorde de Dieu. Dieu qui ressuscite les morts ne nous lâchent pas quand nos facultés faiblissent, voire disparaissent… « je te dis que si tu crois tu verras la gloire de Dieu ». Le chemin pascal est un chemin d’abaissement et de relèvement. Nous le savons, en effet, même si notre corps, cette tente qui est notre demeure sur la terre, est détruit, nous avons un édifice construit par Dieu, une demeure éternelle dans les cieux qui n’est pas l’œuvre des hommes.

Michel, nous rendons grâce pour votre vie, votre humanité, votre ministère. Votre foi était ouverte, confiante dans l’Eglise, dans la beauté de votre vocation, dans la beauté de la vie et l’espérance d’un Royaume à venir. Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né.

Soyez comblé par celui que vous avez aimé et servi sur cette terre :

Notre Père qui est aux cieux, que ton règne vienne …

« Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Maitre » Mt 25, 23


Présentation du Père Michel Boullet pour ses obsèques, par le Père Laurent Maurin

Michel Boulet ! Mickey Boullet ! Père Michel Boulet ! c’est selon…

A ce nom, bien des Chrétiens ou des non-Chrétiens ont dressé l’oreille. Tu as suscité beaucoup d’intérêt ta vie durant et il y avait de quoi !

Quelle vie ! Quel itinéraire ! Quelle présence !

Tu étais tellement présent aux autres, au monde, que j’ai du mal aujourd’hui à parler de toi à la troisième personne ! Je continuerai donc à te parler, et à te parler au présent !

Je ne peux non plus parler de toi au passé, car ta foi, ta foi au Christ ressuscité, comme notre foi, la foi de l’Eglise, emporte tout, et nous dit que c’est la vie qui l’emporte… même aujourd’hui.

Michel,

Tu étais d’ici, des bords de la Charente, ta famille était originaire de Bassac, c’est là que tu reposeras à l’ombre de l’abbaye millénaire que tu aimais et dont tu avais souvent une carte postale dans tes innombrables livres en guise de marque page. C’est le clocher de l’abbaye qui te rappelait d’où tu étais et où tu en étais.

Où tu en étais ! Ton histoire donne le tournis parfois ! à toi aussi, je sais, parfois !

Tu es né à Niort le 11 avril 1932, au grès des déplacements de ton père, directeur à la Banque de France. Mais c’est à Angoulême que tu as grandi, tout près d’ici, rue de l’Arsenal. Tu allais à Saint-Paul préparer ton bac, certains s’en souviennent bien ici encore aujourd’hui, et tu avais comme grand ami Maurice Tourvieille, d’une famille bien connue en Charente. Sais-tu ce que Maurice a écrit de toi le 12 novembre 1951 :

« Je suis content au plus haut point que Michel Boullet soit reçu à sa philosophie avec mention. Il fera un jour un « grand esprit » dans l’Eglise si la volonté de Dieu veut qu’il soit prêtre…”

Et Maurice avait raison. Mais d’abord en 1951, tu montes à Paris, faire une licence à la Sorbonne. Et là, c’est comme président de la Faluche que tu excelles, organisant des tournées de chants en Europe et au Brésil ! Le pèlerinage étudiant à Charte te plait, l’Eglise en plein vent qui avance, pour toi, c’est Oui ! Alors comme l’avais dit Maurice Tourvieille, tu es entré au Séminaire des Carmes, à l’Institut catholique de Paris, pour devenir prêtre, et Maurice lui, à la fraternité des Petits Frères de Jésus à El Abiodh en Algérie où il sera assassiné en 1956.

Figures- toi qu’aux Carmes à Paris tu deviens encore le copain d’un autre futur religieux-martyr qui partira aussi pour l’Algérie et qui deviendra le Prieur des Moines de Tibhérine, Christian de Chergé, où il sera assassiné en 1996.

Ta formation en philosophie et théologie est entre-coupée par un long service national au Cameroun jusqu’en 1960.

A 1962, ouvre le Concile. Grande joie. Enfin l’Eglise parle avec son temps, quitte ses vieilles certitudes, alors oui, tu peux te risquer et tu es ordonné diacre à Angoulême, puis prêtre à Paris en mars 1964. La vielle institution se dépoussière et tu étais très fier de n’avoir jamais porté la soutane, ouf ! Tu l’as échappé belle !

En 64, te voilà de retour en Charente et l’évêque, Jean-Baptiste Mégnin, te nomme aumônier des collèges et lycées public de Cognac et aumônier diocésain de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne).  Tu n’y resteras que 4 ans, car le nouvel évêque, René Kérautret, discerne en toi des talents pour mener les séminaristes plus loin que les fausses évidences, dans la ligne de l’ouverture voulue par le Concile que bousculent cette année-là les évènements de Mai. Te voilà donc prof de philo en 68 au séminaire interdiocésain de Poitiers. Tu es l’homme de la situation. L’année suivante, tu es nommé Supérieur du séminaire. Pendant 6 ans tu vas donc gérer la formation des futurs prêtres d’une Eglise qui s’interroge sur elle-même et sur son avenir.

Tu t’engages aussi dans la formation permanente des prêtres, une nécessité après les avancées théologiques et pastorales de ces années-là. Comme peu après tu te consacres à la formation chrétienne des adultes laïcs.

Ton mandat à Poitiers achevé, le nouvel évêque d’Angoulême, Georges Rol te rappelle dans le diocèse pour être son vicaire général. Vous allez donc faire un duo surprenant à la tête de l’Eglise de Charente : lui, réservé et pondéré, et toi sur le terrain et communiquant.

Et oui, tu es un homme de la communication. Tu avais compris que Dieu s’est fait communication… communication avec le tout le genre humain. Et tu en vivais. Cela te vaut, dès 1978, de repartir à temps partiel à Paris, étant nommé à la Commission épiscopale de l’opinion publique.

Tremplin pour le poste de porte-parole des évêques de France de 1981 à 1987. Tu es également au secrétariat de la Conférence épiscopale avec Gérard Defoix sous les présidences de Jean Vilnet puis d’Albert Decourtray. Plusieurs d’entre nous se souviennent des interventions de l’abbé Boullet dans les journaux télévisés de 20h, à l’époque où il n’y avait que 3 chaines, ou dans les radios ou la presse écrite. Tu interviens pour donner la parole de l’Eglise sur les sujets d’actualité. Tu as même ouvert les débats de la conférence épiscopale de Lourdes aux journalistes. Tu t’en voulais un peu car ceux-ci faisaient l’ouverture, récupéraient des scoops et ne restaient pas pour présenter les résultats des travaux. Michel, tu refusas le titre de Monseigneur qui normalement allait de pair avec ta fonction. Tu restas donc l’abbé Boullet, un nom qui t’amusait, même tu reconnaissais que cela ne t’aidait pas pour parler à un ministre ou un haut responsable des médias. Tu dois préparer et assurer la couverture médiatique des voyages de Jean-Paul II à Lourdes en 1983 et à Lyon, Taizé, Ars, Annecy, Paray en 1986. Tu discutes et déjeunes avec le pape… tu récupères, avec malice comme toujours, son cure-dents qui devient la relique d’un Saint !

En 1985, dans la collection « l’héritage du Concile » chez Desclée, tu publies ton livre « le choc des médias ». L’idée maitresse : comment arriver à parler de la foi, si l’Eglise ou le chrétien lambda ne s’intéresse pas à ce que crée, dit ou pense son frère qu’il soit chrétien, agnostique, non-croyant ou d’une autre religion !

Ce principe tu l’appliques en créant Radio Accords (devenue RCF-Charente) lorsque tu reviens en Charente après 1987, au moment du 1er synode. Tu deviens à nouveau Vicaire général de Georges Rol, accompagnant principalement le Nord Charente et le Confolentais.

Tu lances le festival de BD Chrétienne avec Jean-Claude Renaud et ses fameuses tables ouvertes des dessinateurs. Mais c’est surtout Radio-Accords donc qui est ton bébé. Elle diffusera sur les antennes à partir de 1992. Tu veux qu’elle soit la voix des sans-voix, et qu’elle soit l’occasion de sortir du sérail de l’Eglise. Tu y pratiques ta conception de la communication : franche, honnête, sans détour, avec une bienveillance primordiale. Tes émissions « Rencontres » s’inspirant des Radioscopies, comme le journal que tu présentais parfois : « 18 h 30, Radio Accords, Le Journal, Michel Boullet », en sont des exemples. Et tu sais que toute l’équipe aujourd’hui veut continuer sur ces bases que tu a mises en place, moi y compris comme prêtre accompagnateur aujourd’hui et producteur d’émissions, bien modestement, à ta suite.

En 1994, après l’arrivée de Claude Dagens comme évêque, tu gardes la direction de Radio Accords, mais tu laisses la responsabilité de Vicaire général à ton ami Pierre Plantevigne, restant, toi, Vicaire épiscopal. Il faut dire que, lui comme toi, vous aviez une connaissance parfaite des communautés, des communes, des prêtres et des diacres de Charente. En 1997, tu deviens curé de la cathédrale et du centre-ville d’Angoulême, doyen d’Angoulême et vicaire épiscopal du Grand Angoulême. Finalement c’est à 65 ans que tu deviens curé pour la première fois, ici, dans la paroisse de ton enfance. Tu organises cette nouvelle paroisse réunissant les églises du centre-ville selon le schéma qu’elle a aujourd’hui.

Pendant ces années-là, tu as accompagné une multitude de réalités pastorales différentes, de mouvements, d’équipes d’Action catholique qu’il serait trop long d’énumérer. Mais tu as toujours gardé une priorité pour le monde des jeunes. Tu es toujours resté aumônier d’établissements scolaires et tu étais de tous les rassemblements, les pélés. C’est là que l’on s’est connu d’avantage, tu venais vers nous avec un immense sourire pour dire en imitant la voix de Jean Paul II : « le Saint Père est très content de votre travail », sans-doute une phrase que tu as dû entendre bien souvent dans tes responsabilités de la part du nonce. Il faut ici dire un mot du nonce, dont on taira le nom. Personne n’a compris pourquoi après tes responsabilités nationales tu n’es pas devenu évêque. Tu le racontais avec malice… la fameuse boulette, qui n’a pas plus au nonce qui t’a alors radié des listes des épiscopables. Comme l’écrit Frédéric Sabourin dans le portrait très fort qu’il a écrit de toi sur le site du diocèse, « pourtant tu avais un sacré CV ! Et puis non, tu n’as jamais été évêque, et j’allais dire tant mieux, tant mieux, pour nous ! Nous t’avons gardé jalousement pour nous seuls… Et on en a bien profité. »

Oui, cela nous a permis de profiter de tous tes talents, ceux d’animateur, avec ta guitare et ton sempiternel “Rrrrraoul, t’es le roi du tango, Rrrrraoul, c’est bien toi le plus beau…”, ceux de d’imitateur, de Elkabach dont tu fus le sosie plus jeune, à Mgr Marty…

En 2005, à 73 ans, tu comprends que l’on ne s’accroche pas à un poste, même celui de la cathédrale et tu décides d’aller à la base, curé de paroisse du coté de Vars -St-Amant-de-Boixe. Les paroissiens sont heureux avec toi et tu les fais grandir en maturité et en responsabilité. Moi, qui y suis passé après toi, je peux en témoigner.

En effet, en 2012 tu m’accueilles sur l’ancien Doyenné d’Angoulême Ouest et là nous travaillons ensemble pendant 5 ans. Nettement retiré cette fois de toutes les responsabilités, basé à la Maison diocésaine, avec Jean-Claude Delage vous me secondez sur ce territoire. Les gens de Champniers et du Gond apprennent à mieux te connaitre… Pour moi, c’est une fierté et du pain béni que de pouvoir compter sur toi. Je n’oublierai pas, entre autres, un certain pèlerinage à Lisieux…

Là, Loin des onctions ecclésiastiques, tu restes toujours le même. Celui que tu es. Ta précieuse liberté que tu sais lier avec ta fidélité à l’Eglise du Christ. Une liberté que tu as toujours voulu faire respecter, même au plus haut niveau, car elle est au service des autres. Tu aimes les gens, tu t’intéresses à eux. Comme le Christ tout au long de l’évangile. Tu cherches avec chacun, les prenant là où ils sont, avec simplicité, avec humour, sans jugement. De chaque rencontre, ton regard en pétillait ! Présenter un journal sur ta radio, interroger des célébrités comme des inconnus, ou simplement rencontrer des paroissiens pour célébrer avec eux un sacrement, tout cela participait pour toi du même mouvement. Je me souviens des mariages et de leur préparation que je te confiais parfois. Tu rencontrais ces personnes avec passion, surtout ceux qui avaient eu une vie compliquée, abimée, comme s’ils étaient le 5° évangile ! Prendre au sérieux ce que vivent les gens et leur montrer que la foi n’est peut-être pas loin, qu’elle est là souvent, cachée, discrète, mais qu’elle éclaire bien des aspects de nos vies personnelles ou collectives, c’est ton bonheur. Tu sais que cette passion des autres a marqué des générations de prêtres…

Cependant l’âge arrive… Les repas du jeudi à la Pouyade sont autant de bons moments, mais l’évolution du monde et de l’Eglise, toi qui les avais toujours suivies de près, commencent à te dépasser un peu, prennent une tournure qui te surprend. Tu en profites pour partir, voyager, les fameuses croisières sur le Nil et la non moins curieuse chute de dromadaire. Une chute qui te fit rester seul à l’hôpital du Caire des semaines sans trop savoir ce qui se passait… Combien de fois nous l’as-tu racontée en rigolant ! Mais plus inquiétant, combien de fois aussi n’es tu pas venu vers moi discrètement pour me demander : « Dis-moi qui c’est… Il semble me connaître, mais je ne le reconnais pas du tout ». Ton cerveau te disait « stop ». De plus en plus à partir de 2018 et, il y a 3 ans, le pas irrémédiable vers l’Ehpad de la Source à l’Isle d’Espagnac est franchi. Et on s’y est retrouvé, puisque, comme curé de cette paroisse, j’y vais régulièrement. Tes amis, ta famille, ont continué à être présents à tes cotés… Mais très vite tu plonges dans le silence. Je te regardai en silence. J’étais frappé de voir que celui qui a porté la parole officielle de l’Eglise était réduit au silence.

Lorsque je venais célébrer l’eucharistie avec les résidents, on se mettait cote à cote… au bout d’un moment souvent, pour des chants, des prières, ta bouche s’animait un instant. Je t’ai donné le sacrement des malades avec ceux qui t’entouraient et une nouvelle fois encore ce 21 mars au soir, pour la messe des Rameaux et de la Passion que nous avons célébrées ensemble. Je me suis rendu compte juste après que c’était la veille de tes 60 ans d’ordination, et ce fut ta dernière messe.

Toi qui as rempli tant de cahiers au cours de nos réunions, sans doute pour ne pas oublier les perles des uns et des autres, toi dont le slogan était pour ceux qui travaillaient avec toi « bravo, courage, merci », à la fin de ta vie, le seul mot que tu nous disais, celui qui te revenais naturellement, c’était « merci ».

Alors oui, Merci Michel et surtout Bravo à toi !

Il faudra continuer à raconter ta vie, tes vies, l’histoire, les histoires du Père Michel Boullet et, tant qu’on les racontera si quelqu’un peut se dire : c’est bien vrai, c’est donc cela témoigner de l’amour de Dieu pour ce monde, alors ta mission n’aura pas été vaine, et elle continuera à faire du bien sur la terre.

Laurent Maurin, prêtre,

Angoulême, le 16 Avril 2024


Hommage rédigé par Frédéric Sabourin, le 12 Avril 2024
Adieu, mon pote Mickey…
- "Rrrrraoul, t'es le roi du tango, Rrrrraoul, c'est bien toi le plus beau..."

– “Rrrrraoul, t’es le roi du tango, Rrrrraoul, c’est bien toi le plus beau…”

Mon cher Michel, je ne t’ai pourtant jamais appelé comme ça, ce sobriquet était réservé à une autre époque, à tes plus vieux amis, les copains et copines de la chorale universitaire et de la fac de sciences en Sorbonne, qui t’ont accompagné dans les fameuses tournées au Brésil. Tiens d’ailleurs j’entends d’ici la samba, de là-haut où tu dois retrouver un paquet d’amis de toujours et déjà faire la bamboche, avec une guitare trouvée dans un coin du paradis. Tu aurais pu avoir 1000 vies, Michel. Je me demande d’ailleurs si tu ne les as pas eues… Tu étais un artiste, un vrai, un personnage, et tu viens de t’envoler pour ton dernier tour de piste. « Et puis… mais ce n’est pas demain, il faudra que le soir vienne, je m’en irai sur le chemin, où nous attend la chienne, un par un, mon amour, mon amour… Quand je serai dans les nuages, c’est autre part, c’est autre chose, encore, mais sans toi, tu sais, je serai seul, là-bas dans l’autre image… ». Cette chanson de Serge Reggiani, que tu aimais tant, et que j’ai découverte grâce à toi (entre autres !), voici que cette funeste prophétie se réalise, « et ce n’est pas demain » devient « aujourd’hui »
 

Adieu, mon pote Mickey…

Michel Boullet fut prêtre, 60 ans durant. Du sacerdoce, il a tout exploré, ou presque : jeune vicaire à Cognac, prof de philo au grand séminaire de Poitiers, secrétaire-général adjoint à l’épiscopat et porte-parole des évêques, organisateur (avec d’autres) des voyages du Pape Jean-Paul II à Lourdes (1983) et Lyon (1986), directeur de la toute jeune antenne de RCF en Charente (RCF « Accords »), vicaire épiscopal des zones de Ruffec et Confolens, curé-doyen de la cathédrale et du centre-ville d’Angoulême, organisateur du festival off de bande-dessinée chrétienne (avec Jean-Claude Renaud), aumônier de multiples groupes, tennisman le samedi matin, montant en chaire le dimanche, et même… retraité.

Finalement, la seule chose que tu n’as pas faite, c’est évêque. Beaucoup – dont je suis – ce sont souvent demandés pourquoi ? Avec un tel parcours (excusez du peu !) : collège et lycée Saint-Paul d’Angoulême, faculté de sciences à la Sorbonne, séminaire des Carmes de l’Institut catholique de Paris, jusqu’à Rome pour les visites à Jean-Paul II, et cette passion pour les médias, dans lesquels tu étais si à l’aise, admirant ton mentor, Jacques Chancel (dont tu copieras intelligemment la fameuse Radioscopie sur RCF Accords, et que tu nommeras Rencontre, tout un programme…) ; sosie de Jean-Pierre Elkabbach, dont tu joueras des tours à quelques garçons de café parisiens… Bref, tu avais un sacré CV ! Et puis non, tu n’as jamais été évêque, et j’allais dire tant mieux, tant mieux, pour nous ! Nous t’avons gardé jalousement pour nous seuls… Et on en a bien profité.

Homme de convictions plus que de certitudes, tu as enchanté toutes les rencontres que tu as eu la chance et les possibilités de faire. Croyants ou non-croyants, anticléricaux « bouffeurs de curés », tu n’aimais rien tant que les rencontres. Avec « d’anciens alcooliques, des sortis de taule, des jeunes, des vieux. C’est toujours un bonheur de rencontrer les personnes dans leur vérité. Il faut aimer les gens comme ils sont et non pas comme on les projette.», comme tu l’avais confié à Charente Libre en septembre 2011, au moment de prendre ta « retraite », à… 79 ans.

- En juin 2005 lors de ta soirée de départ de la rue Fénelon -

– En juin 2005 lors de ta soirée de départ de la rue Fénelon –

Nous nous sommes vraiment connus qu’au milieu des années 90, en revenant d’un pèlerinage des jeunes de Charente à Lourdes. C’était au printemps. Nous rentrions de trois jours fatigants mais si exaltants comme à chaque fois, la voix cassée par les chants, les cris, les courtes nuits. J’étais dans me même bus que toi pour le retour, et tu as pris le micro – objet fétiche que tu chérissais – pour commenter l’arrivée place Mulac à Angoulême à la façon des commentaires du tiercé par Léon Zitrone, en improvisation totale. Tout le monde riait à s’en tenir les côtes… Et moi, je me disais : « mais qui c’est, ce gars ? ».

J’ai, quelques années plus tard, eu davantage de temps pour te connaître, quand tu m’as ouvert la porte d’une petite chambre dans ton presbytère de la rue Fénelon, été 1998, alors que l’atmosphère devenait irrespirable dans ma famille, et qu’il fallait que je fiche le camp d’urgence. Nous avons partagé presque 7 ans de vie dans cette maison du 18 rue Fénelon, d’abord pour quelques week-ends et des vacances, puis, comme jeune vicaire à tes côtés, où tu m’appris la plus fondamentale des leçons : la liberté est le bien le plus précieux qui soit, même si ça dérange.

Mon cher Michel… Nous avons tant partagé, tant ri, pleuré aussi quelquefois mais plus rarement, seulement dans les circonstances tragiques de la mort de mon père, et tu fus ensuite un si bon père de substitution, en mieux, car plus libre. Tu fus tout à la fois un ami, un frère, l’oncle que je n’ai jamais eu, un modèle, un père, au sens spirituel et au sens familial. De toi 1001 souvenirs restent gravés dans ma mémoire, des sorties au théâtre dont nous parlions 8 jours avant et encore 8 jours après ; les repas de Noël à 2h du matin une fois la cathédrale enfin rangée et fermée, avec Pierre le sacristain et nous refaisions nos guerres, toi au service militaire comme sous-lieutenant au Cameroun et moi dans les parachutistes coloniaux à Mont-de-Marsan ; quand nous mettions en boîte l’évêque et ses (nombreuses) névroses ; l’inoubliable dîner improvisé avec les restes de Noël le soir de la tempête de 99, avant que le courant ne se coupe définitivement et qu’on croit arrivée pour de bon l’apocalypse, ivre du magnifique bordeaux que tu avais ouvert ce soir-là, prétextant que si ça devait être la dernière bouteille, autant que ce soit la meilleure… ; les festivals de BD chrétiennes à Angoulême et les grandes tablées avec les dessinateurs ; les blagues au second, troisième, quatrième degré ; les imitations d’Elkabbach dont tu fus le sosie plus jeune, celles de Jean-Paul II sur la fin de sa vie ; le pied à l’étrier que tu me mis à la radio RCF Accords, pour une chronique cinéma de 3 minutes dont on sait où elle m’a ensuite conduite ; le commentaire en direct à la radio depuis la sacristie pour la messe hommage après la mort du Pape ; et, bien sûr, cette inénarrable chanson de Raoul de Godewarsvelde, « Rrrrraoul, le roi du tango », que tu as chanté ad libitum, jusqu’à l’usure, sans jamais, jamais nous lasser, dans tous les dîners, rencontres, rassemblements…

Michel, je t’aimais. Beaucoup. Énormément. Infiniment. Ta disparition, je le savais – je la redoutais – était dans l’ordre des choses, à 92 ans. Mais quand même, tu aurais pu éviter de faire ça le jour de ton anniversaire… Encore une dernière pirouette dont il faut rire, alors ? Aujourd’hui, je ne peux pas. Demain, peut-être… Comme tu aimais à dire à la fin de tes propres discours : « Je n’aurais que trois mots : bravo, courage, et merci ! ». Merci Michel. Merci « Mickey ». Merci « mon frère ». Merci « mon père ». Merci infiniment.

F.S.

[RIP Michel Boullet, 11/04/1932 – 11/04/2024. Prêtre du diocèse d’Angoulême]

- Avec Christian de Chergé, au séminaire des Carmes à Paris (1964 ?), avant de partir à Tibhirine en Algérie, où il mourra assasiné avec 6 autres frères en mai 1996 -

– Avec Christian de Chergé, au séminaire des Carmes à Paris (1964 ?), avant de partir à Tibhirine en Algérie, où il mourra assasiné avec 6 autres frères en mai 1996 –

Partagez cette page à vos amis !




Télécharger au format PDF

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Je recherche