Déclaration de Mgr Gosselin sur la révision des lois de bioéthique – le 4 février 2021

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Publié le 4 février 2021

Cette semaine, le texte de loi sur la bioéthique est en deuxième lecture au Sénat. A cette occasion, Mgr Gosselin veut aider les chrétiens mais aussi les hommes de bonne volonté, à prendre conscience des défis auxquels nous sommes confrontés.

“Ma conviction citoyenne et religieuse est qu’une société s’humanise à partir du moment où elle prend en charge les êtres les plus faibles et les plus petits, du début de la vie jusqu’à la fin. Or quand on permet à une certaine catégorie de la population d’avoir un pouvoir sur les autres, il y a une forme de tyrannie qui se met en place et qui est particulièrement dramatique. Il nous faut prendre conscience de ce qui est en train de se passer.”

Nous sommes à une heure importante pour notre société, la société Française, avec un grand bouleversement en cours qui est la révision des lois de bioéthique, arrivée au sénat en deuxième lecture en cette première semaine de février. En tant que chrétiens, nous avons fêté il y a quelques jours la chandeleur, la fête de la lumière, et la commission bioéthique de la conférence des évêques de France et le conseil permanent ont invité à vivre plusieurs vendredis pour accompagner dans la prière ce projet de loi avec un titre qui était : « Que nos yeux s’ouvrent. »

Que nos yeux s’ouvrent sur toutes les détresses

Que nos yeux s’ouvrent pour pouvoir regarder la réalité telle qu’elle est, envisager l’avenir avec respect, avec confiance. Et en même temps, être capable de prendre les bonnes décisions. Ouvrir les yeux, ça veut dire être dans la lumière, comme je le disais tout à l’heure, cette lumière qui nous est donnée. Pour nous, chrétiens, sans l’Esprit Saint il nous est difficile de voir les ombres qui s’annoncent, et également d’avoir une vision sur l’avenir et la réalité de l’homme. Pourtant je crois qu’on est vraiment dans un grand bouleversement dont il nous faut prendre conscience. Mon propos aujourd’hui est justement d’aider, peut-être, les chrétiens mais aussi les hommes de bonne volonté, à prendre conscience des défis auxquels nous sommes confrontés.

Pourquoi ? Parce que nous voyons d’une certaine manière que la bioéthique est comme aveuglée. Aveuglée par des performances techniques. Des performances qui permettent d’être un peu fascinés, comme une idole ou une sirène, qui fait qu’on oublie peut-être l’essentiel et que si l’intention peut être bonne, tous les moyens ne sont pas bons pour pouvoir obtenir l’objectif qu’on s’est donné. L’idée est de repérer ce qui est abus de pouvoir. On parle beaucoup d’abus de pouvoir aujourd’hui. Abus de pouvoir de l’homme sur l’homme, ce pouvoir qui veut être contraignant et qui fait que ce que nous vivons est de nature à transformer profondément les rapports d’une société. J’ajoute que cela est un problème de société plutôt riche, nous ne trouvons pas ces questions là dans les pays les plus pauvres. Il y a là aussi un fossé qui s’agrandit entre cette capacité à pouvoir proposer des techniques. Les différences sont notables entre les pays.

Les yeux ouverts, c’est je crois un bel objectif. Les yeux ouverts en particulier sur les détresses d’aujourd’hui. Les yeux ouverts parce qu’il nous faut aussi tenir compte de ce que nous vivons en ce moment et que nous ne pouvons pas dire que l’esprit scientifique doit être vraiment très orgueilleux en disant « je maîtrise tout ». Ce virus qui nous tyrannise depuis un an montre que la science n’est pas omni puissante. Elle ne peut pas tout faire et nous ne sommes pas dans un contrôle absolu. Et donc une petit peu d’humilité nous aidera à trouver le chemin de la justice. Nous pouvons avoir les yeux ouverts sur des détresses. Quelles sont les détresses que nous voyons ? Je parle de ce qui est obligé, de cette pandémie, mais aussi en tant qu’ancien médecin je vois aussi la question de l’infertilité dans un couple qui est une détresse à laquelle il faut pouvoir répondre, prendre en charge et accompagner. Il y a des maladies incurables pour le moment, des maladies orphelines, des maladies génétiques et le progrès de la science est une bonne chose parce que le but est d’atténuer les souffrances de l’homme, de pouvoir guérir, de pouvoir soigner. Nous voyons aussi que le désir d’enfant est un désir légitime pour une personne seule comme pour évidemment un couple. Mais est-ce que ce désir doit nous conduire ? Est-ce que c’est l’individu qui peut choisir complètement de faire naître un enfant ? Ou faut-il qu’il y ait un projet, un projet parental, un projet d’un couple, un projet pour pouvoir faire naître l’enfant dans de bonnes conditions ?

Que nos yeux s’ouvrent sur la beauté du monde

Les yeux ouverts sur ce qui peut être difficile, je viens de n’en citer que quelques exemples. Les yeux ouverts aussi sur la beauté du monde. De plus en plus nous sommes appelés par cette préoccupation écologique à repérer tout ce qui est merveilleux dans la nature, cet équilibre extrêmement fragile. Nous voyons bien que des pratiques humaines peuvent perturber des équilibres et entraîner des catastrophes et des catastrophes naturelles. Mais nous pouvons nous émerveiller de la nature. Nous pouvons aussi nous émerveiller de l’homme dans son statut particulier au sein même de la création. Au sein même des mammifères, il est autre que simplement un animal. Un animal pensant, un animal qui sait qu’il existe, un animal qui est appelé à aimer et aussi à procréer, à transmettre et à donner la vie. Nos législateurs ont beaucoup de travail puisque nous avons entendu il y a quelques jours que ce qui les préoccupe c’est le bien-être animal. Je crois aussi qu’il est bon de se préoccuper du bien-être animal. Mais qu’il est tout aussi et bien plus important de se préoccuper du bien-être de l’homme. Si on parle d’écologie, il faut que ce que nous repérons au niveau de la nature puisse être transposé, et qu’on ait autant de soin à défendre la nature dans tous ses éléments et à la préserver qu’à défendre l’homme. Or je crois que l’enjeu est en ce moment particulièrement important. Donc, engageons-nous dans ce respect de l’homme, dans la reconnaissance de cet être qui est au monde, magnifique puisqu’il est capable de servir ses frères, de vivre la fraternité, de vivre le service.

Que nos yeux s’ouvrent sur les dérivent et les risques possibles

Le projet de loi qui arrive en deuxième lecture au sénat a donné comme principe, comme en préambule, d’ouvrir la possibilité de procréation à toute personne qui le souhaite dans le respect éthique des lois de la République. Je trouve que c’est une très bonne chose de vouloir respecter les principes de la République. Mais si on entend « égalité, fraternité », je n’ai pas l’impression que le corps du texte, le corps de la loi aille dans le sens d’être vraiment égaux entre tous les hommes et de permettre une authentique fraternité entre les individus. Et puis, comment peut-on prétendre faire accéder à la procréation toute personne, tout individu qui le demanderait ? C’est là qu’on observe des dérives en cours et des risques possibles. Les risques étant, je les nomme :

– Une sélection accrue des enfants avant même la naissance. L’idée étant de faire un tri pour répondre à la demande de parents qui ont légitimement le souhait que l’enfant soit en bonne santé. En même temps, comment le leur garantir et faire cet eugénisme, ce tri entre ceux qui auront le droit de naître et ceux qui n’auront pas le droit de naître ?

– Il y a aussi une forme d’esclavagisme. On sait que l’esclavagisme peut exister dans certains pays, la vente d’hommes pour un travail ou pour assouvir je ne sais quel besoin. Mais il y a aussi des formes modernes d’esclavagisme, lorsqu’on utilise quelqu’un pour soigner quelqu’un d’autre. Lorsqu’on va vendre non pas la personne elle-même, mais une partie de son corps pour obtenir un bien. Il y a là des dérives qu’il nous faut savoir reconnaître, dénoncer, et lutter contre. C’est une question d’égalité. Car il y aura les puissants, et les faibles. Et que deviennent les faibles dans notre société si seuls les forts ont le droit de vivre, et les faibles de servir l’intention des autres ?

– La loi, me semble-t-il, prévoit de manière un peu scandaleuse la prolongation du délai d’avortement de 12 à 14 semaines et la possibilité pour des raisons psychosociales d’interrompre la grossesse jusqu’au terme. Comment va-t-on pouvoir justifier humainement, éthiquement, le fait d’éliminer un enfant la veille de la naissance ? Le lendemain de la naissance, celui qui atteindra à la vie de ce petit sera criminel et ira en prison. La veille, ce sera légal, possible. Pour des raisons psychosociales. Qui va déterminer de ces raisons psychosociales ?

– Il est prévu également que nous puissions faire de la recherche sur les embryons. Un enfant génétiquement modifié, est-ce possible ? Dans l’état actuel de la science il faut à la fois que l’objectif soit bon et que les moyens utilisés le soient également. Il est prévu de faire des recherches sur l’embryon, sur des cellules souche, et même, ce qui est particulièrement délirant, de fabriquer des chimères, c’est-à-dire un mélange entre la génétique humaine et la génétique animale. Peut-être pour faire des tissus qui permettront d’en soigner d’autres, mais peu importe. Il faut respecter le vivant dans la nature, il faut respecter l’homme tel qu’il est.

– Je me pose aussi des questions en tant que médecin. La médecine a gardé sa vocation de soigner, de prendre en charge et d’accompagner. Mais elle ne peut pas se substituer à la nature. Faut-il que la médecine réponde à ceux qui n’auraient pas de problème médical, de problème de santé, mais demanderaient à la technique, à la science de prendre en charge la procréation qu’ils n’assume pas au niveau de leur vie personnelle et d’une vie avec d’autres ? Est-ce que la médecine est là pour répondre au désir d’enfant parfait en triant les embryons ? Il y a au passage la grande question du devenir des embryons congelés. Et on retire aux médecins la clause de conscience avec laquelle ils peuvent dire non. Il y a une éthique professionnelle qui impose le respect de la conscience de celui qui exerce la médecine. Qu’on puisse remettre en cause la clause de conscience me paraît grave pour les praticiens et pour l’exercice de la médecine en général.

De graves bouleversements sociétaux en cours

Ce qui se prépare est de nature à bouleverser profondément notre être-au-monde. Il y a une volonté de bouleverser l’humain sans même le connaître. Ce n’est pas parce que c’est possible scientifiquement que c’est éthiquement correct. Il faut toujours aller dans le sens du bien. Nous le voyons, des bouleversements sans contrôle peuvent avoir des conséquences extrêmement graves. Qui prendra en charge des enfants à naître qui seraient génétiquement modifiés ? Peut-on dire que le vivant soit sous le contrôle de la médecine et de la science ? Que deviennent les droits de l’enfant ? Que deviennent les droits des plus faibles ? Que deviennent les droits des personnes handicapées (si on naît avec un handicape, il y aura toujours une accusation possible puisque le filtre n’aura pas marché) ? Que deviennent les personnes les plus fragiles à cause de leur âge ou de leur état de santé ? Ma conviction citoyenne et religieuse est qu’une société s’humanise à partir du moment où elle prend en charge les êtres les plus faibles et les plus petits, du début de la vie jusqu’à la fin. Or quand on permet à une certaine catégorie de la population d’avoir un pouvoir sur les autres, il y a une forme de tyrannie qui se met en place et qui est particulièrement dramatique. Il nous faut prendre conscience de ce qui est en train de se passer.

La priorité est la lutte contre l’infertilité. La priorité est le progrès médical éthiquement correct, qui respecte tous les individus et particulièrement les plus faibles. Il nous faut aussi envisager et dénoncer des pratiques qui sont eugénistes, c’est-à-dire d’un choix qui est fait entre ceux qui méritent de vivre et ceux qui ne le méritent pas. Et il faut respecter l’intégrité de l’espèce humaine comme on a le souci de respecter la nature dans ses équilibres naturels. Le respect de l’homme. Le respect de la dignité de l’homme. Le respect de la dignité de tout homme, et pas seulement de quelques-uns qui seraient tentés d’avoir pouvoir sur les autres soit parce qu’ils sont plus riches, soit parce qu’ils sont plus forts. Il est important, dans le respect que nous voulons avoir de l’homme et de cette capacité que nous avons de procréer de ne pas s’affranchir de la sexualité, de l’amour qui est relation et qui intègre le corps de l’homme, de la femme, cette complémentarité homme – femme qui est aussi déterminante. Il nous faut grandir dans l’accompagnement des personnes lorsqu’elles souffrent de telle ou telle pathologie.

L’extension des cas possibles d’avortement, des procréations médicalement assistées qui ne soient pas sous-tendues par une raison médicale… et aussi le bien de l’enfant qui exige – les sciences humaines nous le montrent aussi – une référence paternelle. L’absence de père est toujours une blessure, nous le remarquons et les psychologues nous le disent, une blessure que l’on peut subir pour différentes raisons accidentelles, mais il est scandaleux de l’imposer volontairement à un enfant à naître.

Il nous faut sortir de toute forme d’idéologie et d’idéalisme en pensant à la science. Quand on parle avec des généticiens aujourd’hui, ils nous disent : « ne croyez pas que nous avons contrôle sur ce que nous faisons. Il ne suffit pas de remplacer un gène malade par un gène sain pour que l’enfant soit en bonne santé. Ça, c’est une vulgarisation de la science qui n’est pas du tout ajustée à la réalité. » Il nous faut ce bon sens pour pouvoir respecter l’homme, la capacité de pouvoir donner la vie, respecter sa conscience. Et on parle beaucoup de fraternité… il est important que les hommes à naître et à venir puissent être inclus dans une humanité. Faut-il forcément – et ça pourrait devenir une norme – passer par une éprouvette et un certain nombre de filtres de sélection et donc d’élimination pour pouvoir être l’homme parfait ? Je crois que la vie, et la vie de l’homme est suffisamment précieuse pour qu’on prenne conscience que ce qui est en train de se préparer est de nature à modifier profondément l’être humain, l’être à venir. Que nous soyons déterminés à pouvoir défendre les plus petits dans une dimension d’égalité et de fraternité.

Que faut-il faire pour bien faire ?

Ces derniers vendredis, la conférence des évêques de France nous proposait d’ouvrir les yeux sur des détresses, sur la réalité, sur les problèmes actuels, à prendre conscience qu’il y a des problèmes éthiques très importants. On en prend conscience, et il faudra voir comment dans un dialogue fructueux avec des professionnels comment faire au mieux. Que faut-il faire pour bien faire. Comment agir pour le bien commun. Le bien commun est mis à mal par ce qui est en train de se préparer. Je reprend ce qui était préparé pour ce dernier vendredi du 5 février, ces intentions de prière qui nous sont confiées, nous qui sommes chrétiens pour nous adresser au Seigneur, Maître de la vie, Seigneur de la vie. Nous voulons rendre grâce pour sa tendresse, lui qui n’abandonne jamais personne. Il nous a donné une intelligence pour pouvoir nous mettre au service les uns des autres, et non pas d’exercer un pouvoir. Nous supplions Dieu pour qu’il nous délivre de l’individualisme, ce virus dont nous avons besoin d’être purifié, afin que la fraternité soit consolidée. L’individualisme est un virus peut-être plus grave encore que celui qui nous fait du mal aujourd’hui. Et nous prions aussi pour tous les hommes et les femmes engagés en politique, pour qu’ils ne cèdent pas aux sirènes du marché, du profit, mais soient guidés par le souci du bien commun.

Le pape François nous propose sa prière dans Laudato si’. J’en lis un extrait : « Ô Dieu Un et Trine, communauté sublime d’amour infini, apprend-nous à te contempler dans la beauté de l’univers où tout nous parle de toi. Eveille notre louange et notre gratitude pour chaque être que tu as créé. Donne-nous la grâce de nous sentir intimement unis à tout ce qui existe. Les pauvres et la terre implorent. Seigneur, saisi-nous par ta puissance et ta lumière pour protéger toute vie, pour préparer un avenir meilleur, pour que vienne ton règne de justice, de paix, d’amour et de beauté. »

Oui, c’est la beauté qui sauvera le monde, car la beauté c’est Dieu, l’amour c’est Dieu, la bonté c’est Dieu. Sans nous décourager dans ce combat important pour la défense de l’homme, que nous puissions suivre les recommandations de notre pape qui a choisi une année Saint Joseph et aussi une année de la famille. Ce n’est pas pour rien, je crois. La Vierge Marie, Saint Joseph, l’Enfant Jésus, la Sainte Famille nous révèle cet amour et cette fraternité possibles. Si effectivement les lois qui sont en cours de préparation peuvent nous heurter, il faut être conscient de ce qui se passe et choisir les bons moyens pour combattre, combattre dans la lumière et dans la vérité.

+ Mgr Hervé Gosselin, Evêque d’Angoulême
Le 4 février 2021.

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Une réponse sur « Déclaration de Mgr Gosselin sur la révision des lois de bioéthique – le 4 février 2021 »

Merci, Père évêque de ce commentaire clair et courageux.
Une question : qu’en est-il de l’abord franc clair et lucide de la sexualité dans la préparation au mariage ? Qu’en est-il de l’enseignement de la méthode naturelle de planification familiale ?
Je prie pour vous
Jean Bernard

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